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LIVRE XIII.

CAMPAGNE DE 1798.

Le congrès de Rastadt, loin de fixer les destinées de l'Europe, est bientôt réduit à un rôle secondaire.-L'Angleterre isolée, mais fière de ses succès sur les Espagnols et les Hollandais, s'apprête à soutenir une lutte à outrance. La Russie, décidée à prendre une part plus sérieuse à la guerre, reçoit Louis XVIII à Mittau, et prend l'armée de Condé à son service. Frédéric-Guillaume III, en montant sur le trône de Prusse, persiste dans le système de neutralité de son père. État de l'Orient.-Démarches de Tippo-Saheb, pour obtenir des secours de la France, et former une coalition contre la compagnie britannique. — Progrès de la puissance de Scindiah, qui rétablit le gouvernement des Marattes dans le Mogol, et domine sur le royaume de Poonah. Son armée, organisée successivement par Deboigne et Peyron, et dirigée par des aventuriers européens, devient de plus en plus redoutable.-Le gouvernement français ignorant * ces événements, mais cédant aux avis de plusieurs conseils, décide une expédition en Égypte, pour y fonder une colonie, soutenir ses anciens alliés dans l'Inde, ou rétablir du moins un commerce direct avec ces riches contrées par la Méditerranée et la mer Rouge.

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Au moment où cette expédition imprudente entraîne l'élite de l'armée sur ces rivages lointains, le gouvernement
foule aux pieds tous les traités, en envahissant la Suisse, Rome et le Piémont.
Changement démocratique en Hollande. Troubles à Rome. Assassinat de Duphot.
Capitole, Proclamation de la république romaine.

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Entrée des Français au

Négociations

Trames ourdies pour exciter une révolution en Suisse. Les Vaudois réclament leurs droits sous la garantie de la France. Båle demande une nouvelle constitution. Entrée d'une division de l'armée d'Italie à Lausanne. Énergie de l'avoyer Steiger. - Préparatifs de défense des Bernois; ils font des concessions. fallacieuses de Brune à Payerne. · L'armée du Rhin, qui depuis deux mois a fait occuper l'Erguel, prend Soleure: les Vaudois et Brune s'emparent de Fribourg. Combat de Fraubrunnen et de Neueneck. · Prise de Berne. Division de la Suisse en plusieurs républiques. Réunion de Genève à la France. Insurrection des troupes républicaines à Rome et à Mantoue. Mouvement de la populace de Vienne contre Bernadotte, qui part sans

obtenir satisfaction.

VI

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Les élections de l'an vi excitent des troubles en France. -Le Directoire persiste dans ses démarches hostiles envers les États-Unis; il inquiète les villes anséatiques. Traités d'alliance avec les républiques cisalpine et ligurienne. Convention avec le roi de Sardaigne, pour l'occupation de la citadelle de Turin. Proclamation de la république helvétique, une et indivisible. Refus des petits cantons d'en faire partie: Schawembourg les attaque; résistance vigoureuse de ces républicains.

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Le trésor bernois sert à presser l'expédition d'Égypte. Départ de la flotte de Toulon. - Prise de Malte, à l'aide des intelligences que Poussielgue y a ménagées. Nelson se met à la poursuite de l'escadre républicaine, qu'il ne rencontre pas d'abord. Débarquement des Français à Alexandrie. Nelson, revenu sur ses pas, détruit l'escadre à Aboukir. Bonaparte défait les mameluks à la bataille des Pyramides, et s'empare du Caire. Desaix poursuit les beys dans la haute Égypte. Les Anglais, prévoyant ces succès, portent de nombreux

renforts dans l'Inde.

-

Événements maritimes en Europe. Les Français tentent vainement de s'emparer des îles Saint-Marcouf; et les Anglais, débarqués près d'Ostende, y essuient une défaite totale. L'Irlande s'insurge: les Français y jettent un corps de 1,500 hommes sous le général Humbert, qui, après une résistance honorable, est forcé à mettre bas les - Lord Une autre escadre, portant 3,000 hommes, sous le général Hardy, est prise dans la traversée. Cornwallis, envoyé dans cette ile avec des forces imposantes, la soumet entièrement. État des Antilles. Scission déplorable à Saint-Domingue.

armes.

Le général Hédouville, envoyé par le Directoire en

qualité de gouverneur, est forcé par Toussaint à se rembarquer. Conférences de Selz entre la France et l'Autriche, relativement aux changements survenus depuis le traité de CampoFormio.

