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furent enveloppés dans la catastrophe qui sapa | et parents d'émigrés, quand la clameur publique jusque dans ses bases la constitution de l'an 1.

força le gouvernement à changer cette proposition violente en une suspension de l'exercice de leurs droits politiques.

La réaction, qui avait eu pour antécédent des querelles de finances, fut suivie de mesures fiscales de mauvais augure. Les triumvirs ne furent pas plutôt certains de la victoire, qu'ils peignirent, dans un message aux conseils épurés, l'embarras du trésor. Le temps des discussions était passé pour ceux-ci : ils adoptèrent, pour ainsi dire, sans examen, tous les plans de finances qui leur furent présentés. Le droit de passe sur les routes fut décrété, la loterie rétablie, et le droit de timbre étendu aux feuilles périodiques. Enfin, les conseils abordèrent la question délicate de la dette pu

Après le 18 fructidor, le gouvernement représentatif ne fut plus qu'un fantôme : le corps législatif devint, pour le Directoire, une machine à décrets; et la tyrannie fut organisée sous un voile constitutionnel. Le gouvernement, pour instruire la nation des causes qui avaient nécessité le 18 fructidor, fit publier un rapport de Bailleul, qui luimême avait été un des principaux agents directoriaux. Les pièces justificatives du coup d'état se bornaient aux papiers relatifs à Pichegru. Bailleul, à défaut de preuves, trouva des ressources dans sa dialectique. « Ici, disait-il, a existé une vaste con»spiration, pour faire tomber les choix du peuple » sur de mauvais citoyens. Il est constant que » ces mauvais citoyens, dans les différentes fonc-blique reconnue sur le grand-livre, et se décidèrent >>tions qui leur ont été confiées, ont suivi la marche à proclamer une banqueroute positive, en décréindiquée par les agents de la conspiration; tant que les deux tiers des sommes inscrites, » qu'ils ont tenu leur langage, assisté à leurs ras- seraient remboursés en bons au porteur, admissi» semblements; que le complot était sur le point bles seulement en payement de biens nationaux ; » d'éclater. Il est donc évident qu'ils sont enve- l'autre tiers fut consolidé sur un nouveau grand»loppés dans la conjuration, quoiqu'on ne puisse livre institué à cet effet. Cette mesure violente » pas dire de chacun qu'il a fait telle ou telle porta un coup mortel au crédit ; car, nonobstant » chose, ni indiquer le rôle dont il était chargé. » les nombreux abus qui s'étaient introduits sous la C'était convenir que l'arbitraire avait remplacé convention dans ces inscriptions, souvent données la justice; et que, sur de simples soupçons, le en payement au lieu d'assignats, on s'était plu à pouvoir exécutif avait été mutilé, les conseils, dé- considérer la dette comme sacrée et devant un cimés. Telle était, en effet, l'impudence du Direc-jour porter l'intérêt ordinaire. toire, qu'un de ses écrivains à gages, en faisant l'apologie de sa conduite, osa dire qu'en révolution la justice baisse ses balances devant le parti vainqueur; qu'elle en écrase les vaincus.

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Cette banqueroute et l'augmentation de revenus votée, les services publics n'en marchèrent pas avec plus de régularité. Un horrible gaspillage se glissa dans toutes les administrations, et empêcha non-seulement de solder l'arriéré, mais encore de faire face aux dépenses courantes.

L'esprit de despotisme et de vertige qu'on remarque dans l'administration intérieure, ne donne pas une idée favorable de la modération du Direc

La journée du 18 fructidor avait ôté tout espoir de rapprochement entre le parti modéré, qui voulait une liberté basée sur des institutions raisonnables, et les triumvirs qui fondaient leur prééminence sur une espèce de retour au régime de la terreur. Les plus fougueux démagogues deve-toire dans ses relations avec les puissances étrannaient désormais les uniques soutiens sur lesquels Barras, Rewbell et Merlin pussent compter : entraînés autant par leur penchant que par la nécessité d'assurer le triomphe d'une faction dont ils s'étaient constitués les chefs, ils ne pensaient à rien moins qu'à renouveler l'horrible loi des suspects. Déjà Boulay de la Meurthe avait proposé la déportation ou le bannissement de tous les nobles

gères, et la négociation avec l'Angleterre fournit bientôt la preuve qu'il ne fallait rien attendre de bon de sa politique.

Soit

que Maret, Pléville-Lepeley et Letourneur parussent trop modérés, soit qu'il fallût des instruments plus dociles pour brusquer la rupture méditée, ces négociateurs furent remplacés immédiatement après le 18 fructidor par Treilhard et

La marche traînante des négociations avec l'Autriche, autorisait tous les soupçons sur la bonne foi des deux partis. Le Directoire s'éloignait de plus en plus des bases des préliminaires, et l'Empereur, cédant à l'influence de Thugut, n'était guère plus ferme dans ses projets.

