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Les gouvernements impopulaires croient n'avoir d'autre moyen de se délivrer des terreurs qu'ils éprouvent, que de rendre la terreur générale ; telle fut la règle de conduite qu'adopta l'oligarchie vénitienne pour prévenir ou déjouer les conspirations, et se soustraire aux dangers qui menaçaient son existence. Le conseil des Dix, investi d'une autorité sans limites et sans responsabilité sur les personnes, fut institué et spécialement chargé de veiller à la sûreté de l'État ; attribution, dont il est si facile d'abuser par le vague des expressions qui les déterminent, et par l'étendue de pouvoir qu'elles concèdent. Dès lors, toute la force du gouvernement passa dans la police, et cette autorité nouvelle ne tarda pas à tourner contre la constitution

aristocratie héréditaire. De cette époque date l'établissement de cette constitution si compliquée qui, concentrant tous les pouvoirs sociaux dans une classe privilégiée, et réduisant toutes les autres à l'ilotisme politique le plus complet, dut sa conservation à des moyens d'autant plus violents, que ses principes étaient plus vicieux. Un grand conseil permanent, héréditaire, composé de la totalité des patriciens obligés de résider dans la capitale, fut investi du pouvoir législatif et du droit de nommer aux magistratures ou aux principaux emplois civils et militaires, auxquels les membres de ce corps souverain devinrent seuls admissibles. L'autorité du gouvernement fut confiée à un sénat nommé chaque année par le grand conseil, et chargé de la préparation des lois, des délibérations sur les af-même, par des altérations progressives, la force faires politiques, de l'administration des finances et de la police intérieure. Le conseil du doge également à la nomination du grand conseil veilla à l'exécution des mesures arrêtées par le sénat.

la

qu'elle avait reçue pour la maintenir. L'ambition toujours croissante du conseil des Dix, le désir d'environner d'un mystère impénétrable ses usurpations et ses coups d'autorité, donna naissance à l'Inquisition d'État, tribunal redoutable, dont l'empire absolu dominait le doge comme le dernier citoyen; délibérant et frappant dans l'ombre, sans autre frein que ses caprices, sans autre vue que d'assurer à l'ordre existant une durée qui, suivant l'expression d'un publiciste, n'était que l a perpétuité des abus. Alors le despotisme se crut consolidé, et un autel fut érigé à la crainte. Les récompenses prodiguées à l'espionnage devinrent une ressource pour la noblesse indigente; et la délation, toujours accueillie et encouragée, s'exploitachez ce peuple commerçant comme une branche d'industrie. Cent bouches de fer, nuit et jour ouvertes aux dénonciations anonymes, servaient d'organes aux passions haineuses et vindicatives. Le redoutable décemvirat, affranchi du joug des formalités, prononçait à huis clos des arrêts de détention ou de mort, exécutés avec le même mystère par les agents de son invincible pouvoir. Do

Cette forme de gouvernement ne tarda pas à s'altérer; bien que les patriciens fussent constitutionnellement égaux, il s'établit entre eux des classifications fondées sur l'antiquité et l'illustration de quelques familles, et sur l'inégalité des fortunes. Une tendance oligarchique se faisait sentir par la concentration de tous les emplois de la république, dans un petit nombre de mains. Le sénat, envahi par les familles puissantes, dépouillait graduellement le conseil souverain de ses attributions les plus importantes; et, dans cette aristocratie déchue, grand nombre de patriciens, croupissant dans l'indigence, ou vivant d'aumônes publiques, d'espionnage ou d'escroqueries, n'avaient retenu de leurs droits constitutionnels, que le honteux privilége de trafiquer de leurs suffrages pour les emplois dont le sénat leur abandonnait la nomination. De cet état de choses naquit parmi la noblesse ce mécontentement si dangereux, selon Montesquieu, dans une aristocratie où l'ambitioncile aux leçons du despote qui abattait dans son d'un seul devient celle d'une famille, et l'ambition d'une famille celle de plusieurs. Cette disposition des esprits était d'autant plus redoutable à Venise, qu'elle pouvait s'appuyer sur le ressentiment d'un peuple exhérédé de ses droits politiques, et pour qui le livre d'or ne s'ouvrait jamais ni aux talents ni aux services.

jardin les plantes les plus élevées, ce comité de salat public poursuivait de ses soupçons tout ce qui sortait de la sphère commune; aussi n'était-il pas rare de voir un citoyen, dont les services ou les libéralités commandaient l'admiration de la foule, expier sous les plombs ou dans les flots de l'Adriatique, ses talents et sa popularité.

