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à tout couvrir, parce que l'ennemi pourra tout | bouleverser les rapports des différents État euroattaquer. La ligne de l'Adige, comme celle de péens. Quoi qu'on en pense, il est temps de quitStrasbourg à Mayence, n'y seront plus que des ter une digression que notre cadre historique n'adfractions secondaires, dont la défense et l'attaque met pas dans toute son étendue et nous nous seraient subordonnées à ce qui se passerait à quel- hâtons de revenir aux projets du Directoire. ques lieues plus loin. La Suisse elle-même, flan- En attendant que ses vues sur la Suisse eussent quée par la Souabe et l'Italie, devra être gardée acquis leur maturité, il se préparait à renverser le partout, si le sort des combats attire les deux gouvernement pontifical, et à enlever l'Égypte à partis sur ses frontières. Celui qui l'occuperait, la Porte. Si la première de ses entreprises n'offrait réduit à s'y défendre, serait obligé de couvrir Bâle pas beaucoup de difficultés, la seconde exigeait de comme Schaffhouse, Rheineck comme le Saint-grands préparatifs. Tout était en mouvement dans Gothard, et le Simplon aussi bien que le mont les ports de l'Océan et de la Méditerranée; et le Cénis, sans être dispensé pour cela d'avoir des rassemblement d'une armée sur les côtes de la forces imposantes sur le Rhin et le Pô. Ainsi, la Manche, tenant l'Angleterre et l'Europe dans l'atpuissance qui se trouverait réduite à la défensive, tente d'une prochaine descente, cachait la véritaayant ses armées morcelées en vingt corps, donne- ble destination assignée à l'escadre de Toulon, rait prise partout à un ennemi actif et entrepre- dont Brueys, de retour de Corfou, venait de prennant, qui, par la rapidité de ses mouvements, sau- dre le commandement. rait multiplier ses forces assaillantes.

En effet, la campagne suivante ne manqua pas de prouver que, si les saillants de Schaffhouse et du Simplon offrent quelques avantages stratégiques pour un simple passage, c'était une faute inouïe pour la France, aussi bien que pour l'Autriche, de comprendre la Suisse comme champ d'opérations, dans un plan de campagne (1). Si Icette vérité n'était pas démontrée par les événements de 1799, on en trouverait une preuve dans la conduite de Napoléon en 1805 et 1809: il respecta ce territoire, que son titre de médiateur et sa toute-puissance lui eussent permis de fouler impunément, mais que son propre intérêt lui commandait de laisser intact. Quelque appréciateur qu'il fût des avantages de deux ou trois débouchés, il sut les subordonner aux calculs de la politique; et prouva qu'on trouve toujours une route pour manœuvrer sur les communications de l'ennemi, sans fouler aux pieds les liens nationaux, et sans

(1) Les réflexions qu'on vient de lire ne s'accordent pas avec l'opinion émise récemment à la tribune par un officier général, dont nous respectons autant le noble caractère que les talents. Un écrivain célèbre lui a déjà répondu dans une brochure intitulée: De la Suisse, dans l'intérêt de l'Europe. Notre but étant uniquement de retracer l'état des choses en 1798, nous ne saurions nous livrer à des débats qui se rapportent au temps présent, et nous renvoyons nos lecteurs à cet intéressant ouvrage : le motif tout patriotique qui l'a dicté lui mé

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Jusqu'aux mesures de finances dénotaient l'intention de porter le théâtre de la guerre au sein des îles Britanniques, et l'emprunt forcé de 80 millions, spécialement affecté aux frais d'une descente, ne fut sans doute qu'une ruse pour mieux donner le change à l'ennemi. En attendant l'exécution de ces menaces dont l'Angleterre ne se laissait point intimider, on faisait une guerre active à son commerce dès le 4 janvier, une saisie générale de toutes les marchandises manufacturées dans les trois royaumes, eut lieu simultanément d'un bout de la France à l'autre.

