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l'emportait en outre de beaucoup sur l'armée autrichienne, par sa composition; car elle opposait l'élite des troupes françaises à des soldats de nouvelle levée, ou démoralisés par leurs fréquentes défaites. Les divisions venant du siége de Kehl faisaient seules exception: elles étaient l'espoir de l'archiduc, et, malheureusement pour lui, elles arrivèrent trop tard. Au reste, cette différence se trouvait en quelque sorte compensée par les avantages que le Tyrol et les dispositions de la république de Venise, offraient aux Autrichiens pour une guerre défensive.

Toute l'audace et la vigueur de Bonaparte étaient nécessaires pour l'exécution du plan de campagne. Avant d'arriver au cœur de l'Autriche, l'armée française avait à franchir les longs défilés des Alpes Noriques et Juliennes, en laissant sur sa gauche le Tyrol, dont les habitants belliqueux, mena- | çaient de couper ses communications par la vallée de l'Adige, d'où les Impériaux avaient déjà débou- | ché deux fois pendant la dernière campagne; et sur sa droite, la Hongrie, la Croatie et les places vénitiennes, dans lesquelles sa faiblesse ne lui permettait pas de laisser des garnisons. Les conséquences les plus graves dérivaient du moindre échec, dans ces contrées où les communications, déjà si difficiles, devaient rester à la merci des Vénitiens ou des Tyroliens.

Ce fut néanmoins dans ces conjonctures que l'armée française se mit en mouvement, le 10 mars, pour attaquer les Impériaux. Quelques combats préliminaires avaient eu lieu, tant à la droite sur la Piave, qu'à la gauche dans le Tyrol sur la ligne du Lavis: partout les avant-postes ennemis avaient été repoussés.

Mais, pour apprécier l'importance de cette campagne, il est nécessaire de faire connaître sommairement le théâtre sur lequel les armées françaises allaient opérer pour la première fois. Il s'agissait, pour aller dicter la paix à l'Autriche jusque dans Vienne, de franchir la chaîne des Alpes qui, partant du Saint-Gothard, se dirige d'abord à l'est, puis se divise aux sources de la Drave en deux branches: l'une court au nord-est vers Rottenman, et longe la vallée du Danube; l'autre tourne au sud-est, et sépare les versants des eaux de l'Adriatique de ceux de la mer Noire. (Voyez la carte en 4 feuilles.)

Les affluents du Danube par lesquels on pouvait déboucher dans le bassin de ce fleuve, sont l'Inn et la Drave. Cette dernière rivière est remarquable en ce que, prenant sa source presque aux mêmes lieux que l'Adige, et coulant parallèlement à la chaîne prineipale, elle est traversée par toutes les communications de l'Autriche avec le Frioul et une partie du Tyrol.

Les deux points principaux par lesquels on peut déboucher dans le bassin de la Drave, sont 1° lë col de Tolbach, en remontant l'Adige jusqu'à Brixen, puis entrant à l'est dans le Pusiherthal; 2° le point de partage des Alpes Noriques et des Alpes Juliennes, auquel ont peut arrivér également par la Fella, l'une des sources du Tagliamento, et par la Corintiza, l'une de ce lles de l'Isonzo. Lë nœud commun des deux routes est Tarvis, sur le Gailitz, affluent de la Drave.

L'Autriche était depuis longtemps dans une grande sécurité sur cette partie de ses frontières ? elle avait regardé le Mincio comme une barrière redoutable, et ne supposait pas qu'un ennemi victorieux s'aventurât au delà de l'Adige, sans être maître du Tyrol, dont la conquête offrait plus d'un obstacle. La ligne de la Piave était peu importante, parce que les débouchés par les sources de cette rivière sur la Drave, sont peu praticables. Il n'en était pas de même du Tagliamento et de l'Isonzo, dont la direction barrait à la fois la route du Frioul, et conduisait par les inflexions de son cours sur la ligne d'opérations des Autrichiens. Villach, comme noeud de toutes les communications, devait être le point stratégique des deux partis. (Voyez pl. XXVII.)

Le Tagliamento ne présentait pas une ligne de défense avantageuse, mais pour se porter ensuite sur Villach, il fallait remonter le ravin étroit de la Fella, et passer le col de Malborghetto. Le principal obstacle sur cette route était un fortin appelé la Chiusa Veneta, qui fermait la vallée sur toute sa largeur, moins le lit du torrent. Il consistait en une maison à deux étages, solidement construite, et sous laquelle passait la route. Les pentes des montagnes qu'il fallait gravir pour le tourner', étaient difficilement accessibles.