Cette esquisse de la constitution vénitienne suffira pour faire sentir que si elle avait procuré à la république une supériorité momentanée sur de faibles voisins, à l'époque de la chute de l'empire grec et des guerres civiles d'Italie, le cas était bien différent aujourd'hui. Il est clair, en effet, mais sur qu'un système fondé non sur l'amour, la crainte, non sur l'esprit national, mais sur la corruption et la division des sujets, devait enlever au gouvernement tout moyen de résister à un adversaire qui mettait en jeu les puissants intérêts de la multitude.

D'autres circonstances concoururent à faire déchoir la république de la splendeur qu'elle avait dû à sa position et à sa supériorité maritimes; la découverte du nouveau monde, celle du cap de Bonne-Espérance, avaient fait passer à d'autres peuples le sceptre du commerce et la factorerie. universelle, sources de sa prospérité. L'Autriche, accrue d'une partie de l'Italie, avait enveloppé de ses bras de géant le territoire de Venise, et lui donnait à craindre pour son indépendance. Ce n'é

Du reste, l'inquisition d'État atteignit pleine- | lieu social que la force; et comme il n'y avait ment le but de son institution, le maintien de la point de patrie commune, il n'y avait point de citranquillité publique. La profonde politique et l'es-toyens. prit de persévérance qu'on observe dans la conduite de ce tribunal, où n'entraient que des hommes consommés dans les affaires et fortement imbus des maximes sur lesquelles s'appuyait le système oligarchique, donnèrent à ce système une durée que les établissements politiques obtiennent rarement; et on remarquera au nombre des moyens qu'il mit en jeu, la défense rigourense de parler sur des matières de gouvernement. D'ailleurs, une administration prévoyante entretenait l'abondance : la splendeur des fêtes publiques, en vivifiant le luxe et l'industrie, attirait sans cesse l'attention de la multitude et la détournait de soins plus importants; la licence des mœurs la plus effrénée, tenait lieu de liberté; le peuple vénitien, sans ressort comme sans énergie, s'endormait dans la nullité, et l'histoire n'offre peut-être rien de comparable à la tranquillité dont jouit Venise pendant cinq siècles, à l'abri des factions et des dissensions intestines. Si, détournant nos regards de la capitale, nous les portons sur les provinces de terre ferme, nous verrons qu'elles étaient loin de se ressentir de la douceur qui présidait à son administration. C'était plus cette république florissante dont l'éclat taient autant de proconsulats où s'enrichissaient par des exactions continuelles les patricieus que le sénat envoyait pour les gouverner. Des troupes étrangères, à la solde de la république, y maintenaient l'obéissance du reste rien ne s'opposait aux rapines des provéditeurs. Ennemi des droits municipaux et des priviléges des villes, le sénat n'avait laissé à celles de terre ferme, que l'ombre de ces institutions protectrices. La noblesse même avait été dépouillée de ses prérogatives, et le niveau de la servitude égalisait tous les rangs. La classe des no-toire politique. Depuis cette époque, le gouvernebles de province pouvant devenir redoutable si elle restait unie, le gouvernement, pour l'empêcher de sortir de sa nullité, suivit à son égard la maxime constante d'entretenir des divisions perpétuelles parmi les familles, et de détruire peu à peu les plus puissantes. Gouvernés plus ou moins par la terreur, suivant leur caractère et leur position géo-sa politique dans une imperturbable neutralité, graphique, les sujets de Venise, Italiens, Esclavons, Grecs, Dalmates, exclus de toute participation au gouvernement, n'étaient unis par d'autre

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fixait les regards de l'Europe, alors que la ligue de Cambrai unissait contre elle plusieurs États puissants, dont la jalousie était un hommage rendu à sa force; Venise, à l'époque de la révolution française, se voyait négligée de toute l'Europe, et n'était connue que par l'antique réputation de son gouvernement. La paix de Passarowitz qui mit fin aux éternels différends de la république avec la Porte, et donna à son territoire des limites qui n'ont plus varié jusqu'à sa destruction, termina son his

ment borna tous ses soins à demeurer spectateur impassible des événements, et à éviter tout ce qui aurait pu donner de l'ombrage à ses voisins. Confiant sa sûreté à la jalousie réciproque des grandes puissances et à ces maximes de droit public, toujours invoquées par les États faibles, le sénat plaça

que l'on aurait pu prendre pour un amour exclusif de la paix, si les fréquentes épreuves qui exercèrent sa patience sans jamais la lasser, n'eussent démontré

que ce système était dû uniquement à la faiblesse | cordes civiles et à une coalition formidable, paraiset à la timidité. sait devoir bientôt succomber. Non content de livrer passage sur son territoire aux troupes autrichiennes, le sénat autorisa ses sujets, le 6 octobre 1792, à fournir des armes et des vivres aux AustroSardes, et accorda secrètement au roi de Sardaigne un subside de 500,000 ducats. Il refusa de reconnaître la république française et de recevoir son envoyé. Cependant, après diverses alternatives de fortune, la victoire s'étant déclarée pour la France,

