Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

l'époque la plus heureuse et la plus brillante des La cour de Naples s'applaudissait d'avoir traité annales russes. Tous ces raisonnements, plus spé-à temps, sans dissimuler qu'elle était prête à s'encieux que solides, n'étaient pas difficiles à réfuter gager dans de nouvelles intrigues contre la France. victorieusement; il suffisait aux amis de la paix de Une secrète inimitié rendait la paix avec elle aussi leur opposer la différence des temps et des circon- incertaine que la guerre. stances. En effet, si Catherine s'allia à Joseph II, Charles-Emmanuel, en montant sur le trône de ce fut avant le partage qui créa leur rivalité; avant Sardaigne, y avait apporté toutes les vertus et les que la France, assaillie par toute l'Europe, ne fût, faiblesses du prince de Piémont. Placé entre deux pour ainsi dire, épuisée par une guerre sanglante. abîmes, il lui eût fallu le génie d'Amédée VIII, D'ailleurs, au pis aller, la paix proposée par la pour sortir avec gloire de l'embarras où les cirrépublique à l'Autriche, ne la plaçait point au- constances l'avaient plongé. Depuis quatre mois, dessous de son état de 1792, puisqu'on lui offrait les négociations, pour jeter ce prince dans l'alliance un équivalent de ses pertes, sans compter même de la France, se traînaient avec peine : mais puisles quatre millions d'habitants qu'elle venait tout qu'il n'avait pas su se décider en temps opportun récemment d'acquérir en Galicie. Aussi, l'empereur à un parti vigoureux, ce n'était pas quand les diPaul agit-il avec prudence en déclarant formelle-visions Bernadotte et Delmas traversajent le Piément l'intention de se renfermer dans le rôle d'ob-mont pour renforcer l'armée d'Italie, qu'il fallait servateur, adopté par Catherine au commencement s'attendre à le voir prendre une grande résolution. de cette guerre. Cependant, cette résolution étonna Des gens qui osent tout, lorsqu'il s'agit du salut d'autant plus, que les ministres dont il était en- d'un État, prétendent que c'était, au contraire, le touré ne partageaient point ce système. moment de tomber avec 40,000 hommes sur ces 15,000 Français dispersés, en déclarant, au préalable, la guerre à la république, contre laquelle on ne manquait pas de griefs. Mais, si de pareilles résolutions sauvent quelquefois une puissance; celleci répugnait trop au caractère loyal de CharlesEmmanuel, pour qu'on eût osé la lui proposer, surtout après la victoire décisive de Rivoli, et aut moment de la chute de Mantoue. Tout portait donc le cabinet de Turin à se décider à l'alliance de la France; et l'attitude imposante de l'armée d'Italie le rendit plus coulant sur les conditions. Déjà un premier traité avait été signé dès le mois de février à Bologne, entre le général en chef et le comte de Balbo; mais le Directoire devenu plus exigeant, voulait aujourd'hui des auxiliaires, sans leur promettre le moindre dédommagement de leur sacrifice; et il refusa sa ratification en envoyant de nouvelles instructions au général Clarke à Turin. Celui-ci négocia enfin avec le ministre Damian de Priocca, un traité offensif et défensif, qui ne fut néanmoins signé que le 8 avril, lorsqu'il cessait d'être d'aucun intérêt.

Gustave IV, ce rejeton dégénéré du héros de Bender, croyant sans doute avoir hérité du génie de son père, en même temps que de la couronne, se hâta de proclamer son attachement aux émigrés français, dont celui-ci, dans une saillie d'humeur chevaleresque, s'était déclaré le champion. Cette démarche donnait trop de prise aux agents britanniques, pour que ce prince ne devint point un instrument de la politique anglaise; et tout présageait ainsi que l'habileté du duc de Sudermanie n'aboutirait qu'à retarder les malheurs de la Suède, sans en détourner le cours.

Le Danemark, déplorant ces vicissitudes dans les jeux de la fortune et de la politique, craignait d'être un jour victime des passions de ses voisins. La Prusse, qui n'avait point changé d'attitude, voyait d'un œil paisible s'approcher le dénoûment d'un drame dont elle s'était retirée avec tant de bonheur. Sûre d'y gagner d'amples indemnités pour les minces cessions qu'elle avait faites, elle s'appliquait à ménager tous les partis, par ces attentions dont une diplomatie adroite sait dans le temps rehausser tout le prix aux yeux des puissances intéressées.