La ligne de l'Isonzo couvrant le Frioul autrichien, et communiquant en arrière avec la Drave

par la route de Laybach, n'était pas d'une moindre importance quoique Udine et Palma-Nova n'eussent pas été mis en état de défense, elle présentait un barrière formidable, parce qu'on ne pouvait déboucher sur la rive gauche de l'Isonzo qu'entre Gorizia et Monfalcone: en effet, une chaîne de montagnes impraticables borde cette rivière depuis le point de partage des eaux jusqu'auprès de la première de ces villes, et depuis la seconde, l'Isonzo se perd dans les lagunes du golfe de Trieste. Mais cette ligne était tournée aussitôt qu'on avait pénétré à Tarvis, soit par la Fella, comme nous avons dit, soit par la Corintiza; ce qui était possible, parce que la route de Tarvis remonte la rive droite de l'Isonzo jusqu'à Canale, et que l'on peut y faire déboucher des corps légers entre cette ville et Caporetto. L'entrée de la gorge de la Fella était défendue par la Chiusa-di-Pleti, espèce de fort en maçonnerie, adossé à des rochers escarpés et séparés de la route par un ravin où se précipite ce torrent. Il n'existait entre Gorizia et Monfalcone que le poste de Gradisca servant de tête de pont de quelque résistance.

promis par ces mouvements, leva son camp de Campana.

Le 13 mars, la division Guyeux, marchant sur Sacile, atteignit l'arrière-garde autrichienne à deux lieues de cette ville, et lui fit quelques prisonniers dans un engagement où le général Dugua fut blessé : Hohenzollern, ainsi pressé, se hâta de se replier, par Pordenone et Valvasone, sur le Tagliamento : Masséna, en remontant la Piave dans la direction de Cadore, atteignit à Longaro l'arrière-garde de Lusignan, qui opérait sa retraite de ce côté; bientôt devancée par les troupes légères des Français, elle est contrainte de se former en carré pour se faire jour; mais après plusieurs tentatives inutiles, elle mit bas les armes au nombre de 500 hommes, parmi lesquels se trouvait le général Lusignan luimême.

Le 14, Masséna se rabattit sur Spilimbergo pour marcher ensuite par Gémona, dans l'intention de tomber sur la droite de l'armée impériale et de la refouler dans la plaine; Serrurier campa à PortoBuffole; Guyeux occupa Pordenone. Le lendemain, la division Serrurier arriva à Belvedere.

L'effet naturel de ces mouvements fut d'obliger

bles dans le Frioul; déjà même il n'avait plus que la cavalerie légère au delà de ce fleuve, et tout portait à croire que les deux armées ne tarderaient pas à se mesurer; mais l'archiduc, dont la brillante renommée ne pouvait détruire l'ascendant que le vainqueur avait pris sur ses troupes démoralisées, craignit d'engager une affaire sérieuse avant l'arrivée des renforts qu'il attendait de l'armée du Rhin, et renonça à défendre le passage du Tagliamento; il voulut seulement profiter de quelques retranchements élevés à la hâte sur la rive gauche pour retarder un peu la marche des Français.

On voit par là que les positions défensives de l'archiduc entre les montagnes et la mer Adriati-le prince Charles à réunir, sur la rive gauche du que, n'étaient plus tenables, dès qu'on menaçait | Tagliamento, la majeure partie des forces disponi leur droite, où se trouvaient en même temps le point stratégique décisif, et la communication directe avec Vienne. La division Masséna formant la gauche du corps de bataille destiné à marcher sur le Frioul, fut donc chargée de culbuter le petit corps de Lusignan, et de gagner les montagnes pour tourner le flanc droit des Impériaux, pendant | que les trois autres divisions attaqueraient leur ligne de front. Pour assurer le succès de cette manœuvre, le général Baraguey-d'Hilliers, commandant la droite de Joubert dans les gorges de la Brenta, reçut l'ordre d'agir de concert avec Masséna, et de se conformer à ses instructions. Ce | dernier se dirigea, le 11 mars, sur Feltre, et le 12 sur Bellune. La division Serrurier s'établit à Assolo, et passa la Piave vis-à-vis de San-Vito, en face d'un détachement ennemi, qu'elle poursuivit jusqu'à San-Salvator. De son côté, Guyeux effectua le pas sage de cette rivière sans difficulté près d'Ospedaletto, et alla prendre position à Conegliano. Le comte de Hohenzollern, dont le corps était com