Cette inertie du sénat paraît dans tout son jour, Jorsqu'en examinant ses forces militaires, l'on trouve qu'il s'était mis hors d'état de faire respecter cette neutralité qu'il affectait de proclamer en toute occasion. Les Vénitiens, étrangers aux découvertes utiles et aux progrès des idées, étaient restés en arrière de la civilisation européenne; l'art même des constructions navales, dans lequel ils avaient été les maîtres des nations modernes, lan-il songea alors à s'en rapprocher, et consentit, siguissait stationnaire à Venise. Les fortifications non à reconnaître d'abord la république, du moins abandonnées tombaient en ruines; quant à l'armée à établir avec elle quelques relations. Plus tard, de terre, elle se composait de 12 à 13,000 hom- Venise envoya un ambassadeur à Paris, et poussa, mes d'infanterie, dont moitié environ d'Esclavons, comme on l'a déjà dit, la condescendance jusle reste se formait d'Italiens et d'aventuriers de qu'à accorder au Directoire l'éloignement de toutes les nations. Le gouvernement n'entretenait Louis XVIII. aucune cavalerie, mais passait des contrats avec les nobles de terre ferme qui s'engageaient, en cas de besoin, à lever et monter à leurs frais des compagnies dont ils avaient le commandement. Le service de terre était dédaigné des patriciens; aussi ne vit-on guère à la tête des armées de la république que des généraux étrangers, congédiés aussitôt après la paix.

Tandis que le sénat vénitien mettait dans ses relations diplomatiques une irrésolution marquée au sceau de la faiblesse, sa police au dedans redoublait d'activité pour comprimer l'influence des idées nouvelles; et tout en protestant de sa neutralité, l'inquisition d'État déployait ses rigueurs contre ceux qu'elle présumait être partisans de la France. Il y avait tout à craindre du mécontenteTelle était la situation de Venise quand la révo- ment des provinces de terre ferme contre un syslution française éclata. Le bruit de la chute du plus tème également oppressif pour les différentes antique trône de l'Europe fut à peine entendu dans classes. Les provinces de Bergame et de Brescia, cette ville, et ne put tirer le gouvernement de son plus rapprochées du volcan révolutionnaire, deassoupissement léthargique. Ce grand événement vaient surtout offrir un point d'appui favorable en fut mal compris, ses conséquences légèrement aux entreprises des novateurs le caractère rejugées, et l'orgueil aristocratique se plut à considé-muant et inquiet de leurs habitants, qui s'était rer l'élan passionné de tout un peuple vers la li- | signalé dans maintes occurrences par de fréquentes berté, comme l'effet d'un délire passager dont l'excès devait précipiter la fin. Cependant, tout présageait une crise prochaine, et les circonstances qui préparaient l'explosion, semblaient devoir imprimer aux opérations politiques et militaires, un caractère de violence menaçant pour les droits des neutres. Le sénat n'en proclama pas moins son attachement à ses anciennes maximes, et tour Dès le mois de juillet 1795, lorsque l'armée à tour dominé par la crainte de l'Autriche et par française était dans la rivière de Gènes, un Brescian l'horreur des principes que la France cherchait à se présenta à Villars, envoyé de la république, et propager, il remit sa destinée au hasard des événe-au représentant Beffroy, auxquels il fit part du ments. Il était aisé de voir pourtant que ce dernier complot formé contre le gouvernement vénitien. sentiment dominait dans les conseils, et se forti-Sur l'invitation de ce dernier, il se rendit à Paris fiait par le danger où la France, en butte aux dis- auprès du comité de salut public, auquel il soumit

insurrections, était pour le gouvernement un sujet perpétuel d'inquiétude. Il s'y forma des associations secrètes qui, ralliant par des affiliations tous les sectateurs des principes démocratiques, conçurent pour l'affranchissement de leur patrie, des plans dont le succès pouvait seul justifier la hardiesse.

TOME III.