Cependant cette expédition d'Égypte, décidée depuis deux mois, était entravée par l'extrême pénurie des finances. Bonaparte instruit dans son voyage de Milan à Rastadt, que le gouvernement de Berne possédait un trésor de 30 à 40 millions, et n'ignorant point les intentions du Directoire à l'égard de la Suisse, leva tous ses scrupules, et lui conseilla d'en hâter l'exécution (2). L'entreprise

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une fois résolue, on ne manqua pas de raisons | ple peu nombreux et simple, les priviléges exclupour la colorer des apparences de la justice; car sifs plus insupportables; surtout quand ceux-ci, déjà des publicistes gagés n'avaient d'autre tâche loin d'être l'apanage de quelques familles illus que de justifier les usurpations et les folies du Di-trées par d'éminents services, sont usurpés par rectoire. Mais avant d'entrer dans le détail de cette | la bourgeoisie entière d'une ville, et deviennent la injuste agression, dont pourtant il résulta quelque source de prétentions ridicules. bien pour les sujets des Suisses, il ne sera pas hors de propos de donner une idée de la ligue helvétique, telle qu'elle existait alors sous l'empire de ses vieilles constitutions.

Le gouvernement des cantons suisses était, de toute l'Europe, celui dont l'action se faisait le moins sentir au peuple. L'économie, la justice et l'indulgence, étaient les bases de son administration (1). Chaque canton se gouvernait séparément; et les liens fédératifs n'avaient pour but que la garantie mutuelle de leur indépendance. Les habitants des campagnes, bons et laborieux, tiraient de leur industrie ou de l'agriculture la source de leur bien-être. Satisfaits de leur sort, ils ne cherchaient pas à l'améliorer; et jusqu'alors ils étaient restés paisibles spectateurs des révolutions politiques. De bons esprits désiraient cependant la réforme de quelques abus dans plusieurs branches de l'administration: les pouvoirs des baillis, les droits exclusifs des habitants des capitales, l'extension des priviléges des patriciens, leur paraissaient devoir être limités par de nouvelles lois; mais ils voulaient que ces améliorations se fissent peu à peu, sans secousses, et surtout sans intervention étrangère. Tout en conservant leur attachement à des institutions dont une expérience de quatre siècles avait prouvé la bonté, leur esprit républicain envisagea avec d'autres yeux que le reste de l'Europe, les changements que la révolution avait apportés dans le gouvernement français. Et, il faut le dire, les idées d'égalité sont plus naturelles à de petites contrées, qui, étrangères aux grands débats européens, n'ont pas besoin d'autant de force pour soutenir au dehors la prépondérance que recherche une grande nation. Les intérêts et les amourspropres mis plus souvent en contact, et sujets à des froissements journaliers, rendent, chez un peu

(1) Bien que l'auteur, d'origine vaudoise, se fasse gloire d'avoir concouru à l'émancipation de son pays, il se fera un devoir de rendre justice à qui de droit:

En effet, si plusieurs des cantons suisses vivaient en général heureux et satisfaits sous les lois qu'ils s'étaient données eux-mêmes, il n'en était pas ainsi dans quelques provinces réunies plus tard par les chances de la guerre, et qui n'avaient pu prendre part au pacte primitif. Sous la dénomination de sujets, flétrissante chez les peuples républicains, les habitants étaient privés de tous droits politiques, sans que leur fortune ou leur naissance pût les arracher à cette exclusion.

Nous avons déjà indiqué les intérêts que cet ordre de choses avait créés dans le pays de Vaud : les villes de l'Argovie, la Thurgovie, les bailliages mixtes, les bailliages italiens, étaient dans le même cas. Les campagnes du canton de Zurich réduites à peu près au même sort, ajoutaient encore à ces griefs celui d'un monopole odieux, qui concentrait dans les mains du négociant du chef-lieu, la vente et l'achat de tous les produits de l'industrie.

A plusieurs reprises les Vaudois, plus entreprenants, avaient élevé la voix pour réclamer, sinon leur indépendance, du moins la restitution de leurs droits naturels : mais les magistrats de Berne, ne les considérant que comme des sujets rebelles, avaient comprimé leurs plaintes, et puni des fers ou du bannissement les patriotes qui avaient osé demander justice. Quand l'infortune prend sa source dans de si nobles causes, elle excite l'intérêt; et la France victorieuse accueillit ces illustres exilés. Un comité secret s'organisa à Paris : le frère du général Laharpe, qui en était un des principaux membres, dans un essai sur la constitution du pays de Vaud, réclama pour son pays les droits que lui avait enlevés l'oligarchie bernoise. Suivant lui, l'acte de cession souscrit par le duc de Savoie en 1564, en faveur de Berne, stipulait expressément sous la garantie du roi de

quand les intérêts sont satisfaits, l'esprit de parti doit se taire, et un Bernois qui défend son pays, a des droits à l'estime, comme un Vaudois qui veut être citoyen.

longtemps par des états nationaux sous la présidence d'un bailli-ducal, conserverait tous ses priviléges. C'était remonter bien haut, pour trouver des sources équivoques de droits imprescriptibles; mais le Directoire n'y regarda pas de si près : il accueillit les députés vaudois avec bienveillance; et, en sa double qualité d'héritier de Charles IX et de Philibert-Emmanuel, sous le règne desquels le traité s'était conclu, il promit le redressement de leurs plaintes.