Le 16 mars, Bonaparte, ne se doutant pas de cette résolution, s'avança avec les divisions Guyeux, Bernadotte et Serrurier, par Valvasone, sur les bords du Tagliamento. Les longues gelées en avaient tellement diminué les eaux, qu'il était guéable partout; néanmoins, l'arrière-garde impériale, barricadée dans quelques villages de la rive opposće, faisait mine d'en vouloir défendre le passage: elle

occupait Torrida, Rivis, Gradisca, Pozzo, Gorizia et Codroipo; la cavalerie s'étendait sur deux lignes dans la plaine, entre ce dernier village et Camino. Bonaparte, après avoir reconnu la position, donna ordre à Guyeux de se porter sur la gauche, entre Torrida et Rivis, et à Bernadotte, de descendre jusqu'en face de Codroipo. Une batterie de 12 pièces de canon fut établie sur chacun de ces points pour protéger leur mouvement. La division Serrurier, qui débouchait de Valvasone, força de marche pour servir de réserve aux deux premières : elle était précédée de la cavalerie, qui alla se ranger en bataille derrière la droite. Aussitôt que les généraux Guyeux et Bernadotte furent arrivés aux points de passage indiqués, ils disposèrent leurs divisions en colonnes; chaque demi-brigade ayant ses 1er et 3° bataillons ployés en colonne serrée sur les ailes du 2o : l'avant-garde de chacune d'elles était formée par une demi-brigade d'infanterie légère déployée, soutenue de deux bataillons de grenadiers serrés en masse sur ses ailes, derrière lesquels s'avançait un régiment de cavalerie. Bientôt l'artillerie entra en action, et une nuée de tirailleurs couvrit le lit de ce large torrent. (Voyez pl. XXVII.)

Cependant le général Duphot, à la tête de la 27° légère, se jette dans la rivière sous le feu de l'ennemi, et aborde de l'autre côté : il est soutenu par le général Bon, qui commande les grenadiers de la division Guyeux. Une attaque semblable, dirigée sur la droite par Murat, avec la 21o légère, est secondée par les grenadiers de la division Bernadotte conduits par Chabran. Toute la ligne, par un mouvement successif, présente des masses qui se flanquent réciproquement. A la régularité, à l'ensemble et à la précision des manœuvres, on eût dit que c'était un exercice de parade. Jamais armée ne marcha à l'ennemi dans une attitude plus majestueuse, ni plus fière. La cavalerie autrichienne essaya plusieurs charges au moment où l'infanterie française sortait de l'eau; mais elles furent chaudement accueillies. Le général Schulz, qui la commandait, voyant l'impossibilité d'entamer les républicains dans cet instant favorable, chercha à déborder le flanc droit de la division Bernadotte; mais Dagua et Kellermann, passant la rivière avec la cavalerie de réserve, volèrent à

TOME III.

sa rencontre, soutenus d'une colonne d'infanterie conduite par Mireur, culbutèrent les escadrons autrichiens et prirent leur général.

Dès lors la retraite des Impériaux fut précipitée: leur infanterie, qui avait successivement évacué les postes de Torrida et Rivis, n'en tint que plus fortement le village de Gradisca pour la couvrir (1). Guyeux l'attaqua malgré l'obscurité, s'en empara, et poursuivit l'ennemi sur la route de Palma-Nova, à trois ou quatre milles du champ de bataille, sur lequel les trois divisions bivouaquèrent. Les Autrichiens perdirent, dans cette journée, 6 pièces de canon et 500 hommes : ils opérèrent leur retraite, en toute diligence, à la faveur de la nuit, ne voulant point engager d'affaire le lendemain.

Cependant Bonaparte ne se reposa point sur ces premiers succès : la gloire acquise par son adversaire en Allemagne, lui faisant redouter quelque retour de fortune, il prescrivit à ses avant-gardes de redoubler de surveillance dans le service; et suppléa, par de sages instructions, à ce qu'il manquait à des règlements tombés en désuétude.

Ainsi, dès l'ouverture de la campagne et malgré l'âpreté de la saison, l'armée française allait pénétrer dans la Carinthie presque sans combat. Le prince Charles, prévenu partout, était hors d'état d'arrêter la marche victorieuse de son adversaire : poursuivi pied à pied dans sa marche rétrograde, il vit arriver, le 18, sur le Torre, les divisions Bernadotte et Guyeux, qui s'étaient emparées, sans coup férir, de Palma-Nova, où il avait eu l'intention de s'établir et où il abandonna quelques magasins.

Le général français, heureux de trouver dans cette place un point d'appui pour ses dépôts, ordonna au général Chasseloup de la faire mettre en état de défense, sans perdre une minute; et à l'administration, de l'approvisionner pour un mois. Le plus difficile étant d'en armer les remparts, il prescrivit au général Lespinasse d'y employer quelques pièces prises aux Autrichiens, et toutes celles de fer qu'on trouverait à Udine ou sur les côtes de l'Adriatique.

