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L'ouverture de la session fut signalée par des actes qui prouvèrent au Directoire tout ce qu'il avait à redouter. Barrère, ce fougueux orateur du comité de salut public, condamné à la déportation, avait été réélu par le département des BassesPyrénées. La question d'indignité fut élevée contre lui, et résolue affirmativement par une grande majorité. Jusque-là le mal n'était pas grand; mais le décret qui maintint son bannissement, rappela dans l'assemblée tous les députés qui en avaient été exclus par la loi du 3 brumaire.

au corps législatif procura aux premiers une ma- | plusieurs ministres, contre lesquels la tribune jorité qui leur eût assuré la victoire, s'ils avaient avait retenti de dénonciations fondées; mais cette mis plus de prudence dans le choix de leurs moyens; négociation, qui devait être le gage présumable mais ils ne dissimulèrent pas assez leurs vues, et, de la réconciliation des deux pouvoirs, échoua par fiers de leur supériorité, ils voulurent tout empor- l'intrigue de la sirène de Legendre, qui tenait ter d'emblée. alors Barras dans ses filets. Ce directeur, dont la voix était indispensable pour former majorité avec celles de Carnot et de Barthélemy, promit d'abord de voter ce renvoi ; mais, bientôt endoctriné par cette femme trop célèbre, il se joignit à Rewbell et à La Réveillère, pour remplacer les ministres qui jouissaient de la confiance publique, et conserver ceux qui l'avaient perdue. Tout le ministère fut renouvelé le même jour, à l'exception des départements de la justice et des finances et, ce qu'il y eut de particulier dans ce bouleversement, c'est que Delacroix perdit le portefeuille des affaires étrangères sur la réquisition de la baronne de Staël, qui l'arracha des mains de Barras pour le remettre à Talleyrand, en souvenir d'anciennes liaisons. A la place de Petiet, Rewbell appela au ministère de la guerre son compatriote Schérer, sous l'administration duquel il se commit tant de dilapidations.

Cette mesure, en jetant dans les conseils des hommes de parti, les mit tous deux dans la dépendance des meneurs du club de Clichy qui, sous les apparences de la justice et de la modération, travaillaient sourdement à organiser la contre-révolution.

D'abord, ils commencèrent par susciter des ennemis au Directoire; et la chose fut d'autant plus facile, que, formé de cinq membres de la convention, leur conduite aux diverses phases de la révolution, donnait prise à la critique. L'immoralité de Barras, l'avarice et la rudesse de Rewbell, l'indolence de La Réveillère, l'inflexibilité de Carnot la facilité de Barthélemy, furent tour à tour l'objet de leurs sarcasmes et de leurs reproches. Bien plus, ils surent ressusciter des préventions et des haines parmi les directeurs, en mettant adroitement aux prises l'amour-propre de chacun d'eux.

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Il eût fallu être aveugle pour ne point voir l'orage. Le Directoire avisa longtemps aux moyens de le détourner. Les avis étaient partagés. Carnot et Barthélemy, successeur de Letourneur, répugnaient à toutes les mesures inconstitutionnelles. Leurs collègues, moins scrupuleux, formèrent alors une espèce de triumvirat déterminé à tout pour se débarrasser de ceux qui leur disputaient l'autorité. De bons esprits des conseils qui voyaient dans cette opposition le germe de nouvelles dissensions, séparèrent leur cause de celle du club de Clichy, et négocièrent auprès du Directoire le renvoi de

Dès lors, tout espoir de rapprochement s'évanouit; et, sous prétexte de préparer des moyens de défense, le Directoire et le corps législatif préludèrent, chacun de leur côté, à de véritables attaques. Leurs ressources n'étaient pas égales; car le premier disposait des baïonnettes, et le second au contraire, n'avait qu'une force morale, puisée dans la constitution.

