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ger l'opération, il monta un bâtiment léger, et se | chef renversé du haut des murailles; mais le généporta vers le banc de récifs qui borde l'entrée de ral Vaux, qui le remplaca, ayant aperçu une brèl'anse du Marabou. L'éloignement de la côte, les che praticable dans la partie de l'enceinte voisine écueils dont ces parages sont remplis, et la vio- de la mer, y dirigea ses troupes qui n'eurent pas lence des vents qui empêchait les chaloupes de de peine à la forcer. se réunir, mirent quelque désordre dans la flottille des barques échouèrent, et plusieurs hommes périrent.

Enfin, le 2 juillet, à une heure du matin, le général en chef, accompagné de son état-major, débarqua à la tête des premières troupes qui se formèrent sur-le-champ à peu de distance du rivage. A quatre heures, on n'avait encore réuni à terre que 4,300 hommes des divisions Bon, Menou et Kléber, sans cavalerie, ni artillerie; les divisions Desaix et Reynier étaient encore bien loin de la côte. Malgré la faiblesse de ces moyens, Bonaparte ne crut pas devoir différer de marcher sur Alexandrie, dont un désert de trois lieues le séparaît. Il divisa sa petite troupe en trois colonnes, dont il donna le commandement aux généraux qui l'avaient accompagné, et il se mit lui-même à la tête de l'avant-garde. Sa marche ne fut inquiétée que par une poignée d'Arabes et de mameluks qui voltigèrent autour des colonnes; de sorte qu'à huit heures du matin Alexandrie fut investie. La reconnaissance de son enceinte donnant lieu de croire que cette place n'était pas à l'abri d'un coup de main, l'escalade fut résolue; mais, avant de la tenter, on somma la garnison. Enhardis par le petit nombre des assaillants, et encouragés par les habitants, quatre à cinq cents janissaires qui la formaient, répondirent à coups de canon, et vinrent border l'enceinte de la ville des Arabes, en poussant des hurlements épouvantables. Alors les colonnes d'attaque se mirent en mouvement. Kléber, au centre, s'ébranla de la colonne de Pompée, atteignit le pied de la muraille, et désignait déjà à ses grenadiers l'endroit où ils devaient monter, lorsqu'une balle le frappa au front, et le renversa. Impatients de venger leur général, les soldats escaladent la muraille et pénètrent dans la place. Bon, commandant l'attaque de droite, enfonce à coups de hache la porte de Rosette, et se précipite dans la ville des Arabes. La colonne de gauche, conduite par Menou, qui devait s'emparer du château triangulaire, fut d'abord repoussée, et son

Une centaine de janissaires occupaient encore le château et de vieilles tours. D'autres s'étaient retranchés dans les mosquées, et paraissaient disposés à prolonger la résistance: Bonaparte leur députa le capitaine d'un bâtiment turc, qui se trouvait dans la rade. Séduits par ses paroles de paix, ou intimidés par les dispositions qu'on prenait pour les réduire, ils capitulèrent; les scheiks et les imans apportèrent alors leur soumission, si bien qu'à la fin du jour, la place et les deux ports furent au pouvoir des Français. Leur sévère discipline rétablit bientôt le calme, et inspira de la confiance aux habitants. Le reste de l'armée prit terre le même jour, et l'on débarqua sans délai le matériel et les chevaux.

Tandis que ces opérations se terminaient, le général en chef arrêtait le plan des ouvrages à construire, pour mettre Alexandrie à l'abri d'un coup de main. La vieille enceinte des Arabes fut réparée et couverte par des redoutes tracées sur les hauteurs environnantes. On transforma en fort une vieille mosquée qui se trouvait au Marabou : il servit à défendre l'entrée de la passe qui conduit au port. La pointe d'Aboukir fut aussi retranché : on arma le château, et la flotte vint mouiller dans la rade.