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ses plans. Il annonçait, comme prête à éclater à Brescia, une insurrection dont tous les moyens étaient combinés par les familles Lecchi et Gambarra qui devaient diriger ce mouvement. Pour l'appuyer, la France était priée de faire marcher en Italie une armée, sous la protection de laquelle on formerait une république nouvelle des villes affranchies de la Lombardie et de l'État vénitien. Quoique ce plan n'eût rien de bien engageant dans la situation des choses, il était trop conforme au système de la propagande révolutionnaire, pour n'être pas accueilli; et comme il présentait aux meneurs des facilités imprévues pour une invasion en Italie, il contribua sans doute à suggérer l'idée de porter une armée par la Lombardie et les provinces de terre ferme jusque dans les États héréditaires de l'Empereur.

L'invasion exécutée comme on sait dans la campagne de 1796, amena en effet les Français à occuper presque tous les États de Venise. Incapable de défendre seul son territoire, le sénat, à l'aide des Autrichiens, cût été plus d'une fois à même de l'affranchir, et de faire pencher la balance du côté où il n'avait du moins rien à craindre pour ses institutions. Aux époques de Castiglione et d'Arcole, il eût suffi d'un armement pareil à celui qu'il effectua trop tard, pour décider la tournure de la guerre; mais, tremblant et incertain, il repoussa au moment favorable les projets de l'inquisiteur d'État Pesaro, le seul qui déploya du caractère dans ces événements. Quand le péril devint plus imminent par les revers multipliés des Impériaux, il recourut à des armements qui ne pouvaient plus le sauver, et ne sut s'allier franchement ni à la France qui l'en sollicitait, ni à l'Autriche qui y comptait pour rétablir ses affaires. Cet état de choses favorisait les vues des novateurs dont les succès dépendaient actuellement de ceux des armées républicaines.

De son côté, Bonaparte voyant l'obstination du sénat à repousser l'alliance de la France, avait jugé d'un coup d'œil tout le parti qu'il pouvait

(1) Nous adoptons ici la version d'un homme digne de foi; cependant, Bonaparte proposa plus tard au Directoire de punir. Landrieux comme un fripon, qui avait eu des intelligences avec les autorités vénitiennes en même

tirer d'une révolution dans les États de terre ferme. A la veille de s'engager dans les Alpes Noriques et les défilés de la Carinthie, de se placer, en un mot entre les armées autrichiennes et la république de Venise, il lui importait de se tenir en garde contre ce gouvernement, dont la conduite ne décelait que trop la partialité envers l'Autriche, et qui pouvait, en se déclarant contre lui, mettre son armée dans une position périlleuse, inquiéter ses derrières, et lui fermer, en cas de revers, les chemins de l'Italie. Instruit que les podestats Ottolini à Bergame, et Mocenigo à Brescia, faisaient tous leurs efforts pour organiser des milices, et bien convaincu que cet armement clandestin des campagues n'avait d'autre objet que d'opérer un soulèvement contre les Français, le général en chef pensa que ce serait peu pour lui d'être maître des châteaux de Bergame et de Brescia, d'avoir des garnisons à Peschiera, à Vérone, à Legnago; il crut devoir chercher dans le mécontentement d'une partie de la population, les moyens de paralyser les démarches hostiles du sénat. L'adjudant général Landrieux, chef de l'état-major de la cavalerie, en qui il reconnut un esprit d'intrigue et de ruse propre à seconder ses vues, fut secrètement chargé de correspondre avec les sociétés patriotiques dont nous avons parlé plus haut, et de leur imprimer l'ensemble et la direction convenables, tandis que, pour conserver les dehors de la neutralité, il recommanda à Kilmaine ainsi qu'à tous les autres officiers généraux stationnés en Lombardie et dans les États de terre ferme, de

ne donner ni conseil ni secours aux mécontents (1).

Cependant, sous la protection et l'influence des troupes françaises, toutes les villes du Milanais. avaient proclamé la liberté et créé des gouvernements municipaux; les éléments d'une république lombarde se formaient, le foyer insurrectionnel rapproché des États de Venise y lançait des étincelles, qui, tombant sur un terrain déjà préparé, devaient produire une explosion; les moyens en

temps qu'il révolutionnait Brescia; ce qui, sans détruire entièrement l'assertion, la rend du moins douteuse. Il est possible aussi qu'on ait voulu rejeter sur cet officier le blâme du double rôle qu'on lui fit jouer,

étaient combinés d'avance, et le passage du Ta- | à maintenir la tranquillité au milieu de ces scènes gliamento par l'armée française en fut le signal. de désordre.