Le corps législatif venait de rapporter la loi qui condamnait à la déportation les prêtres réfractaires. Ce premier pas, bien qu'il annonçât un juste retour à la modération, servit de signal à une foule de journalistes, pour commencer les hostilités contre le Directoire. Sûrs de trouver des défenseurs dans les conseils, ils ne se contentèrent pas de censurer ses actes, ils déversèrent à pleines mains le ridicule sur chacun de ses membres, et augmentèrent ainsi le mépris qu'inspiraient des directeurs, dont le gouvernement n'avait encore fait ressortir aucune grande qualité.

L'alarme fut sonnée au Luxembourg, et aussitôt on commença à faire jouer les fils qui devaient amener la catastrophe. Carnot, dont la popularité

mettait un si grand poids dans la balance, devint | toutes les divisions: elles contenaient, outre les odieux à Barras et à Rewbell, parce qu'il voulait protestations de dévouement à la république, des sincèrement la paix, avec plus de modération et accusations et des menaces contre les conspirade justice dans l'administration intérieure. Ces teurs de Clichy et la majorité du corps législatif sentiments s'accordaient peu avec ceux de ses qui suivait la même bannière. collègues, tourmentés de la soif du pouvoir et des richesses. On résolut donc de s'en débarrasser à tout prix. Barras, pour en venir plus facilement à bout, le présenta aux démocrates comme ayant conduit l'affaire du camp de Grenelle et fait élever les échafauds de Vendôme. Dès lors il passa dans l'esprit des uns comme un transfuge vendu aux royalistes, tandis que les autres le crurent fermement uni de volontés et de principes avec ses collègues.

Ce premier pas fait, les meneurs du Directoire favorisèrent l'ouverture des clubs jacobins fermés depuis longtemps. Enfin, pour attacher plus sûrement l'opinion générale à leur cause, ils fabriquèrent ou retirèrent des cartons de la police, une lettre de Louis XVIII aux Français, dans laquelle ce prince les invitait à secouer le joug de leurs tyrans, et à se rappeler les siècles de gloire et de bonheur dont ils avaient joui, en vivant sous la religion et le gouvernement de leurs pères.

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Cette pièce, vraie ou fausse, souleva de nouveau les passions. Dans le Midi, le terrorisme royal se montra sans voile des bandes d'assassins, soidisant royalistes, se répandirent dans le Languedoc et la Provence. Le payement des contributions fut suspendu, l'action des lois paralysée, les acquéreurs de biens nationaux poursuivis par le poignard des égorgeurs; enfin, le désordre devint bientôt si grand, que tous les individus qui avaient pris part à la révolution, furent obligés, pour sauver leur vie, de se réfugier dans de grandes villes, telles qu'Aix, Orange, Marseille, Toulon.

Ces excès, rendus encore plus odieux par les rapports des agents du Directoire, firent regarder au peuple la proclamation du prétendant comme le manifeste d'une grande conspiration tramée contre ses libertés, et il se disposa d'avance à applaudir à toutes les mesures que prendrait le gouvernement pour la faire avorter. Ce fut aux armées surtout que ces idées, grandies encore par l'éloiguement, se manifestèrent de la manière la plus énergique. Le Directoire reçut des adresses de

Nous ne rappellerons pas ici les expressions virulentes et inconstitutionnelles de ces adresses : on les trouve consignées dans tous les journaux du temps. Mais cet accord d'opinions qui les avait dictées, prouve assez qu'elles avaient été commandées par les triumvirs à Bonaparte et à Hoche, de l'opinion desquels ils étaient certains.