Après avoir créé par ces dispositions une place d'armes capable de renfermer tous les établissements et les dépôts, et s'être assuré un excellent point de départ, Bonaparte songea à faire la conquête de l'Égypte. Cette partie de sa tâche n'était pas celle qui offrait le plus de difficultés. En effet, si les débordements réguliers du Nil rendent la basse Égypte impraticable aux armées, depuis le mois de mars jusqu'au mois de juillet, et que la rareté des ponts, le manque absolu de routes entravent en toute saison les opérations militaires ; d'un autre côté, le grand nombre de points accessibles des côtes de ce pays, le défaut total de places fortes, de positions défensives, le rendent moins aisé à conserver qu'à envahir.

Mais avant d'y être solidement établic, combien

pendant, en traversant d'immenses plaines de
sables, où ils ne trouvaient ni ombrage, ni fon-
taines pour étancher leur soif, harcelés sans cesse
par une population nomade et féroce qui massa-
crait tout ce qui s'écartait des colonnes,
ils
proférèrent ni plaintes, ni murmures; tant étaient
grands, chez eux l'amour de la gloire et la con-
fiance dans leur chef!

ne

Cependant, la descente des Français, annoncée aux beys par le scheik d'Alexandrie, les avait diversement affectés. Ibrahim, homme faible et pusillanime, loin de songer à faire tête à l'orage, se répandit en reproches contre son collègue, qu'il accusait d'avoir suscité cette guerre par des extorsions, ne pensa qu'à mettre ses trésors en sûreté, et passa sur la rive droite du Nil. Mourad-Bey, au contraire, sans perdre un instant, rassembla ses kachefs, ordonna à tous ses mameluks de se tenir prêts à combattre, et en détacha 12 à 1,500 à la rencontre des Français à Ramanieh.

l'armée française n'avait-elle pas de fatigues à sup- | de rien dans les fertiles campagnes d'Italie; ceporter! Le climat, les mœurs des indigènes, la manière de combattre des mameluks, la férocité et le brigandage des Arabes, les préjugés et le fanatisme de toutes les classes d'habitants; tels étaient les obstacles sans cesse renaissants qui allaient se présenter. Bonaparte les embrassa d'un coup d'œil; et, dans l'impossibilité de les surmonter tous, il chercha, par sa diligence, à en éluder quelquesuns. La possession du Caire, situé à l'entrée de la vallée supérieure du Nil, résidence ordinaire des deux beys, siége du gouvernement, la seule ville de toute l'Égypte qui renfermât des ressources, était d'une importance majeure, tant parce qu'elle assurait en quelque sorte la possession de la basse Égypte, que parce qu'elle privait les mameluks de leur centre d'activité et de puissance. Le général en chef, aussitôt que le reste de l'armée fut débarqué, marqua donc sa direction sur cette ville. Le général Kléber, que sa blessure empêchait de suivre l'armée, garda Alexandrie avec une demibrigade et trois compagnies d'artillerie. Pour L'armée réunie à Demanhour, marcha sur cette mieux persuader les habitants du pays que l'inten-ville. L'avant-garde fut inquiétée par 3 à 400 tion des Français n'était pas de faire la guerre au Grand Seigneur, Koraïm, gouverneur d'Alexandrie pour la Porte, fut continué sous lui dans ses fonctions. L'amiral Brueys reçut l'ordre d'entrer avec la flotte dans les deux ports d'Alexandrie; et, dans le cas d'impossibilité absolue, de se retirer à Corfou, afin d'imposer à la Porte, jusqu'à ce qu'elle se fût prononcée sur l'invasion de l'Égypte. Ces mesures prises, le gros de l'armée marcha par le désert.

La division Kléber, conduite par le général Dugua, après avoir jeté garnison dans le fort d'Aboukir et s'être emparée de Rosette, remonta la branche gauche du Nil jusqu'à Ramanieh, pour protéger la navigation d'une flottille composée de chaloupes canonnières et de bateaux du pays, chargés de vivres et de munitions.