Bonnier. Dès ce moment on vit se succéder les notes les plus absurdes. On exigeait du diplomate anglais qu'il déclarât, pour ainsi dire, la teneur de ses instructions; on voulait qu'avant d'entrer en discussion, il consentit à rendre aux trois puissances maritimes tout ce que l'Angleterre avait pris ce qui fermait la porte à la moindre com- Le 18 fructidor n'annonça d'abord d'autre chanpensation, et à tout débat ultérieur. Vainement gement du côté de la France, que le rappel de Malmesbury observait qu'il avait les pouvoirs les Clarke, et la remise pure et simple des négociaplus étendus, mais qu'il ne devait compte de ses tions à Bonaparte. Le Directoire s'obstinait à ne instructions qu'à son gouvernement, et qu'on en point ratifier l'alliance avec la Sardaigne, comme connaîtrait la teneur par la nature même des ces- si ce traité dût soustraire une victime à son insasions qui seraient mutuellement consenties. Rew- tiable ambition; il ne voulait pas non plus céder bell, plus disposé à imposer des traités à coups de Venise, de crainte de concourir à l'accroissement sabre qu'à les discuter, donna 24 heures à Mal- maritime de l'Autriche, quoiqu'il eût d'abord conmesbury pour aller chercher le plein pouvoir de senti à cette cession dans l'espoir d'obtenir Manse soumettre à tout ce qu'il plairait au Directoire toue. Ses prétentions allaient jusqu'à vouloir reléd'ordonner; procédé d'autant plus déplacé, qu'il | guer la maison impériale derrière l'Isonzo. s'adressait à une puissance capable d'en tirer vengeance. Cette diplomatie, digne de Robespierre, ne manqua pas son effet. Malmesbury partit le 16 septembre pour Londres, et laissa cette fois l'Europe dans la persuasion que le cabinet de Saint-James était plus modéré que celui du Luxembourg.

Bonaparte, mécontent de se voir sans cesse contrarié, blessé de différentes démarches qui dénotaient la méfiance du Directoire, donna sa démission, le 25 septembre, peu de jours après avoir notifié aux plénipotentiaires que, si la paix n'était pas signée le 1" octobre, il ne négocierait plus que sur la base de l'état de possession actuelle des deux puissances.

Dans l'incertitude du résultat qu'amènerait pareille déclaration, il chercha à détacher la Bavière et le Wurtemberg de l'Autriche, en y envoyant sous divers prétextes le général Desaix, que la curiosité avait attiré en Italie. Mais, entouré d'agents autrichiens, il fut impossible à cet officier de réus

Le refus du Directoire de reconnaître l'envoyé Pinckney avant que les États-Unis eussent adhéré à ses demandes, ne donna pas seulement une nouvelle preuve de son exagération, il lui aliéna encore en pure perte ces alliés naturels. Le nouveau président Adams, répondit avec raison qu'on n'intimait pas des ordres à une nation indépendante comme à une colonie, et qu'il était impossible desir dans sa mission. traiter lorsqu'on débutait par repousser le négociateur. Le Directoire, de son côté, persistait à prendre les mesures les plus hostiles: il rappela son envoyé à Philadelphie, et délivra des lettres de marque pour courir sur les navires américains. Sa condnite fut telle qu'elle excita les plaintes les plus sérieuses à la tribune des deux conseils. Cependant, le président des États-Unis, voulant ôter tout prétexte de mécontentement personnel envers son ambassadeur, confia à trois commissaires la tâche délicate de s'expliquer avec le gouvernement français, et d'aplanir les difficultés qui menaçaient de brouiller deux peuples si étroitement liés par

leurs intérêts.

Cependant la députation impériale, mise au pied du mur à l'instant où elle recevait la nouvelle du 18 fructidor, dépêcha en toute hâte le général Meerfeld à Vienne. L'Empereur, jugeant qu'il ne fallait plus compter sur une réaction royaliste, le renvoya sur-le-champ conjointement avec le comte de Cobentzel, munis d'instructions plus positives.

Depuis cette époque, les négociations allèrent grand train. Ce n'est pas que l'Autriche se montrât d'abord plus coulante loin de renoncer à Mantoue, que les préliminaires lui assuraient, elle demandait Venise et les légations, ou bien la ligne de l'Adda. Bonaparte indigné, lui contesta mème la Dalmatie et Raguse, dont elle avait déjà pris

possession. Le Directoire ne s'en tint pas à ces menaces tout en donnant plein pouvoir à son négociateur, il lui déclara formellement que son ultimatum était de reléguer l'Autriche derrière l'Isonzo, et de la renvoyer, pour ses indemnités, aux sécularisations en Allemagne (1); circonstance qui semblait rendre la rupture inévitable.