En vain on a cherché à nier la coopération effective du premier à la journée du 18 fructidor, en alléguant la correspondance amicale qu'il entretenait avec Carnot, dans le sein duquel il semblait épancher ses chagrins domestiques. Bonaparte avait envoyé à Paris son aide de camp Lavalette, avec la mission spéciale de l'informer de l'état des affaires; et certes, s'il eût eu la moindre confiance en Carnot, aurait-il prêté les mains à la dissolution des conseils ? N'est-il pas probable, au contraire, que, pressentant son élévation, il saisit avidement l'occasion d'écarter une partie des obstacles qu'il pouvait rencontrer? Se tenant donc derrière le rideau, il fit écraser un pouvoir par l'autre, se ménageant ainsi une excuse pour les coups que plus tard il devait porter au vainqueur. Au reste, la politique ne fut pas le seul mobile de sa conduite : il s'y joignit encore un profond ressentiment contre le corps législatif, dont un membre avait formellement improuvé sa conduite à l'égard des républiques de Venise et de Gênes. Idole de ses soldats, respecté par ses généraux, dont ses grands talents avaient désarmé la jalousie, il n'eut pas de peine à leur faire adopter les sentiments exprimés dans leurs adresses. Le choix de Bernadotte pour porter à Paris les drapeaux récemment conquis, la permission accordée à Augereau de s'y rendre vers la même époque, servent encore à fortifier cette opinion.

Quant aux motifs qui portèrent Hoche à seconder la majorité du Directoire, s'il ne fut pas guidé par son patriotisme qui avait conservé toute l'exaltation de 1793, il fut probablement entraîné par sa haine contre Pichegru. Nous avons indiqué, chapitre XXXIII, où elle prit naissance. Dès que son ri

val se déclara le champion d'une faction nombreuse | le mode de constater la démence d'un directeur ou

d'un représentant. Il était un moyen plus sûr de déjouer les triumvirs, c'était de s'occuper de la réorganisation de la garde nationale. Pichegru la proposa, mais sa motion fut ajournée, parce qu'on ne crut pas la circonstance assez grave, pour s'en occuper toute affaire cessante.

et puissante, Hoche se prononça contre elle avec véhémence, ne se doutant pas qu'une fatalité singulière placerait dans les rangs de ses adversaires, un républicain aussi chaud que lui, celui-là même qui lui avait sauvé la vie sous le règne de la terreur, et à qui il était redevable de son avancement. Forts de l'appui des troupes et des généraux qui Le Directoire, de son côté, ne négligeait aucun les commandaient, les triumvirs levèrent le mas- moyen de fortifier la haine du peuple, en lui monque. Ils ôtèrent le commandement de la dix- trant dans ses ennemis les fauteurs de la royauté. septième division militaire au général Hatry, La police étant parvenue à obtenir de Duverne de qui n'était point homme à seconder leurs projets, Presle, agent de Louis XVIII, des révélations sur pour le donner à Augereau, dont ils stimulèrent l'existence d'un complot pour le rétablissement encore l'ardeur, en le leurrant de l'espoir de le des Bourbons, les triumvirs les rendirent publiprendre pour collègue après l'expulsion des direc- ques, afin de convaincre les plus incrédules des teurs qui leur étaient opposés. N'ayant pu décider dangers de l'État. Berthier ayant envoyé, vers la Carnot, chargé de la direction des affaires mili- même époque, le portefeuille de d'Antraigues saisi taires, à diriger 10 à 12,000 hommes de l'armée à Venise, ce fut un coup de fortune, qui servit de Sambre-et-Meuse vers les côtes, d'abord, sous merveilleusement leurs desseins. Ils recueillirent prétexte de l'expédition d'Irlande, et ensuite des avec soin toutes les pièces qui constataient les retroubles de Bretagne, ils prescrivirent ce mouve-lations de Pichegru: et, quoiqu'elles remontassent ment à son insu, en traçant l'itinéraire des colon- à l'époque où il commandait l'armée du Rhin, ils nes de telle manière, qu'elles pussent arriver les rattachèrent aux circonstances du moment, et dans les environs de Paris, et y seconder l'exécu- s'en servirent utilement, pour justifier aux yeux tion de leurs desseins. de la nation la violence du coup d'état qu'ils méditaient.