France, que le pays de Vaud, gouverné depuis | que le régime fédératif. Si le désir de donner plus de force à sa patrie, en centralisant dans une autorité commune les intérêts de 18 cantons divisés de mœurs et d'opinion, avait été le seul mobile d'Ochs, la Suisse lui devrait des regrets; mais on a lieu de croire que la soif du pouvoir l'emporta chez lui sur l'amour du pays. Quoi qu'il en soit, cet agent sans mission convint avec le Directoire que l'on commencerait par s'emparer de Bienne, de l'Erguel et du Munsterthal, agrégés à la confédération, sous la suzeraineté de l'évêque de Bâle, chassé de ses États par Custine en 1792. Il fut décidé aussi qu'on exciterait les bailliages italiens à imiter l'exemple du pays de Vaud; enfin, que la république française prendrait sous sa protection tous les individus qui chercheraient à se soustraire à la domination des cantons aristocratiques. L'agent Mengaud, accrédité comme chargé d'affaires, reçut l'ordre d'inonder la Suisse d'écrits révolutionnaires, de favoriser la formation des clubs, et de promettre aux novateurs de prompts secours d'hommes et d'argent.

Cette réclamation produisit en Suisse une forte sensation : elle excita les habitants des campagnes à soutenir leurs droits, et fit apercevoir différents abus dont une longue habitude avait dissimulé l'existence. La publication de quelques écrits politiques vint encore augmenter la déconsidération du gouvernement; et, dans plusieurs contrées l'esprit public se prononça hautement pour une réforme. Quelques gens sages proposèrent alors au sénat de Berne, de calmer cette fermentation par des concessions populaires : mais ces patriciens, jaloux de leur autorité, loin de se montrer disposés à faire le sacrifice de quelques priviléges, imprimèrent au contraire au gouvernement, une rigueur qui ne servit qu'à lui susciter de nouveaux ennemis.

A cette époque, Bonaparte traversa une partie de la Suisse en se rendant au congrès de Rastadt. Ce voyage, dont le but évident était de connaître l'opinion, réchauffa le zèle des mécontents et augmenta leur nombre. Les victoires du général et les créations républicaines qui en résultèrent, avaient enflammé tous les esprits. Aussi, à son passage à Lausanne, les Vaudois se pressèrent autour de lui, et le proclamèrent le restaurateur de leur prochaine liberté. A Bâle, il eut une longue conférence avec le tribun Ochs, partisan zélé des projets de réforme, homme d'esprit, très-propre à conduire une intrigue : il ne lui fut pas difficile de le déterminer à se rendre à Paris pour se concerter avec le Directoire.

Ochs s'entendit bientôt avec un gouvernement cnivré de ses succès, et avide de propagande : ils s'accordèrent à projeter l'établissement d'une république une et indivisible, qu'ils regardaient comme plus favorable aux intérêts de la France,

La première hostilité contre la ligue helvétique, fut la prise de possession de l'Erguel. Cinq bataillons tirés de l'armée du Rhin, et commandés par l'adjudant général Bonnamy, y ayant pénétré le 15 décembre, s'emparèrent sans résistance des vallées de Moutiers et de Saint-Imier. Plusieurs membres du conseil souverain de Berne, à la tête desquels on remarquait l'avoyer Steiger, tentèrent alors d'ouvrir les yeux à leurs collègues, et démontrèrent en vain que le seul moyen d'échapper aux projets destructeurs du Directoire, était de prendre une initiative vigoureuse; d'appeler tous les cantons aux armes, et de repousser les Français du territoire qu'ils avaient envahi. La majorité rejeta ces mesures comme trop dangereuses, et se flatta de tout concilier par des négociations. Les avis timides sont toujours spécieux aussi, dans cette occasion, prévalurent-ils au sénat.