Le général Desaix forma l'avant-garde et fut suivi, à un jour d'intervalle, par chacune des trois autres divisions. Leur réunion s'opéra, le 8 juillet, à Demanhour. Cette marche fut très-pénible. Accoutumés aux dangers, les Français ne l'étaient pas encore aux privations commandées par le changement de climat ; ils n'avaient jamais manqué

mameluks qui voltigèrent sans cesse autour d'elle, et dont Desaix ne se débarrassa qu'avec le canon. L'armée aperçut enfin les bords du Nil; cette vue lui fit oublier tout ce qu'elle avait souffert. Bonaparte s'arrêta deux jours à Ramanieh. Ce repos était nécessaire, non-seulement pour rétablir les forces des soldats exténués par le passage du désert, mais aussi pour attendre la division Dugua. On allait se trouver en présence de l'ennemi, et ne connaissant pas ses forces, la prudence conseillait de lui présenter le plus de monde possible.

Enfin, le général Dugua et la flottille qu'il commandait étant arrivés le 11 juillet, Bonaparte voulut continuer sa marche. Mais avant d'aller plus loin, il fallut déposter Mourad-Bey, qui avait pris position avec ses mameluks, et 2 à 3,000 fellahs (1), à la hauteur de Chebreisse; la gauche appuyée à ce village, où il avait construit quelques batteries, la droite au Nil, où se trouvait une flottille de 8 à 10 chaloupes canonnières.

La flottille, aux ordres du chef de division Perrée, commença l'engagement; poussé par la vio

(1) Paysans égyptiens.

par

que

les mame

lence du vent au milieu des bâtiments ennemis, elle faillit perdre trois canonnières, et ne se sauva qu'en mettant à terre une partie des troupes qu'elle avait à bord, pour donner la chasse aux fellahs qui fusillaient sur la rive droite. Bonaparte, averti par la canonnade, doubla le pas pour dégager la flottille. Les cinq divisions marchaient en carrés par échelons, les bagages au centre, et les angles couverts l'artillerie. Aussitôt luks aperçurent les premiers carrés, ils sortirent en masse de Chebreisse, et manœuvrèrent pour déborder la droite. Mais, étonnés d'un ordre de bataille si nouveau pour eux, et intimidés par quelques coups de canon tirés à demi-portée, ils se replièrent sur leur première position. On ne leur donna pas le temps de s'y établir: la division Desaix s'élança dans le village, et les rejeta en désordre sur la route du Caire. Ce début fut de bon augure, et doubla la confiance de l'armée, en lui prouvant l'immense supériorité que le sangfroid et la discipline donnaient sur la valeur désordonnée.

Elle continua sa route, et arriva à la vue du Caire, après sept jours de fatigues et de privations incroyables. C'était près de cette capitale que Mourad-Bey avait rassemblé tous ses moyens. La bataille qu'il allait livrer devant décider du sort de l'Égypte, il n'avait rien négligé pour s'assurer la victoire. Sa principale force consistait en 6,000 mameluks. Ce corps d'élite était soutenu par une foule innombrable de Cophtes, de Grecs, de fellabs et d'Arabes à cheval, gens, à la vérité, moins à craindre en ligne que dans une déroute. Son camp, placé en avant du village d'Embabé, était défendu par des retranchements élevés à la hâte, mais garnis d'une nombreuse artillerie. Ibrahim avait pris position sur la rive droite, près du village de Guez. La flottille était en bataille le long du camp de ce bey: une batterie de six pièces croisant ses feux avec celui des djermes, depuis la droite des ouvrages d'Embabé, rendait inabordables les approches du Caire par le fleuve. En avant, près du village de Demanhour, Mourad-Bey avait placé quatre pièces de canon pour arrêter la flottille française. Cette batterie était soutenue par un corps de mameluks.