L'apparition soudaine des divisions Richepanse et Lemoine à Laferté-Aleps et Soissons, causa une Quoique sur le point de frapper ses adversaires, vive sensation dans les conseils. Deux membres le Directoire usa d'artifice pour éloigner d'eux l'ide la commission des inspecteurs se présentè- dée du danger. Les mouvements de troupes, joints rent chez Carnot, alors président du Directoire, à quelques phrases sinistres, donnèrent en vain qui assura n'avoir aucune connaissance de ce l'éveil au corps législatif; il se laissa endormir par mouvement. Le ministre de la guerre ayant fait la le discours que prononça le président La Réveillère, même déclaration, les conseils éclatèrent en re- en recevant les drapeaux conquis par l'armée d'Iproches. Le Directoire se justifia d'une manière talie : « Le Directoire, disait-il, ne reconnaîtra dérisoire, en rejetant sur un commissaire des guer-» d'autorités que celles que la constitution a crées; res, l'irrégularité de l'itinéraire des troupes qu'il» et il ne les reconnaîtra, que dans la ligne qu'elle dit être destinées pour l'Ouest; et, néanmoins, après » leur a tracée. Il n'oubliera pas qu'elle doit régner quelques contre-marches, elles furent cantonnées dans les environs de Paris.

également sur tous; et que l'autorité qui se place

le respect dû à la constitution, au moment où l'on se proposait de la violer avec tant d'effronterie!

» au-dessus d'elle, a par cela seul cessé d'être léA ces actes d'hostilités réelles, le corps législa-» gitime. » Étonnante hypocrisie, de rappeler ainsi tif ne put opposer que des décrets. Il prit d'abord la résolution prudente de faire fermer les clubs jacobins, qui s'étaient rouverts sous le titre de cercles constitutionnels; mais il échoua dans les coups qu'il voulut porter successivement à Barras et à La Réveillère, en s'informant de l'âge du premier lors de son entrée au Directoire, et en discutant

Le corps légistatif touchait au bord du précipice, et n'avait encore pris aucune mesure efficace pour se défendre. La commission des inspecteurs de la salle étendait, à la vérité, ses pouvoirs à force de décrets mais, semblable à celle des

Douze avant le 31 mai, toutes ses mesures étaient | cice général dans la plaine de Mont-Rouge, couparalysées, soit par l'apathie d'un certain nombre vrit le mouvement des troupes et, dans la nuit de membres, soit par l'opposition des autres. Bien du 17 au 18, celles qui se trouvaient à Vincennes plus, les conseils n'avaient pas encore donné à et à Meudon, pénétrèrent dans la capitale, et ocleur garde, l'organisation désirable: il lui aurait cupèrent avec de l'artillerie les principales places fallu un chef dont le nom pût imposer; Kléber, et tous les ponts de la Seine. A quatre heures du Desaix et Serrurier, peu flattés d'un pareil com- matin, au signal convenu, elles se rangèrent en mandement, l'ayant refusé, il était resté au chef bataille sur le quai, face aux Tuileries; les salles de brigade Ramel, officier peu connu de l'armée. des deux conseils furent investies, ainsi que les En révolution comme en guerre, celui qui prend appartements des directeurs Carnot et Barthélemy. l'initiative est toujours le plus près du succès. Les Augereau se présente à la grille du pont tournant, conseils ne sentirent pas assez cette vérité, et per- et somme les grenadiers de la garde de l'ouvrir. dirent en délibérations un temps précieux. La sta- Les efforts de Ramel sont vains; la grille est forcée; tion d'une armée dans le cercle tracé par la con- il est arrêté, et le général pénètre dans la salle du stitution, autour du lieu des séances de l'autorité comité des inspecteurs, où Pichegru, Willot, et législative démontrait assez les sinistres projets du plusieurs autres députés, délibéraient tumultueuDirectoire. Mais l'opposition, quoiqu'en majorité, sement sur les mesures à prendre dans la conjonc se composait d'éléments trop hétérogènes on y ture. Tous furent arrêtés, malgré la plus vive révoyait des royalistes absolus et des constitution- sistance. nels avec des républicains mécontents. Son union avec la minorité directoriale qui eût centuplé sa force, n'était pas aisée, car Barthélemy paraissait vouloir rester neutre au milieu des partis, et Carnot, dont l'énergie eût pu donner une impulsion victorieuse, refusa de se mettre à la tête du mouvement, parce qu'il croyait apercevoir les royalistes derrière le rideau. Willot et quelques autres députés courageux proposèrent de mettre le Directoire hors la loi, et de faire sonner le tocsin pour marcher avec le peuple contre lui dans le cas où il voudrait opposer résistance. Pichegru ne demandait qu'une poignée d'hommes déterminés pour s'emparer du Luxembourg, et y arrêter les triumvirs. Ces divers projets furent rejetés comme indignes de la majesté des conseils on craignait de violer la constitution; et l'on se borna à décréter l'organisation de la garde nationale. L'exécution instantanée de cette mesure aurait pu remédier à tout; mais, par une fatalité inconcevable, on la renvoya au jour même qui devait éclairer le triomphe directorial. Ce jour-là aussi, Vaublanc devait faire un rapport foudroyant contre les triumvirs, et l'appuyer de preuves irrécusables, de manière à faire croire que des dispositions répressives et vigoureuses seraient enfin adoptées.