A la vérité, les vallées helvétiques n'étaient plus ce sol classique des vertus héroïques, inspirées par l'amour de la liberté : elles n'avaient plus de ressemblance avec ce pays pauvre, dont l'habitant ne possédait jadis qu'une chétive cabane et son courage. L'industrie, qui recherche toutes les contrées populeuses où la main-d'œuvre s'obtient à

bas prix, avait envahi jusqu'aux vallées les plus sauvages. Les descendants des vainqueurs de Sempach étaient transformés en tisseurs de mousselines, qui le cédaient peu à celles dont se couvrent les Nababs de l'Indostan. L'industrie, l'esprit d'ordre, le commerce, avaient amené l'aisance et si des lois somptuaires repoussaient un luxe dangereux, il n'en est pas moins vrai que le peuple, un des plus aisés qu'il y eût en Europe, avait perdu son antique austérité, source de ses vertus guerrières. Cependant, le souvenir de la gloire passée animait encore plusieurs contrées; et, aux noms de Guillaume Tell et de Morgarten, bien des Suisses électrisés se croyaient invincibles dans leurs montagnes.

» pays de Vaud qui se seraient adressés ou pour» raient s'adresser encore à la république fran» çaise, pour réclamer sa médiation, en exécution >> des anciens traités, à l'effet d'être maintenus » ou réintégrés dans leurs droits. » Peu de jours après (4 janvier), Mengaud, informé que la régence de Berne paraissait déterminée à ordonner le rassemblement des milices, la somma avec hauteur de déclarer quelles étaient ses intentions envers la république.

Cette invitation insolite fut appuyée par la marche d'une division de l'armée d'Italie, forte de 8 à 10,000 hommes, qui traversa la Savoie, sous la conduite de Menard, lequel vint placer son quartier général à Ferney-Voltaire. En même

brigade dans la république cisalpine, reçut l'ordre de se porter sur les confins des bailliages italiens, afin de soutenir les mouvements que pourraient faire les mécontents. Le directoire de cette république fut invité à fraterniser avec eux, et à y répandre avec profusion les écrits libéraux.

Quoiqu'il s'en fallut de beaucoup que les mi-temps, le général Monnier, qui commandait une lices suisses montassent à 200,000 hommes, comme le pensait Frédéric le Grand; et que les temps fussent bien changés, où la victoire dépendait du choc impétueux d'une masse armée de piques et bardée de fer, on peut croire que la lutte eût été longue et sanglante, si les cantons avaient unanimement accepté la proposition de Steiger. Mais l'esprit de parti qui divise tout, devait armer parents contre parents, canton contre canton, paralyser les uns, et épouvanter les autres. Tout ce que Berne pouvait espérer, était de retarder sa chute, jusqu'à ce que l'Allemagne entière, indignée et menacée, volât à son secours. Les autres cantons, différant d'opinions aussi bien que de formes de gouvernement, étaient loin de regarder le danger comme imminent. Cependant, sur la demande de Berne et de Fribourg, on nomma partout des députés qui se réunirent à Arau, pour y débattre les intérêts communs et pourvoir à la défense générale.

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Ces mesures militaires produisirent le plus grand effet dans le pays de Vaud. L'insurrection prit dès lors un caractère général. En vain le conseil de Berne envoya-t-il une commission pour ramener les esprits et faire prêter un nouveau serment de fidélité, la bourgeoisie de Lausanne s'y refusa, et engagea plusieurs autres villes à l'imiter. Les députés, en butte aux insultes et aux menaces des habitants, n'y purent rien obtenir, et se retirèrent, après avoir vu les patriotes s'emparer du château de Chillon.

La plupart des cantons auraient sans doute regardé l'insurrection du pays de Vaud comme un démêlé particulier du canton de Berne, si une note intempestive de l'agent Mengaud n'eût semé la défiance et la consternation dans toute la Suisse. On a vu au chapitre précédent que l'émancipation des habitants de la Valteline avait donné lieu à une révolution démocratique dans les Grisons. Quelques familles patriciennes sollicitaient sourdement l'intervention de l'Empereur contre leurs concitoyens. Le chargé d'affaires de France, en ayant eu avis, crut prévenir le mal, en signifiant à la diète d'Arau que si les Autrichiens mettaient le pied dans les Grisons, les Français y entreraient

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aussitôt de leur côté. Dès lors, l'effroi glaça tous les cœurs, et chacun s'égara en conjectures. Les uns crurent que l'Empereur et la république française avaient arrêté à Campo-Formio le démembrement de la ligue helvétique, comme celui de la république de Venise. Les autres, ne virent dans la médiation du Directoire au sujet de l'émancipation du pays de Vaud, qu'un prétexte pour envahir la Suisse. Mais le plus grand nombre attendit avec anxiété le dénoûment d'un drame où l'existence politique du corps helvétique était évidemment compromise, et tout ce qu'on put faire fut d'envoyer des députés au congrès de Rastadt, pour obtenir une intervention favorable de la part des principales puissances d'Allemagne.