La Porte, s'il faut en croire le ministre Charles Delacroix, sortait enfin de son sommeil léthargi

L'Italie, à l'exception de Venise, était passée que; et, cédant aux sollicitations d'Aubert-Dubayet,

tout entière sous l'influence française.

témoignait le désir d'interposer sa médiation

armée, pour décider l'Autriche à la paix. Déjà le | pour l'administration financière et intérieure des ministre des relations extérieures affirmait au gé-sept provinces. Forcés d'ailleurs de marcher dans néral Clarke que des rassemblements considérables le système de la France, soit par le sentiment de étaient ordonnés à cet effet en Bosnie; mais on a eu leur propre conservation, soit par la conviction tout lieu de croire que le divan s'en tint à des pro- de l'intérêt du pays, les directeurs de la républimesses. Toutefois, il annonça l'intention d'adopter que batave se prêtaient d'assez bonne grâce à tous un nouveau système de politique, en envoyant des les sacrifices qu'on exigeait d'eux. Séduits par le ambassadeurs extraordinaires aux puissances chré triomphe momentané de leurs doctrines, ils s'aper tiennes, et particulièrement en France: ce qui, cevaient à peine que leur commerce déclinait, jusque-là, avait été contraire aux usages de la Porte. que la marine tombait en ruine, et que l'inL'Espagne faisait tous les efforts dont un gou- dépendance de la Hollande n'était plus qu'un vain vernement caduc, et entaché de favoritisme, était mot. On les berçait de l'espoir de tout recouvrer capable, pour que l'alliance avec la république à la paix par l'intervention de la France, afin de tournât au profit des deux nations. Mais l'embarras les engager à seconder puissamment la république de ses finances, accru par la gêne que la guerre victorieuse, pour obtenir en revanche de meilavec les Anglais imposait au commerce, entrava leures conditions: et leurrés par ces illusions ils bientôt l'essor de sa bonne volonté. Déjà le désir | fermaient les yeux sur les fléaux dont ils étaient d'une fatale émancipation agitait les colonies; une conspiration, à la vérité presque aussitôt étouffée que découverte, fut à Carracas le prélude de l'insurrection qui, longtemps comprimée, éclata douze ans après.

Il ne fallait aux successeurs de Walpole qu'un point d'appui sur le vaste continent américain, pour changer la route du commerce avantageux, auquel Cadix, la Corogne et autres ports de la Péninsule étaient redevables de leur prospérité.

En attendant, Charles IV ordonna à ses escadres de se réunir dans le premier de ces ports pour aller ensuite, de concert avec la flotte de Brest, renouveler la glorieuse promenade de l'amiral d'Estaing dans la Manche. Nous verrons plus loin le funeste résultat d'une entreprise, dont tout présageait la réussite.

menacés.

Les États-Unis étaient, au contraire, à la veille de se brouiller avec le Directoire. Depuis les plaintes portées par Washington contre l'envoyé Genest, la froideur n'avait fait que s'accroître entre les deux gouvernements. Le Directoire, enorgueilli par ses victoires, accusait les Américains de ne rien faire pour se soustraire au despotisme des Anglais envers les neutres : il leur reprochait même les traités de commerce, récemment conclus avec leurs anciens oppresseurs. Washington venait de quitter la présidence, en déclarant qu'il ne l'accepterait plus; le gouvernail avait été remis à John Adams, dont les principes d'aristocratie et l'attachement à l'Angleterre donnaient de l'ombrage. Pinckney, envoyé à Paris pour succéder à Monroë, y fut mal accueilli; et peu s'en fallut qu'on n'en vînt ouvertement à des hostilités.

La Hollande, humiliée dans les Indes, entravée dans ses relations commerciales, avait vu Beurnonville mettre garnison à Amsterdam : démarche dont ces fiers républicains avaient autrefois fait un crime à leur stathouder. Le mauvais état de ses finances, le peu d'accord dans les opinions des équipages de la flotte, et même de la nation, réduisaient la république batave à un état d'inertie et de langueur déplorables. Les unitaires et les fédéralistes se disputaient encore avec aigreur sur les principes de la constitution; et, si les pre-nouveau dans la vallée du Danube. miers avaient eu le dessus en ce qui concernait

Telle était la situation politique des principales puissances de l'Europe au commencement de la campagne de 1797. Les brillants succès de Rivoli et la chute de Mantoue, prescrivaient au Directoire de diriger l'effort principal en Italie, où il eût été très-facile de porter 100,000 hommes. Les talents et le génie du général en chef garantissaient qu'avec de tels moyens il dicterait la paix à l'Autriche ; surtout, si une armée de même force pénétrait de