Le Directoire, averti des projets du lendemain, ne perdit pas un instant. Le prétexte d'un exer

Après cette facile expédition, Augereau se rendit dans les salles des conseils, où une grande partie des députés se trouvait déjà réunie ; il leur signifia, de la part du Directoire, l'ordre de s'assembler à l'Odéon et à l'École de médecine. Siméon, président des Cinq-Cents, refusa d'y obtempérer et prononça la dissolution de l'assemblée. Le conseil des Anciens, plus résigné, parut d'abord se rendre à l'invitation impérative du Directoire; cependant à midi, un certain nombre de députés conduits par Pastoret, se présentèrent de nouveau aux Tuileries, et sommèrent la garde de les laisser passer. Pour toute réponse, l'officier commandant le poste les chargea avec sa compagnie, et n'eut pas de peine à les disperser. Pendant qu'Augereau dirigeait l'expédition militaire, le ministre de la police Sottin, avait lancé ses agents à la recherche de tous les individus dont le Directoire voulait se débarrasser. Ces sbires pénétrèrent chez les imprimeurs, dont ils brisèrent les presses et saisirent les papiers; d'autres couvrirent les murs d'une proclamation annonçant la découverte d'une conspiration royaliste, ou de placards dévoilant à la fois les prétendus périls du Directoire, et les intrigues de Pichegru, d'Imbert-Colomès et con

sorts.

Les triumvirs n'étaient pas d'accord sur le sort de leurs victimes. Le ministre Sottin appuyé par

Rewbell et La Réveillère, opinait pour les faire fusiller sur-le-champ; Barras proposa la déportation, qui fut enfin décidée. Ils ne perdirent pas un instant pour revêtir de la sanction des conseils, cette inconstitutionnelle et barbare mesure. Réduits à une minorité jacobine, les Cinq-Cents adoptèrent, presque sans examen, la loi dite de salut public qui leur fut présentée : les Anciens hésitèrent quelques instants à l'approuver; mais le Directoire menaça, et elle ne tarda pas à être promulguée. Cette loi étrange, ordonnant la déportation des directeurs Carnot et Barthélemy, de 11 membres du conseil des Anciens, de 42 de celui des Cinq-Cents, et d'une foule de simples citoyens, investissait les triumvirs de pouvoirs extraordinaires, annulait les élections de 48 départements, prononçait enfin la peine de mort contre quiconque parlerait de rétablir la royauté, et contre les émigrés non rayés définitivement, qui, dans le délai de 15 jours, ne seraient pas sortis du territoire de la république, Elle autorisait en outre le Directoire à déporter les prêtres réfractaires, et à nommer à toutes les fonctions, celle de député exceptée.