A cette époque, le général Masséna était établi

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à Osopo et Gemona, au débouché des gorges du ports de la chaîne des Alpes Carniques avec le Tagliamento, dans lesquelles il poussa ses avant-point de Tarvis, dont Masséna allait s'emparer, et postes. La marche de sa division, que nous avons avec ceux de Czerniza ou de Heidenschalt, vers lesvu tenir constamment les débouchés des monta- quels Bonaparte se dirigeait, saisira au premier gnes, indique assez que le projet de Bonaparte était coup d'œil le but de ses manœuvres et la poside gagner toujours la droite de l'archiduc: en tion difficile où l'archiduc devait se trouver. effet, l'occupation des deux postes qu'on vient de nommer, donnait entrée à Masséna dans la vallée de la Fella, d'où il pouvait arriver en trois ou quatre marches sur Villach.

Ce prince s'était flatté que l'Isonzo opposerait une barrière d'autant plus sûre à la marche rapide des Français, que le passage de cette rivière ne peut être tenté par une armée qu'entre Gorizia et Décidé à suivre son adversaire au delà des Alpes, Monfalcone. Dans la saison des hautes eaux, ce le général français chargea son chef d'état-major torrent est rapide, large et profond; mais des ged'adresser à Joubert des instructions qui embras-lées consécutives avaient tellement appauvri son seraient les différentes hypothèses susceptibles lit, qu'il était guéable partout. La ville de Grad'être amenées par le sort de la guerre. Cette disca, située sur la rive droite, avait été couverte précaution ne remplit pas entièrement son but d'ouvrages de campagne pour servir d'appui à l'aile Berthier se contenta de recommander à son col-gauche des Autrichiens dans le cas où ils eussent lègue de s'emparer de Brixen, et de rejeter l'ennemi au delà du Brenner, afin d'entrer ensuite en communication avec le corps de bataille de l'armée d'Italie, au moyen des éclaireurs qu'on pousserait de part et d'autre dans la vallée de la Drave. Il lui | traça la conduite qu'il aurait à tenir, dans le cas où Kerpen parviendrait à le refouler sur la rive droite de l'Adige, au delà de Vérone; il lui recommandait de se baser sur Mantoue, de se placer entre cette forteresse et le Pô, pour manoeuvrer sur les communications des Impériaux et les empêcher de pénétrer en Lombardie; mais il oublia, à mon avis, l'objet principal, qui devait être d'assurer sa jonction avec le gros de l'armée par un mouvement concentrique.

Aussitôt après le passage du Torre, par les divisions Serrurier et Bernadotte, la droite de l'armée française se porta sur Gradisca. On a cru que cette direction n'était pas la plus convenable, et qu'il eût été plus conforme aux principes stratégiques de porter le gros des forces par la gauche, vers Gorizia, sur l'extrémité opposée à lamer. Peutêtre le général français, en déviant dans cette occasion de son système ordinaire, avait-il l'intention de gagner la gauche de l'archiduc pour le prévenir par Dorenberg ou Czerniza, sur la route de Laybach, afin de le rejeter dans les gorges du haut Isonzo, dont Masséna était sur le point de fermer toutes les issues. Cette supposition ne paraît pas dénuée de fondement ; et le lecteur, en examinant les rap

défendu la ligne de l'Isonzo. Bonaparte, ayant appris que cette place était occupée par quatre bataillons, résolut de leur couper la retraite. A cet effet, Bernadotte se présenta devant cette ville par la route de Palma-Nova; tandis que Serrurier se portait par celle de Monfalcone, vis-à-vis de SanPietro, afin de passer l'Isonzo au-dessus da pont de Casseliano, et d'en remonter la rive gauche pour l'investir. L'ennemi avait réuni sur ce point quelques troupes, soutenues d'artillerie, dans l'intention de défendre le passage. Le chef de brigade d'artillerie Andréossi, chargé de reconnaître un gué, ayant sondé la rivière à pied, les troupes furent disposées en colonnes serrées sur le centre, pour passer sous le feu des Autrichiens. Ceux-ci, intimidés par ces dispositions, se replièrent en toute hâte, abandonnant Gradisca à ses propres forces. Alors Serrurier se hâta d'arriver sur les hauteurs qui dominent cette place au nord et à l'est; tandis que Bernadotte, pour détourner l'attention de la garnison, ordonnait une fausse attaque contre les retranchements. Les Français, emportés par leur ardeur, s'avancèrent, la baïonnette croisée, jusque sous les murs de Gradisca, où ils furent reçus par un feu de mousqueterie et de mitraille, qui les força bientôt à se replier. Les Autrichiens s'applaudissaient de leurs avantages, quand Bernadotte mit en jeu quatre pièces de canon contre la porte de Palma-Nova, couverte d'une simple flèche. Au même moment, Serrurier parut sur

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