Le Directoire n'en jugea pas de même; la jaloul'autorité nationale, le régime fédéral prévalut sie qu'inspirait Bonaparte à trois de ses membres,

le décida à porter les plus grands coups en Alle- | possible au gouvernement de le faire seconder à la magne; et, d'un autre côté, les revers de Jourdan fin de mars, en ordonnant à 100,000 hommes n'ayant pas dessillé les yeux de Carnot, en lui mon- de passer le Rhin, et de déboucher en Allemagne. trant le danger d'y agir à la fois sur deux lignes, tout concourut à donner une mauvaise direction aux opérations. En effet, Hoche, à peine revenu de sa course malheureuse sur les côtes d'Irlande, reçut l'ordre de diriger l'élite de ses forces sur l'armée de Sambre-et-Meuse, et d'en prendre le commandées par le premier, de s'avancer sur le Necker,

:

dement l'autre partie des troupes de l'expédition rejoignit en toute hâte l'armée de Rhin-et-Moselle. Ainsi, près de 140,000 combattants s'apprêtèrent à fondre sur la Franconie et la Souabe, tandis que Bonaparte, renforcé par les seules divisions Bernadotte et Delmas, s'avancerait par la Carinthie au cœur des États héréditaires, avec 60,000 hommes, contre l'élite et le gros des forces impériales, conduites par le vainqueur de Wurtzbourg et de Kehl. A ce vice radical du plan des républicains, il faut ajouter qu'on retarda d'un mois entier le passage du Rhin. Les versions ne sont point d'accord sur la cause de l'intervalle étonnant qui exisía entre l'ouverture de la campagne sur ces deux théâtres. Ce défaut d'ensemble, si préjudiciable en 1796, | était bien plus blâmable dans cette occasion, où l'armée, déjà aux portes de la Carinthie, semblait devoir attendre, sinon l'arrivée des deux armées d'Allemagne sur le Danube et la Lech, du moins leur entrée en action au delà du Rhin. Les uns ont attribué au Directoire ce manque de concert dans les opérations ; d'autres l'ont rejeté sur la précipitation de Bonaparte, qui voulut avoir la gloire de conquérir seul la paix, en devançant l'époque fixée pour commencer les hostilités. Cette dernière assertion nous paraît d'autant plus dénuée de fondement, qu'on voit, par la correspondance de ce général, qu'il reçut l'ordre d'agir sans retard: il était, en effet, si urgent de prendre l'initiative en Italie, et d'y attaquer les Autrichiens à l'improviste, que, pour peu qu'on eût tardé, l'archiduc Charles, arrivant sur le Tagliamento avec les renforts tirés de l'armée du Rhin, eût été en mesure de s'opposer à l'invasion méditée.

D'ailleurs, quand bien même le Directoire aurait fixé l'époque de l'ouverture de la campagne beaucoup plus tard, Bonaparte eût agi très-habilement en la devançant, attendu qu'il était toujours

Moreau manquait, il est vrai, de beaucoup de choses indispensables pour exécuter le passage du fleuve: mais rien n'empêchait Hoche, établi à Neuwied et à Dusseldorf sur la rive droite, d'attirer à lui la majeure partie des troupes comman

et de favoriser ainsi, par une puissante diversion, la marche hardie de l'armée d'Italie. Sans doute, pour se lier directement à Bonaparte, il eût été plus convenable d'agir sur la frontière de Suisse et des Grisons, que de courir sur la Lahn; mais encore valait-il mieux prendre la ligne la plus longue, que de retarder de six semaines la coopéra tion de deux armées, supérieures de beaucoup à celle qui devait supporter le principal fardeau de l'offensive; car, dans ce laps de temps, elles pouvaient arriver à Donawerth au lieu de rester oisives derrière le Rhin.

Quoi qu'il en soit, on ne saurait mettre en doute que le succès de la campagne sur la frontière du Frioul, ne dépendit uniquement de la promptitude et de l'impétuosité avec laquelle Bonaparte sut prévenir son adversaire.