Le directeur Barthélemy, Pichegru, et 16 autres proscrits, la plupart législateurs, furent les seuls que cette loi atteignit. Enfermés dans des voitures destinées au transport des plus vils malfaiteurs, traités de la manière la plus barbare, ils furent conduits à Rochefort, et peu après'embarqués pour Cayenne presque tous les autres parvinrent à s'échapper, et furent attendre, dans l'étranger, que la chute des oppresseurs mît un terme à leur exil. Ainsi, à l'aide de ténébreuses machinations, il suffit à trois directeurs, de l'assistance de quelques bataillons, pour opérer la dissolution du corps législatif, mutiler le pouvoir exécutif, se rendre maîtres des tribunaux, et anéantir, pour ainsi dire, en un clin d'œil les trois pouvoirs constitutionnels. Tous les partis comptèrent des victimes dans cette catastrophe: on entassa pêle-mêle dans les mêmes cachots, et les agents de Louis XVIII, et ceux qui les avaient poursuivis avec le plus d'acharnement. La stupeur des conseils et leur lâche condescendance aux ordres du Directoire, indignèrent tous les gens de bien. Législateurs imprévoyants, ils ne sentirent point qu'en proscrivant leurs collègues,

ils détruisaient toutes les garanties de leur inviolabilité, et substituaient l'empire de la force à celui des lois : en voyant un républicain aussi sincère que Carnot, condamné comme royaliste, chacun demeura convaincu que le salut public avait servi de voile à d'infâmes intrigues et à des vengeances personnelles.

Le triumvirat ayant atteint son but, Augereau réclama avec hauteur la dépouille d'un des directeurs proscrits, en récompense de son utile coopération. Mais Barras, qui craignit de se voir éclipsé par cet audacieux général, indiqua aux conseils Merlin et François de Neufchâteau, ministres obséquieux de la tyrannie directoriale, qui lui furent donnés pour collègues. Augereau éclata en reproches, et le Directoire étourdi de ses apostrophes, ou pénétré du danger de le laisser plus longtemps à Paris, se hâta de lui enlever le commandement de la 17a division militaire, pour l'envoyer à l'armée d'Allemagne. Hoche, appelé dans la capitale sous prétexte de prendre le portefeuille de la guerre, mais en effet pour s'aboucher avec les triumvirs au sujet du coup d'état du 18 fructidor, averti de leurs projets liberticides dans un entretien qu'il eut avec Carnot, fut humilié du rôle qu'on lui réservait : mais, forcé à certains égards envers la cotterie de la baronne de Staël, s'il n'osa s'expliquer ouvertement vis-à-vis de son bienfaiteur, du moins fit-il connaître son mécontentement à Barras, en retournant la nuit même à l'armée, sans prendre congé de lui. Sa mort, qui arriva peu de temps après, et les discours étranges que tint ce directeur sur les observations de Hoche, font penser que ce général emporta dans la tombe des secrets de la plus haute importance. D'un autre côté, Moreau, qui jusqu'alors ne s'était prononcé ni pour ni contre le Directoire, n'eut pas plutôt connaissance des événements du 18 fructidor, qu'il éleva la voix contre Pichegru son ancien ami, dont il dévoila la trame. Toute la France fut étonnée d'une révélation aussi impolitique qu'inutile, les amis de Moreau en contestè rent l'authenticité, les honnêtes gens la désapprouvèrent; et le gouvernement ne lui en tint pas compte, car il lui retira le commandement de l'armée de Rhin-et-Moselle. Ainsi, le général qui refusa de se prêter au coup d'état, comme celui qui voulait attendre les événements pour se déclarer,

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