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Le traité qui venait d'être signé à Campo-Formio, semblait devoir être le gage d'une paix durable entre la France et l'Autriche. Les peuples réclamaient à grands cris le repos dont six années de guerre ou d'agitations intestines leur faisaient sentir l'impérieux besoin et le cabinet de Vienne, consolé de l'humiliation de ses armes par l'acquisition de Venise, eût peut-être renoncé à être plus longtemps l'instrument de l'Angleterre, si la crainte de la propagation des principes révolutionnaires ne lui eût fait envisager la paix comme une trêve, pendant laquelle il devait se préparer à rentrer bientôt en lice.

L'Autriche, en laissant bloquer Mayence par le général Hatry, et retirant furtivement ses troupes, le 28 décembre, pour faciliter aux Français l'entrée de ce boulevard de la Germanie, avait donné un gage suffisant de ses dispositions pacifiques. Les stipulations de Campo-Formio lui présentaient, en effet, assez d'avantages pour que le cabinet impérial ne recourût pas légèrement à la chance douteuse des combats, si le Directoire ne lui donnait pas de justes griefs, ou de puissants motifs d'alarmes.

C'est ce qui ne tarda pas d'arriver. La France, en proie aux convulsions d'une politique aussi violente dans ses moyens que vague dans ses combinaisons, jouissait peu des bienfaits de la paix. Sourdement agitée par la réaction du 18 fructidor, privée de tout crédit par une législation monstrueuse et la banqueroute qui avait suivi cette journée, la république cumulait fautes sur fautes: un gaspillage honteux absorbait tout, et le Directoire ne savait plus désormais avec quelles dépouilles entretenir ses nombreuses armées; comme s'il eût

pris à tâche de rendre sa perte plus certaine, il condamnait encore à un honorable exil les hommes qui avaient élevé la France au faîte de la gloire, bien que leurs services devinssent de plus en plus indispensables pour la mettre à l'abri des dangers que ses injustes agressions amoncelaient autour d'elle.

L'empire germanique soupirait après le repos; et les princes dont il était composé attendaient sans défiance les décisions du congrès de Rastadt; car la plupart ignoraient encore que leur ancien protecteur fût d'intelligence avec le Directoire, pour partager leurs dépouilles.

Frédéric-Guillaume III, en prenant les rênes de la Prusse, professa des principes de philanthropie, de modération et de loyauté, garants certains du bonheur des nations dans les temps calmes, mais faibles préservatifs contre les bouleversements politiques. Une armée bien rétablie, des finances restaurées, et le caractère du roi, lui assuraient une grande influence sur les cabinets de l'Empire: fi> dèle néanmoins à son système de neutralité, il repoussait les suggestions de l'Angleterre, et semblait ne vouloir augmenter sa puissance qu'en laissant affaiblir ses voisins et s'entourant d'alliés naturels.

Le successeur de Catherine II, vaquait encore en silence à l'administration de son vaste empire. Arbitre de la Suède par les rapports qui existaient entre lui et Gustave IV; craint de la Prusse, et flatté par l'Autriche, il ne pouvait plus se dissimuler que le temps était venu de prendre une part active aux affaires du midi de l'Europe. L'Angleterre ne négligeait aucun moyen de le mettre dans ses intérêts, en s'attachant le petit nombre de conseillers intimes, capables d'exerter quelque influence sur un prince aussi passionné. Les agents britanniques ne manquaient pas d'arguments pour l'entraîner; la prépondérance que la France acquérait en Morée par la possession de Corfou, l'expulsion des consuls russes de Venise, furent bientôt suivies de griefs plus puissants. Quoique l'asile donné à Louis XVIII à Mittau, et l'admission de l'armée de Condé à la solde russe, fussent dans le principe des actes de pure générosité, on ne tarda pas à s'apercevoir que Paul ne demandait qu'une occasion de rentrer dans le système de Catherine, dont il s'était un moment écarté.

vori, persistait dans son alliance avec la France; mais les désastres de sa marine, la ruine de son commerce, étaient les seuls fruits qu'elle eût jusqu'alors recueillis d'un changement tardif de sys

tème.