combattre; que la conquête du Caire et de toute la basse Égypte serait le prix de la victoire : puis, après une de ces exhortations qui manquent si rarement leur effet sur l'esprit du soldat, il les mena à l'ennemi. Desaix, avec l'avant-garde, avait déjà replié quelques centaines de mameluks, lorsqu'il ralentit sa marche pour attendre les colonnes: à deux heures après midi, l'armée française arriva devant les retranchements. Bonaparte prit les mêmes dispositions qu'à Chebreisse sa ligne refusait la gauche qui touchait au Nil: la droite s'appuyait au village de Bunktill, défendu par des canonniers, des dragons à pied et par les sapeurs d'infanterie de la division Desaix. Ces cinq divisions étaient formées en carrés par échelons. Les généraux Desaix et Reynier tenaient la droite, la division Dugua le centre; à la gauche étaient celles commandées par les généraux Vial et Bon. Le projet du général en chef était de marcher dans cet ordre sur les ennemis, pour les tourner et les acculer au Nil; mais Mourad-Bey ne lui en donna pas

le temps. Au moment où les divisions allaient s'ébranler, on aperçut un mouvement général dans son camp. La moitié des mameluks sortit des retranchements, et se forma dans la plaine sur deux lignes: la première avait sa droite à Embabé, et débordait la division Desaix : la seconde, moins étendue, resta à cent pas en arrière.

A peine en ordre de bataille, les mameluks se lancèrent avec impétuosité sur les républicains. La charge paraissait d'abord se diriger sur le centre; mais, à moitié chemin, tournant brusquement à gauche, ils fondirent sur les divisions Desaix et Reynier qui les attendaient de pied ferme. Lorsqu'ils arrivèrent sur les carrés, il en sortit un feu d'artillerie et de mousqueterie si meurtrier, que leurs escadrons furent rompus avec une perte considérable. Pour échapper à la mitraille, les mameluks voulurent se jeter dans le village de Bunktill; mais les troupes qui défendaient ce poste, les accueillirent par une fusillade terrible. Enfin, rebutés par leurs pertes, et désespérant d'enfoncer ces citadelles mouvantes, ils se retirèrent à la débandade, laissant le champ de bataille couvert de morts et de blessés.

Bonaparte, sûr alors de la solidité de ses

Bonaparte annonça à ses troupes qu'elles allaient masses, ne songea plus qu'à tirer parti d'une vic

TOME III.

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toire qu'il regardait comme immanquable. Le gé- | des mameluks firent complétement oublier le pasnéral Bon, qui formait l'extrême gauche de la sage du désert. ligne, reçut l'ordre de se porter sur les retranchements, tandis que la division Menou, commandée par le général Vial, se dirigerait entre le village d'Embabé et le corps ennemi, qui venait de charger les deux carrés de droite. Le but de cette manuœvre était de séparer ce corps de celui qui défendait le village, et de tourner la gauche des mauvais retranchements qui le couvraient.

Ces deux divisions se mettent en mouvement, précédées de colonnes d'attaque, conduites par les généraux Rampon et Marmont. La première longe le Nil, aborde les retranchements par leur droite, et y pénètre, malgré le feu de 25 pièces de canon. Les mameluks, épouvantés, sortent des ouvrages, et cherchent à se faire jour. Les fellahs fuient vers la gauche d'Embabé; mais la division Vial, qui a terminé son mouvement, les reçoit à bout portant, les charge à la baïonnette, et les précipite dans le Nil. Pendant ce temps, les autres divisions gagnaient toujours du terrain. Les mameluks qui étaient hors des ouvrages, se trouvant pris entre le feu des carrés et celui des colonnes d'attaque, essayent de regagner leur camp, et tombent en désespérés sur la petite colonne de Rampon, qui s'était formée à la hâte entre le fleuve et le village. Tous leurs efforts sont vains : d'assaillants ils deviennent assaillis, et succombent sous les baïonnettes françaises.