De son côté, le conseil aulique s'appliquant à tirer le meilleur parti possible des éléments qui étaient à sa disposition, n'eut pas le temps, à ce qu'il paraît, de méditer un plan de campagne avec sa gravité accoutumée : si bien que l'armée du Frioul resta exposée aux assauts impétueux de Bonaparte, avant l'arrivée des troupes de l'archiduc Charles; et que celle du Rhin demeura en prise aux efforts de Hoche et de Moreau, aussitôt que ses grands détachements eurent mis le pied. hors de l'Allemagne.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

victorieuses sur Rome, et que Bonaparte dictait | qu'il partit aussitôt pour Vienne, afin d'aviser avec

au pape le traité de Tolentino, les divisions Bernadotte et Delmas, après avoir franchi le mont Cénis, défilaient à travers le Piémont et la Lombardie, pour venir joindre l'armée sur l'Adige. Ce renfort d'environ 18,000 hommes, passa les Alpes pendant un hiver rigoureux, à l'insu du cabinet de Vienne. Bien qu'au premier abord il semble étonnant qu'un mouvement si long ait pu rester ignoré, quand on songe que, trois ans plus tard, l'armée de réserve partie de Dijon, arriva dans la vallée d'Aoste, avant que le général Mélas en fût instruit, cela n'a plus rien de surprenant, et prouve seulement que l'espionnage était alors fort négligé à l'état-major autrichien.

Quoi qu'il en soit, Bonaparte, débarrassé de toutes craintes sur ses derrières, attendait avec la plus vive impatience l'arrivée de ces divisions, pour tomber sur l'archiduc Charles; et, convaincu que Venise n'épiait qu'une occasion favorable pour se déclarer contre la France, il résolut de lui donner assez d'occupations dans ses États de terre ferme, pour lui ôter toute possibilité de lui nuire (1). Après avoir laissé au général Victor le soin de surveiller l'exécution du traité avec le pape, il accourut à Padoue, d'où il activa les préparatifs de son entrée en campagne.

De son côté, l'archiduc Charles, arrivé le 7 février à Inspruck, y avisa avec le comte de Lehrbach aux moyens d'effectuer la levée en masse du Tyrol. L'aile droite de l'armée impériale, aux ordres des généraux Kerpen et Laudon, destinée à agir de concert avec les habitants disposés à défendre leurs foyers, avait pris position derrière le Lavis et la Noss; les restes de l'armée d'Alvinzy s'établirent derrière le Tagliamento. L'intervalle entre ces deux masses principales était gardé par la brigade Lusignan, postée à Feltre derrière le Cordevole. Le comte Hohenzollern, observait la Piave, avec ordre de ne pas s'engager, dans le cas où les Français s'avanceraient en forces. L'archidục trouva son armée dans un tel délabrement,

(1) Les avis sont encore partagés sur ce point : la correspondance de Kilmaine prouve que l'adjudant général Landrieux fut employé par ses chefs, à des intrigues dans le Bergamasc et le Brescian. Bien que Bonaparte ait en

le conseil aulique à de nouveaux moyens de défense. L'armée républicaine était à peu près organisée comme on le verra au tableau ci-joint.

Quatre divisions, sous les ordres immédiats de Bonaparte, se réunirent dans la marche Trévisane à la fin de février; celle de Masséna se trouvait à Bassano; Serrurier, à Castel-Franco; la division Augereau, commandée par Guyeux, à Trévise; le général Bernadotte arrivait à Padoue; Joubert, avec l'aile gauche formée de sa division et de celles des généraux Delmas et Baraguey-d'Hilliers, était opposé dans le Tyrol aux corps de Kerpen et de Laudon.

Le général Balland commandait dans le Véronais; Miollis à Mantoue; Gauthier à Livourne. Les divisions Victor et Lasalcette gardaient la Marche d'Ancòne et la Lombardie. La première, belle et nombreuse, formait un détachement considérable, dont l'objet était de surveiller Naples et Rome. Quelques personnes ont pensé que la paix définitive étant signée avec ces deux puissances, le géné ral français n'avait rien à en redouter tant que la victoire serait fidèle à ses drapeaux, et que le meilleur moyen de l'y fixer eût été de porter cette division à l'armée active dans le Tyrol ou la Carinthie. La juste défiance qu'inspirait le gouvernement pontifical, l'agitation qui régnait à Macerata et dans les vallées de l'Ombrie, de la Marche d'Ancône et du duché d'Urbin, motivèrent sans doute cette mesure. Bonaparte, en effet, ne manqua pas d'appeler le général Victor à l'armée, aussitôt que ses succès l'eurent décidé à franchir les Alpes Noriques, et que les affaires furent terminées dans la Romagne.

Les forces que les puissances belligérantes avaient destinées à agir sur cette frontière, étaient à peu près égales en nombre. On les estimait, de part et d'autre, à 60,000 hommes mais les divisions tirées de l'armée impériale du Rhin, ne devaient arriver que dans les premiers jours d'avril; et celle de Bonaparte, déjà rassemblée vers la fin de février,

:

suite dépeint cet officier comme un intrigant, on peut croire qu'il céda à des insinuations supérieures dont, an reste, nous ignorons la source.

1

« VorigeDoorgaan »