L'Espagne, toujours gouvernée par le même fa- | avaient protesté. C'est à cette minorité que s'adressa Delacroix, pour venir à bout de ses projets; et après avoir réussi à les lui faire adopter, il en fixa l'exécution au 22 janvier. Dans la nuit, les généraux Joubert et Daendels firent prendre les armes à la garde nationale et aux troupes de la garnison: les barrières furent fermées; et les 43 députés dévoués à la France, rassemblés à l'hôtel de Harlem, ordonnèrent l'arrestation de six membres de la commission diplomatique, et de 22 représentants. Cette opération terminée, ils se rendirent au lieu ordinaire des séances de l'assemblée, où les autres députés s'étaient déjà réunis. La salle fut entourée par les troupes; et là, sous l'influence des baïonnettes, les signataires de la protestation se rendirent maîtres des délibérations. Après avoir fait sanctionner les mesures extraordinaires de la nuit par leurs collègues, ils n'eurent pas de peine à obtenir d'eux l'adoption des changements réso

Le Portugal, pâle satellite de l'Angleterre, se voyait tout à l'heure abandonné à lui-même : le renvoi du chevalier d'Aranjo et letraité de CampoFormio, le laissaient exposé à la vindicte du Directoire, qui déjà ordonnait d'assembler une armée à Perpignan, sous les ordres d'Augereau, soit pour envabir réellement la Lusitanie, soit pour lui imposer des conditions plus dures que le traité du 10 août. L'Italie paraissait tranquille; mais ce repos était celui d'un volcan. Les aristocraties de Gênes et de Venise, bien que renversées, s'agitaient dans l'ombre: Naples, effrayée du sort de ses voisins, et entraînée par la reine et Acton, se rattachait de nouveau à l'Angleterre : le trône pontifical, minélus. L'assemblée nationale se constitua en assempar l'esprit du siècle et les intrigues de la France, menaçait ruine de toutes parts; déjà ses plus belles provinces, au mépris des foudres de l'Église, s'étaient constituées en république anconitaine : la république cisalpine s'agrandissait avec une rapidité inquiétante pour ses voisins: enfin, le Piémont entouré de gouvernements démocratiques qui y soufllaient leurs doctrines, éprouvait déjà tous les avant-coureurs d'une révolution.

blée législative, et annula tous les règlements des états-généraux qui la régissaient. Le système fédératif, fut aboli et la république batave, déclarée une et indivisible. Les autorités provinciales se changèrent en autorités administratives : enfin, l'on décréta que le pouvoir exécutif serait confié, comme en France, à un directoire de cinq membres. La séance, dont on accorda les honneurs à l'ambassadeur Delacroix, fut terminée par le serment de haine au stathoudérat, au fédéralisme et à l'aristocratie : dix députés qui refusèrent de le prêter furent à l'instant cassés.

Ainsi, s'acheva sans effusion de sang, cette révolution, à qui la journée du 18 fructidor avait servi de modèle. Plus tard, quand l'appareil militaire qui avait intimidé les représentants eut dis

En Hollande, un pendant du 18 fructidor venait de transférer l'autorité entre les mains des démocrates les plus prononcés, et d'assurer ainsi l'influence du Directoire français. Le cabinet du Luxembourg voyait avec inquiétude le parti modéré pencher vers l'aristocratie et maîtriser en quelque sorte les décisions de l'assemblée nationale batave craignant qu'elle n'entraînât le gou-paru, beaucoup d'entre eux donnèrent leur démisvernement dans quelque résolution contraire aux sion, et désavouèrent la part qu'ils avaient prise intérêts de la France, il résolut d'augmenter la à ces événements. démocratie de ses institutions, et de faire abolir le système fédératif qui avait prévalu malgré lui. L'envoyé Noël fut rappelé, et l'ex-ministre Delacroix fut chargé de cette opération, de concert avec le général Joubert qui commandait l'armée d'occupation.

Une malheureuse destinée semblait frapper à l'envi tous les États qui n'avaient point participé à cette guerre; Venise, pour n'avoir pas su se décider contre la France, venait de disparaître du rang des puissances. La Porte, pour avoir résisté à toutes les insinuations des ennemis de la répuL'assemblée hollandaise venait de rendre quel-blique, et proposé même sa médiation, voyait ses ques décrets, contre lesquels 43 de ses membres provinces de Morée menacées de propagande; la

Romélie, la Servie et la Valachie en proie aux at- | enfante des projets gigantesques. C'était peu pour

taques de Passwan-Oglou; enfin ses possessions d'Afrique et de Syrie, à la veille d'être envahies, bien que le Directoire lui renouvelât les assurances de la plus étroite amitié.