Mourad-Bey, voyant les redoutes d'Embabé au pouvoir des républicains, ne songea plus qu'à la retraite, et prit le chemin de la haute Égypte. Il fut poursuivi par les divisions Desaix et Reynier, jusqu'à Giseh. Quelques mameluks qui n'avaient pu le rejoindre, passèrent le Nil au-dessus des Pyramides, pour aller renforcer le corps d'Ibrahim mais ce bey, jugeant que la position n'était pas tenable, l'évacua pendant la nuit, après avoir mis le feu à tous les bâtiments de la flottille, puis se retira du côté de la Syrie. Cette importante victoire, où les mameluks perdirent 2,000 hommes de leurs meilleures troupes, n'en coûta pas 300 aux Français: 20 pièces de canon, 400 chameaux, les bagages, les magasins de vivres, restèrent au pouvoir des vainqueurs. Après tant de privations, l'armée connut enfin l'abondance; et les riches dépouilles

Le lendemain de la bataille des Pyramides, Bonaparte reçut la soumission des magistrats du Caire, conduits par le kiaya du pacha, qu'Ibrahim avait emmené avec lui. Il traita ces députés avec bienveillance: leur promit le maintien de toutes les institutions; et déclara qu'alliésde la Porte Ottomane, les Français n'avaient débarqué en Égypte que pour exterminer les mameluks, et délivrer les habitants de leur odieuse tyrannie. Le peuple, comme dans toutes les révolutions des pays gouvernés despotiquement, se porta à des excès. La maison de Mourad fut pillée; mais le retour des députés accompagnés d'une force imposante, et les proclamations du général en chef, rétablirent bientôt l'ordre. Les troupes prirent position autour de la ville, et, le 25 juillet, le quartier général y fut transféré.

Aussitôt que, par la possession du Caire, Bonaparte se vit maître de la basse Égypte, et que la séparation opérée dans les forces de ses ennemis lui donna l'espoir de subjuguer rapidement la totalité de ce pays, il songea sérieusement aux moyens de s'affermir dans sa conquête, et de la rendre utile à la France, en l'élevant au degré de prospérité dont elle semblait susceptible. En même temps qu'il prenait des mesures pour parvenir à ce but important, il disposa tout pour donner aux opérations militaires une nouvelle activité. Il était urgent d'expulser entièrement de l'Égypte le bey Ibrahim qui, posté à Belbeis, avec une retraite assurée dans les déserts de la Syrie, pouvait retarder l'occupation du pays. Bonaparte résolut donc de tourner ses forces contre lui, et ne laissa, pour contenir Mourad-Bey, que la division Desaix, laquelle s'établit dans un camp retranché à quatre lieues en avant de Meh.

Douze jours de repos et d'abondance avaient ranimé l'ardeur des soldats; ils étaient impatients de marcher à de nouveaux triomphes. Bonaparte ne laissa pas refroidir ce zèle. Le 2 août, trois colonnes, aux ordres des généraux Leclerc, Murat et Fugières, occupèrent El-Khanka, Kessioub et Birket-el-Hadgy. Le reste de l'armée, à l'exception de la division Bon, laissée au Caire, rejoignit ensuite les troupes campées à El-Khanka. Ibra