Dans cet intervalle, le Directoire réfléchissant sur le danger d'accorder la démission au général qui avait tant contribué par ses victoires à la signature des préliminaires, ne crut pas s'abaisser en lui expédiant un agent pour entrer en explica- | tion avec lui. Tout ce qui lui avait été refusé obstinément, lui fut accordé. L'armée d'Italie fut renforcée de trois demi-brigades et d'un régiment de cavalerie; plus de 8,000 réquisitionnaires vinrent compléter les cadres de son infanterie : on lui assura aussi une remonte de 1,600 chevaux; on soumit le traité d'alliance offensive et défensive avec le Piémont à la ratification des conseils : enfin le Directoire, pour donner à Bonaparte une preuve de sa condescendance, alla jusqu'à réformer Kellermann, et rappeler de Naples l'ambassadeur Cacault, contre lesquels il avait témoigné quelques sujets de mécontentement.

les chances. Les Autrichiens étaient près de leur centre de puissance, à portée de leurs magasins et de leurs dépôts; sans inquiétude pour leurs flancs, couverts d'un côté par la Croatie ou la Hongrie, et de l'autre par le Tyrol; provinces toutes belliqueuses et disposées à seconder leurs opérations au premier signal. Les Français, au contraire, avaient tout à craindre pour leurs derrières, sur lesquels Naples qui épiait l'occasion de satisfaire sa haine, Venise qui n'aspirait qu'à se débarrasser d'un voisinage odieux, et le roi de Sardaigne à qui la non-ratification du traité d'alliance dévoilait tous ses dangers, auraient pu fondre de concert. Peut-être aussi que la rupture du Directoire avec l'Angleterre, la mort subite de Hoche, l'incohérence des plans adoptés par le gouvernement en cas de guerre, firent un devoir à Bonaparte d'être moins exigeant, et de consentir à la double cession de Venise et de Salzbourg. Aussi, le 17 octobre, au moment où l'on s'attendait à voir recommencer les hostilités, la paix fut-elle signée à CampoFormio.

Le traité se composait de vingt-cinq articles patents (2), dont les clauses principales portaient la confirmation des cessions de la Belgique et de la Lombardie, le consentement donné aux limites du Rhin et des Alpes. Les États de Venise étaient

Mais le général en chef n'avait pas attendu l'effet de toutes ces résolutions: encouragé par la mission secrète de Bottot, et certain d'obtenir la sanc-assurés à l'Autriche jusqu'à la rive gauche de l'Ation du Directoire sur lequel il espérait désormais exercer une plus grande influence, il résolut de ne point s'arrêter aux instructions du ministère. Après les simulacres d'usage, et des prétentions élevées à dessein d'atteindre plus facilement le but désiré, il se décida brusquement à terminer, sans attendre plus ample autorisation.

dige, avec la place de Vérone et un arrondissement déterminé. Les provinces de Brescia et de Bergame, situées sur la rive droite, furent dévolues à ̧ la république cisalpine; les îles Ioniennes, à la France.

Quatorze articles secrets, plus importants en quelque sorte que le traité, spécifiaient les limites. Plusieurs raisons contribuèrent à lui faire sentir de la république et les abandons de territoire qui le prix du temps. Bien que l'armée d'Italie fût devaient en résulter. L'Empereur promettait de ne dans un état florissant, et qu'elle eût une bonne point soutenir l'empire germanique, si la diète se base d'opérations dans Osoppo et Palma-Nova, la refusait aux cessions sur la rive gauche du Rhin; saison était déjà trop avancée pour ouvrir la cam- la libre navigation de ce fleuve et de la Meuse était pagne en Carinthie; d'un autre côté, l'on risquait promise; la France consentait à ce que l'Autricho de perdre tous les avantages de l'initiative, en lais-acquît le pays de Salzbourg, et recût de la Bavière sant à l'Empereur le loisir de réorganiser ses for- l'Innviertel et la ville de Wasserbourg sur l'Inn. ces durant l'hiver. D'ailleurs, la position des ar- L'Autriche cédait le Frickthal pour être remis à la mées respectives mettait beaucoup d'équilibre dans Suisse; les fiefs impériaux pour la Ligurie; et le

(1) Pièces justificatives, du livre XII, no 2.

TOME III,

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(2) Voyez pièces justificatives du livre XII, no 3.