le Directoire d'avoir donné à la république française des frontières naturelles; il voulait aussi lui former une ceinture d'États, qui en éloignât pour jamais l'ennemi. Grâces à ses victoires, il avait déjà érigé à sa droite les républiques ligurienne et cisalpine; à sa gauche, la république batave. Il lui manquait au centre, un État qui pût, pour ainsi dire, former le nœud de son système fédératif; et

Séduit par tant d'avantages, il eût été naturel que le Directoire cherchât à étendre son influence en Helvétie; mais, peu habitué aux ménagements, il trouva plus commode de l'envahir, sans s'inquiéter si cette infraction aux traités n'équivaudrait pas à une déclaration de guerre contre l'Europe entière, qui avait tant d'intérêt à s'y opposer.

Le cabinet de Londres persuadé, par le peu de succès de la mission de Malmesbury à Lille, qu'il fallait se résigner à rendre ses conquêtes, ou à pousser une guerre à outrance, sentait néanmoins tout l'intérêt qu'il avait à intervenir dans les né-il comptait trouver dans la Suisse un boulevard gociations de Rastadt. Il eût conservé ainsi son inexpugnable, propre à dominer en même temps influence dans les affaires du continent; et, per- l'Allemagne et l'Italie. suadant en même temps au peuple qu'on ne négligeait aucune occasion de se procurer une paix nonorable, on le disposait à tous les sacrifices pour l'obtenir. Malgré les succès maritimes de l'Angleterre et l'accroissement de son commerce, les préparatifs qui se faisaient dans les ports de Hollande, de France et d'Espagne, un emprunt forcé progressif de 80 millions, spécialement des- Il crut sans doute en imposer à l'opinion génétiné aux frais d'une descente, et l'activité qui ré- rale, par des prétextes d'une nature toute partignait dans les chantiers ennemis, ne laissaient pas culière: « La coalition, disait-il, s'est moins forde lui causer de vives inquiétudes. Le ministre >>mée contre la France, que contre les principes Dundas fut autorisé à requérir autant de milices » de la révolution. A la vérité, la paix vient d'être que les circonstances l'exigeraient, et à prélever » signée : mais la haine que leur vouent les soud'abord le nombre d'hommes nécessaires pour » verains n'est pas moins active; et les chicanes compléter 18 à 14 régiments qui n'avaient presque diplomatiques qu'opposent l'Empereur et l'Anplus que des officiers. Afin de faire face aux dépen- gleterre à la conclusion de la paix générale, en ses qu'allaient occasionner l'augmentation de l'ar- » prouvant qu'ils ne cherchent que l'occasion mée et les fortifications élevées sur différents points » d'une rupture, démontrent la nécessité d'établir de la côte, un impôt fut mis sur les maisons, les» fenêtres, les horloges, de même que sur les valets,» les chevaux, les chiens, et les équipages de luxe.

Le Directoire exécutif, au lieu de profiter de sa réconciliation avec l'Autriche pour consolider les institutions naissantes de la France, semblait, au contraire, chercher à se créer de nouveaux ennemis. Sa politique altière traitait ses alliées comme des sujets; et partout ses émissaires cherchaient à soulever les peuples contre leurs gouvernements. On eût dit que son zèle révolutionnaire aspirait à démocratiser l'Europe, pour mieux la dominer. Jamais époque, cependant, n'avait été aussi favorable pour rendre la France heureuse et puissante, car ses conquêtes étaient légitimées par un traité; mais la prospérité éveille l'ambition, et celle-ci

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un juste équilibre entre les États démocratiques et les monarchiques. Or, la Suisse, cet antique » refuge de la liberté, foulée aux pieds par une >> insolente aristocratie, ne peut conserver plus » longtemps la forme de son gouvernement, sans » priver la France d'une partie des ressources, et » de l'appui qu'elle serait en droit d'en attendre >> sous un autre régime, en cas que la guerre vienne » à se rallumer. »

Ainsi, il fallait tout l'aveuglement du Directoire, pour que la peur même le portât à des invasions, et qu'il comptât parer à des dangers imaginaires, par des mesures violentes qui devaient attirer sur lui la haine des États les plus pacifiques.