Le 12 mars 1797, l'insurrection se déclara à Bergame, mais contre l'intention de Bonaparte elle eut lieu sous l'influence directe du commandant français. Une pétition exprimant le vœu de la population pour la liberté et la réunion de la province à la république cisalpine, fut colportée chez les habitants, et reçut un grand nombre de signatures. La souveraineté du peuple Bergamasc fut proclamée, et l'élection d'une municipalité provisoire se fit dans le plus grand ordre. Le lendemain, deux membres de ce corps vinrent intimer au podestat l'ordre de quitter la ville, et le 14, le gouvernement nouveau transmit, à la république de Milan, le vœu du peuple souverain de Bergame pour la réunion indiquée par la pétition

du 12.

L'arrivée d'un corps de troupes françaises à Crêma, y fut, le 28 mars, le signal d'un pareil mouvement. Le podestat ayant donné accès dans la place à un détachement de cavalerie républicaine, celui-ci se saisit d'une porte, et introduit une colonne d'infanterie, suivie d'un certain nombre de patriotes italiens. Bientôt les autorités sont congé. diées, une municipalité établie, la garde nationaleorganisée; et le peuple, appelé à une liberté qu'il ne connaît pas, s'y laisse conduire avec plus de résignation que d'enthousiasme.

Cependant, le sénat de Venise, arraché à son inertie par l'imminence du péril, n'abandonna point les errements de sa vicille politique. Il se rapprocha du ministre de France, écrivit au Directoire, et députa à Bonaparte le procurateur Pesaro et un autre patricien, pour savoir s'il pouvait compter sur l'assistance et la protection de la république dans la réduction des rebelles. Le résident de Venise à Milan, informé que les insurgés avaient choisi l'adjudant général Landrieux pour leur général en chef, le complimenta même sur cette nomination : persuadé, disait-il, qu'il serait plus capable qu'un autre de s'entendre avec le sénat vénitien pour calmer ces troubles; supposant que cet officier préférerait le rôle de médiateur entre la république et les mécontents, à celui de général d'une troupe de factieux qui usurpaient le gouvernement.

Un mouvement semblable éclata à Brescia quel ques jours après, mais les Français y demeurèrent étrangers, du moins en apparence. Une centaine de sapeurs de la légion lombarde, eurent l'ordre de se rendre de Milan à Peschiera en passant par Brescia qui est l'étape ordinaire. Le provéditeur Battaja, prévenu par ses espions que le peuple Bergamasc allait l'attaquer, envoya à la rencontre de ces sapeurs un détachement de 100 cavaliers vénitiens qui, les prenant pour l'avant-garde insurgée, les assaillirent. Les Lombards attaqués se défendirent bravement, prirent 50 chevaux aux Vénitiens, et ramenèrent le reste en désordre jusqu'à Brescia. Les mécontents, profitant de cet instant et de l'apparition des Bergamasques qui arrivaient sur l'autre route, levèrent alors le masque, et s'étant rassemblés à quelque distance de la ville, signifièrent au provéditeur qu'il eût à leur en faire ouvrir les portes, annonçant qu'ils étaient l'avantgarde d'une armée de Bergamasques, de Cisalpins et de Français, et que la moindre résistance attirerait sur Brescia la plus terrible vengeance. Ce magistrat, intimidé, obéit; et les insurgés, vainqueurs sans avoir combattu, désarmèrent sans ré-gées dans les gorges peu fertiles de la Carniole. sistance un corps de 500 Esclavons qui tenait garnison dans la ville, proclamèrent la liberté et établirent un gouvernement municipal. Ces événements se passaient en présence des troupes françaises qui n'y prirent aucune part, et se bornèrent

Ces démarches tardives n'eurent pas le succès qu'on s'en promettait le Directoire donna une réponse évasive, en prétextant qu'il attendait les rapports et l'avis de Bonaparte. Celui-ci, feignant la surprise, déclara qu'il n'osait rien promettre sans avoir reçu les ordres de Paris; et loin de satisfaire aux demandes de dégrèvement que lui fit la députation en faveur des provinces de terre ferme, foulées par dix mois de réquisitions et de pillage, il demanda au sénat un million par mois pour subvenir à l'approvisionnement de ses troupes, enga

Lallement, de son côté, peu préparé à la brusque ouverture des Vénitiens, insinua à tout hasard que le moyen le plus sûr de resserrer les liens prêts à se rompre entre les deux États, et de mettre fin aux insurrections de terre ferme, était d'opérer

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