C'est dans cette circonstance que le sénat de Berne, justement alarmé, prit le parti tardif de déployer sa force, et ordonna le rassemblement d'un corps de 20,000 hommes. Tous les bailliages allemands, surtout ceux de l'Oberland, répondirent à son appel. Le commandement de ce corps fut confié au colonel Weiss, connu par quelques écrits philosophiques, mais qui était loin de convenir à ce poste important. Admirateur de la révolution française, il professait des opinions dont l'influence devait se faire sentir sur ses opérations militaires; aussi avait-il été porté au commandement par les intrigues du parti démocratique. On voyait dans le colonel, opposé à l'avoyer Steiger, un homme modéré, un négociateur estimé à Paris, et plus capable qu'aucun autre de désarmer le Directoire, dans les négociations qu'il entamerait.

Après avoir réuni quelques troupes, Weiss se rendit à Lausanne, et perdit plusieurs jours en vains pourparlers avec les insurgés. Ceux-ci, s'apercevant qu'il ménageait les Français, invitèrent le général Menard à entrer sur le territoire vaudois. Il se mit aussitôt en marche, et vint camper entre le lac et le mont Jura. Au premier bruit de l'approche des troupes françaises, Weiss évacua précipitamment Lausanne, et se retira à Yverdun. Son départ fut le signal de la révolution : les baillis expulsés, les caisses publiques saisies, l'arbre

(1) Cette affaire de Thierens est encore une énigme; on l'attribua avec quelque apparence de raison à Mengaud; les Bernois avaient trop intérêt à donner satisfac

de la liberté planté sur toutes les places, la cocarde verte arborée par les habitants; tout cela fut l'ouvrage de quelques heures pour le gouvernement provisoire, qui s'installa le 27 janvier.

Le même jour, Menard envoya sommer le général Weiss d'évacuer entièrement le pays de Vaud; mais, en arrivant au village de Thiérens, le parlementaire fut attaqué par les paysans armés. Deux hommes de son escorte furent tués; et luimême ne parvint à s'échapper qu'avec beaucoup de peine. Il revint en toute hâte porter à son général la nouvelle de cette agression inopinée, que les patriotes imputèrent au machiavélisme des Bernois, et dont ceux-ci accusèrent à leur tour la perfidie révolutionnaire de Mengaud (1).

Menard mit aussitôt ses troupes en mouvement, et porta son quartier général à Lausanne, où des proclamations apprirent à l'armée et aux Vaudois l'attentat dont deux Français venaient d'être victimes. Le colonel Weiss, épouvanté des suites probables de cette affaire, et ne se croyant pas en état de résister à l'attaque des Français, abandonna Yverdun et se replia sur Morat. C'en était fait de Berne, si Menard, profitant de la stupeur générale, eût marché sur-le-champ contre cette ville. Mais satisfait d'avoir forcé l'ennemi à évacuer le pays de Vaud, et manquant d'ailleurs d'instructions précises pour commencer les opérations, il attendit à Lausanne les ordres du Directoire.

Pendant que les Français, entrant en libérateurs dans le midi de la Suisse, y proclamaient la liberté et l'égalité, Ochs et Mengaud, au nord, dirigeaient l'esprit public. Bâle était le foyer de toutes les machinations révolutionnaires : les clubs patriotes prêchaient ouvertement l'insurrection; et, comme depuis longtemps, la liberté n'existait plus dans une grande partie de la Suisse que pour certaines familles, ils faisaient grand nombre de prosélytes. La faiblesse des principales autorités augmenta l'audace de Mengaud. Il se rendit à Arau, escorté seulement de six hussards, et y arbora le drapeau tricolore. Les députés des cantons réunis n'osèrent protester contre cette violence. Au lieu

tion sur un pareil accident pour ne pas s'empresser de le faire. On voulait un prétexte pour agir hostilement, et à défaut d'autre, on prit celui-là.

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