La question de la neutralité de la Suisse se rattache en effet aux plus hautes combinaisons de la politique européenne: l'Empire, l'Autriche, la

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nât jamais un pareil accroissement? Dès que la chose était impossible, quel intérêt pouvait-on trouver à détruire le repos de ces vallées, où parmi des milliers de partisans, l'on démêlait à peine quelques ennemis dans les familles patriciennes ? Quel avantage, de se compromettre envers toute l'Europe, et d'appeler la Russie et la Prusse à prendre part à la coalition, sans autre but que de

et de la renverser dans plusieurs autres ? Était-ce pour lever 18,000 auxiliaires, qu'on eût plus facilement obtenus par le simple renouvellement des capitulations ?

France et l'Italie, y ont un égal intérêt. Sans cette neutralité, la ligne du Rhin n'est plus pour tous les partis, qu'une vaine barrière : les Alpes ne mettront plus obstacle à l'invasion de la France ni de l'Italie. Voudrait-on inférer de là, que chacun eût été intéressé à s'emparer d'un pays si important? Ce raisonnement serait absurde. La France, maîtresse de Strasbourg et de Mayence, possédait tous les avantages de la ligne du Rhin : envahis-propager la démocratie dans deux ou trois cantons sant la Suisse, elle se les arrachait elle-même. Si le sort incertain des armes lui était un jour contraire, l'immense supériorité acquise par la république devenait illusoire la moindre victoire des Autrichiens sur les rives de l'Aar leur eût ouvert l'accès du Jura, et permis d'attaquer le sol français, par le seul point vulnérable de sa frontière. En portant nos regards du côté de l'Italie, nous trouvons les mêmes combinaisons supposé la Suisse neutre, la France, maîtresse de Mantoue, de Pizzighetone, et disposant de toutes les places du Piémont, avait un avantage très-marqué sur les Impériaux, réduits pour tout appui aux murs de Vérone et aux remparts de Palma-Nova. Détruisez le prestige de cette neutralité, le moindre succès obtenu en Suisse par une armée impériale, n'eût-il pas fait tomber toute la défense de l'Italie, et contraint l'armée française à rétrograder, pour arrêter l'ennemi aux confins du Dauphiné ou sur les bords du Rhône?

Le Directoire commit donc une erreur fatale, en imaginant consolider la position militaire de la France, par l'occupation passagère des montagnes helvétiques : on peut dire hardiment qu'il s'affaiblit, au contraire, en raison de l'extension démesurée que cela donnait à sa défense. Car ce n'est pas seulement l'augmentation d'une étendue circulaire de près de 100 lieues qu'il faut considérer ici; c'est la contiguïté permanente d'une ligne qui, de Venise, court par Trente et Constance, jusqu'aux marais de la Frise et à la mer du Nord. Cet espace étant coupé en deux par la masse des Alpes, si l'on neutralisait ce centre, il en résulterait que chacune des fractions, isolée en ellemême, offrirait une ligne d'opérations entièrement indépendante. On pourrait dès lors choisir sur chacune des ailes le point stratégique le plus convenable à ses opérations, sans s'inquiéter de ce qui se passerait aux accessoires. Par exemple, la gauche appelée à couvrir le Rhin s'attacherait particulièrement à l'espace entre Strasbourg et Mayence, sans craindre que l'ennemi se portât sur La position du moment était donc loin de motiver ses extrémités, le long de la mer ou de la ligne une agression odieuse; mais les intérêts perma- neutre. On peut en dire autant de la droite charnents d'une politique sage et prévoyante l'inter-gée de protéger la Lombardie; car toute sa défense disaient bien plus encore. Si les Français étaient se concentrerait sur l'excellente ligne du Mincio entrés en Suisse pour en faire la conquête et s'y ou de l'Adige. fixer définitivement, on eût compris un pareil motif, qui, sans légitimer l'usurpation, la rendait au moins plausible (1).

Ces résultats étaient tellement palpables, que, si jamais la France, dans ses anciennes limites, avait pu convoiter la Suisse comme point offensif, elle aurait dû tout faire pour en consacrer la neutralité, depuis qu'elle-même se trouvait en possession de la Lombardie et des places du Rhin.

Mais en comprenant le territoire suisse dans le front d'opérations, dès lors tout se trouve lié, depuis l'Adriatique, jusqu'aux bouches de l'Yssel: Mais comment espérer que l'Europe sanction- et dans cette étendue de 300 lieues, on s'attachera

(1) Il ne faut pas oublier que l'auteur fait ici une sup. position dans l'intérêt français. Comme Suisse et soldat,

il n'hésitera jamais à se dévouer pour l'indépendance de son pays.

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