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Brisgaw au duc de Modène. La France s'engageait | la France, du commerce du Levant, comme les détracteurs du traité l'ont avancé : l'occupation de Corfou et de toutes les îles vénitiennes par cette dernière, opposait un obstacle insurmontable à de

à rendre les États prussiens entre la Meuse et le Rhin. Des indemnités étaient promises en Allemagne aux princes dépossédés sur la rive gauche de ce fleuve, de même qu'au stathouder. Enfin, l'ar-tels projets. En effet, cette acquisition ne donnait ticle VII laissait entrevoir que bien d'autres partages pouvaient encore avoir lieu, en stipulant que, si l'une des puissances contractantes faisait des acquisitions en Allemagne, l'autre en ferait d'équivalentes.

pas seulement à la France un poste militaire et maritime important, et plus de facilité pour le commerce du Levant; elle lui fournissait encore des huiles pour les savonneries de Marseille, qui, tous les ans, en achetaient considérablement à l'étranger; elle promettait l'exploitation des bois précieux de la côte d'Albanie pour les chantiers de Toulon. Les avantages politiques n'étaient pas moins palpables: la république, maîtresse désormais de l'Adriatique, se mettait en contact plus direct avec l'empire ottoman; considération importante, si le cabinet du Luxembourg avait su resserrer l'antique alliance avec la Porte, au lieu d'en convoiter les dépouilles.

Des esprits habitués à voir les choses de haut, eussent désiré qu'il fit entrer dans son partage la forteresse de Cattaro, et autres postes à la conve

d'une île de l'Archipel, et de la faculté de naviguer dans la mer Noire. «Si cette mer, disaient-ils, » cessait d'être fermée aux acheteurs, le commerce

Un traité glorieux termina ainsi cette guerre mémorable, provoquée par les violentes déclamations des girondins, allumée par le déchaînement de toutes les passions qui agitaient alors l'Europe, alimentée enfin par les instigations des agents de l'Angleterre. Ce ne fut à la vérité qu'un armistice, parce que les mêmes passions continuèrent d'exercer leur empire dans les transactions des États : la paix aurait était plus durable, si la justice et la modération eussent été mieux consultées. La réunion de la Belgique à la France n'était en effet qu'une juste compensation de la perte de Saint-Domingue et des conquêtes faites par les autres puis-nance des Turcs, pour les leur céder en échange sances, en Pologne ou dans les deux Indes. L'Autriche fut amplement dédommagée de ses sacrifices par l'acquisition des États de Venise, du Salzbourg et de la Gallicie en un mot, toutes les grandes» de la Russie qui a pris une fausse direction vers puissances européennes se trouvaient dans un état » le Nord, suivrait sa pente naturelle : tôt ou tard, relatif, peu différent de celui de 1789. Le Direc- » il ne peut manquer de prendre son cours vers le toire ne tarda guère à prouver qu'il n'était point» bassin où tous les grands fleuves de ce pays abousatisfait de ces brillants résultats; et ses ennemis >> tissent; c'est à la France, qui peut dominer dans ne lui cédèrent peut-être rien en ambition. » la Méditerranée, de lui ouvrir ce débouché. Cette Quoique ce traité fût plus avantageux à la répu-» idée avait été saisie par les Vénitiens, lorsqu'en blique que les préliminaires de Leoben, puisqu'il lui assurait Corfou et les Sept-Iles de l'archipel Ionien, l'on ne manqua pas de critiquer les doubles avantages concédés à l'Autriche sur l'Inn et l'Adriatique; sous prétexte qu'ils excédaient ceux des préliminaires, et paraissaient des équivalents supérieurs à ce que l'Empereur pouvait prétendre après six campagnes malheureuses (1). Ce n'est pas que, maître de Venise, il pût créer aussi facilement une marine, et s'emparer, au détriment de

(1) L'Autriche céda à la France, dans les Pays-Bas et la Lombardie, environ 3 millions et demi d'habitants. Elle en acquit au contraire, 3 millions 400 mille, tant à

» 1775, ils proposaient un traité de commerce à » la Russie. La France en la réalisant, aurait » trouvé le triple avantage d'étendre sa navigation, d'augmenter sa marine, et de s'enrichir d'un tra» fic qui occupe dans la Baltique quatre mille >> vaisseaux anglais. »>

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Loin de mettre à profit des vues si profondes, le gouvernement français ne négligea rien pour donner à ces acquisitions dans la mer Ionienne toute l'apparence de préparatifs hostiles contre

Venise qu'à Salzbourg; et au moins autant par les provinces polonaises. Ainsi le vaincu profita plus à cette guerre que le vainqueur.

la paix, après laquelle on soupirait, étouffèrent des clameurs qui devaient en effet céder aux puissantes considérations de l'intérêt général.

l'empire ottoman. Des discours imprudents dévoilèrent des projets gigantesques, sur lesquels nous aurons occasion de revenir. En dernière analyse, un port incessamment bloqué et d'un entretien onéreux, devint l'unique fruit de la destruction | dant la république cisalpine, donna un puissant de cette antique république.