him-Bey qui traînait à sa suite d'immenses bagages, ne jugea pas à propos d'attendre le choc. Après avoir rallié à son corps les mameluks qui escortaient la caravane de la Mecque, il se retira en toute hâte sur Salehieh. L'armée française attei- | gnit cependant son arrière-garde composée de 1,000 à 1,200 chevaux, près d'un grand bois de palmiers. L'infanterie était encore loin; l'avantgarde ne se composait que de 200 dragons, chasseurs ou hussards, dont les chevaux étaient harassés de fatigue. Cette énorme disproportion n'arrêta point Bonaparte; il donna l'ordre de charger. Les mameluks cédèrent d'abord à cette attaque impétueuse : puis, rabattant leurs ailes, ils enveloppèrent ce peloton de braves, qui déjà ne songeaient plus qu'à vendre chèrement leur vie, quand la tête des colonnes d'infanterie parut. Les mameluks, voyant leur convoi en sûreté, eurent la prudence de le rejoindre, et abandonnèrent au galop le champ de bataille. Néanmoins, peu de cavaliers français sortirent sains et saufs de ce combat aussi imprudent qu'inutile; puisque le plus grand résultat qu'on pouvait s'en promettre, était la capture de quelques chameaux. Ibrahim-Bey s'enfonça dans le désert, et fut chercher un asile auprès du pacha de Syrie. Sa retraite permit à Bonaparte de revenir au Caire, et de prendre possession des provinces. Reynier resta à Salehieh, chargé de la construction d'un fort et d'établissements militaires. Dugua fut envoyé à Mansoura, Vial à Damiette. L'un et l'autre eurent l'ordre d'organiser l'administration de ces provinces, de presser la remonte de la cavalerie, de pourvoir enfin à la défense des frontières. Tout semblait aller au gré des Français; mais, tandis que Bonaparte triomphait sur terre, l'amiral Brueys n'était pas aussi heureux sur mer. On se rappelle qu'en partant pour le Caire, le premier lui avait donné l'ordre de faire entrer la flotte dans les deux ports d'Alexandrie, ou de la ramener à Corfou. Mais l'amiral, craignant de perdre quel ques vaisseaux en les engageant sur des bas-fonds, malgré les rapports rassurants des officiers qui avaient sondé les passes, préféra former, dans la rade d'Aboukir, une seule ligne d'embossage, dont la droite serait protégée par les batteries du fort, et par des galiottes à bombes, placées près de l'ile des Figuiers.

Ces mesures, peut-être suggérées par le désir de tirer un meilleur parti de l'inexpérience de ses équipages, auraient sauvé la flotte, si l'on eût mieux reconnu la profondeur des eaux entre les récifs d'Aboukir et les vaisseaux de la tête de la ligne, et que l'on eût fermé la passe avec des bâtiments échoués. Mais Brueys, persuadé que l'ennemi, après avoir reconnu sa position, n'oserait l'attaquer, négligea ces précautions. Nous verrons tout à l'heure combien cette imprévoyance lui fut fatale.

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En effet, Nelson, en revenant, le 1er août, de Syracuse devant Alexandrie, fut enchanté de le trouver dans une position si peu offensive. Sans perdre le temps en vaines reconnaissances, il donna le signal de l'attaque. Le vaisseau de Trowbridge qui tenait la tête, se dirigea entre les récifs d'Aboukir et la ligne d'embossage; mais ayant trop appuyé à gauche, il échoua. Ne se laissant pas abattre par cet accident, l'amiral anglais ordonna à ceux qui le suivaient de faire la même manœuvre, en observant de moins serrer les récifs de cette manière, la moitié de son escadre vint se placer entre la terre et la ligne française, tandis que le reste, défilant devant elle, mouilla au bord opposé en même temps un vaisseau que l'amiral, avait en réserve, se porta en arrière du centre des républicains, et le coupa de l'arrière-garde. Le résultat de ces mouvements fut que sept vaisseaux français seulement, se trouvèrent engagés des deux bords avec treize bâtiments ennemis : manœuvre qui décida la victoire, quoique les Français eussent au total une supériorité de 164 pièces de canon et de 2,000 hommes sur les Anglais. Dans cette fatale position, le combat se soutint avec acharnement et sans résultat marqué jusqu'au milieu de la nuit; mais, à trois heures du matin, les Anglais, maîtres de leurs mouvements, se rapprochèrent à portée de pistolet. Les vaisseaux français, pris entre deux feux, furent démâtés et perdirent leurs manœuvres. Un boulet de canon ayant emporté l'amiral Brueys, il n'y eut plus d'ordres ni de signaux. Le feu gagna l'Orient; et ce bâtiment, le plus beau de le marine républicaine, sauta en l'air avec un fracas épouvantable. Enfin, le 2 août, au matin, l'escadre française était ou détruite ou au pouvoir de l'ennemi, à l'exception

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