La paix définitive avec l'Empereur, en consoli

point d'appui à la France, pour achever de bouleverser l'ancien système de l'Italie. Alliée naturelle des républiques cisalpine et ligurienne, on sent qu'elle devait intervenir dans tous les différends avec leurs voisins: or, les occasions de brouille ne manquaient point. Ces deux nouveaux États, convaincus de leur faiblesse, brûlaient de s'agrandir. Gênes rappelait avec orgueil que la Ligurie s'étendait autrefois au nord jusqu'au Pô, et à l'est jusqu'à l'Arno, qui la séparait de l'Étrurie. D'un autre côté, la république cisalpine désirait que l'Adda la séparât de la Suisse, jusqu'à son entrée dans le lac de Como, ce qui n'eût pu se faire sans enlever la Valteline aux Grisons. La contiguïté des provinces réclamées par l'une et l'autre ; la conformité de langue, de religion, de mœurs; les rapports de leurs moyens et besoins réciproques; tels étaient les motifs allégués à l'appui de leurs prétentions. Si le Directoire eût sérieusement songé à la régénération de l'Italie, il eût senti que, pour af fermir le système politique, il eût falla, avant de révolutionner la Toscane et Rome, former du nord de l'Italie, un seul, ou tout au plus deux Etats vigoureux (1). Bien loin de là, il accueillit l'idée de former à peu près autant de républiques qu'il y avait de petits États; comme s'il eût craint de perdre son influence sur une confédération moins nombreuse, et que son intention eût été d'en mul tiplier les membres, afin de les dominer plus aisé

Les conditions du traité qui décidèrent de sa ruine totale, ne tardèrent pas à se répandre dans Venise. Bien que les stipulations de Leoben eussent déjà transpiré, les deux partis qui se disputaient le gouvernail, s'étaient également flattés, sinon de conserver l'intégrité du territoire, du moins de sauver l'indépendance de la métropole. | Le parti démocratique surtout, trop confiant dans les promesses de Villetard, se berçait de l'espoir d'intéresser la France à sa conservation, par l'attachement sincère qu'il lui vouait. Il avait eru qu'il en serait quitte pour céder quelques provinces de terre ferme, sauf à être indemnisé au delà du Pô. Cette idée était d'autant plus naturelle, que Venise conservait des droits incontestables sur la Romagne, arrachée à son domaine par l'ambitieux Jules, à l'époque de la ligue de Cambrai. La nouvelle de la dissolution entière de la république, fut donc pour tous un véritable coup de foudre. Les patriciens qui n'auraient dû l'imputer qu'à leur faiblesse, trouvèrent plus simple d'en rejeter l'odieux sur le parti opposé. Tandis que le désespoir des démocrates s'exhalait en protestations impuissantes, ils eurent la douleur de voir les Français s'emparer des restes de la marine vénitienne, démeubler l'arsenal, et envoyer à Paris les chevaux de bronze conquis par Dandolo à Constantinople. Malgré les griefs de la France contre la république de Venise, la manière dont la premièrement. trempa dans ce partage, sera difficile à justifier aux yeux de la postérité. Elle trouva des censeurs aussitôt qu'elle fut connue; plusieurs voix s'élevèrent au sein même de la représentation nationale, pour accuser le Directoire. Mais, avant le 18 fructidor, on regarda ces déclamations comme un résultat de l'opposition royaliste; et plus tard les bienfaits de

(1) Le projet séduisant de faire une seule puissance de l'Italie, est sans doute plus chimériqne encore que celui de rallier l'Allemagne à une loi commune. Dix États sou verains, renfermant des peuples de caractère et de mœurs

Le roi de Sardaigne, qu'on parlait de détrôner au moment même où l'on reconnaissait avoir le plus pressant besoin de son alliance, ne pouvait échapper à sa destinée, alors qu'il devenait un auxiliaire inutile. On inonda ses provinces d'une foule d'intrigants lombards, brescians, génois et français on entoura ses frontières de détache

divers, habitués à voir leur centre de puissance et leur capitale au milieu d'eux, ne pourraient jamais former qu'un faible État fédératif, sujet à des dissensions éternelles, et sans cesse envahi par ses voisins,

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