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foit de gens, qui le redirent à tant d'autres, qu'en moins de rien tout le monde en fut inftruit. Le Royaume étant alors continuellement agité par les Catholiques & les Huguenots, qui le déchiroient fous prétexte de vouloir le réforformer, il y eut quelques perfonnes qui ce jour-là même chanterent tout bas au lever du Roy des couplers que l'on avoit faits fur l'état des affaires & fur l'avanture de la nuit paffée. En voici les paroles que l'on chantoit fur l'air d'un Vaudeville qui couroit alors.

Sçavez-vous la belle,

Que vous ufez mal de vos appas ?
Le Trône chancelle,

Et le Roy repofe entre vos bras: Plût à Dieu, pour calmer notre ennui, Que l'Etat fut tranquile comme lui!

Vous dormiezen Reine,

Quand on a troublé votre repos,

Sans vous mettre en peine
Des Papiftes ni des Huguenots:
Plût à Dieu, pour le bonheur de tous,
Que l'Etat fut tranquile comme vous!

Ordinairement ce que l'on chante n'eft pas fort fecret, & ainfi la Reine ne mit guéres à fçavoir au vrai ce que le Prince de Joinville ne lui avoit appris qu'imparfaitement. Mademoiselle de S. André qui ne manquoit jamais de fe rendre à fa Toilette, n'ayant ofé s'y trouver ce matin-là, confirma ce que l'on commençoit de publier. Elle l'envoya querir, mais le Médecin du Roy nomméMiron qu'on trouva chez elle, avoit ordre de faire fon devoir, & de dire qu'elle etoit malade. Dans un autre tems c'eût été une excufe légiti me; mais dans l'occasion qui fe préfentoit, c'étoit un indice convaincant; & la Reine qu'on abufoit difficilement, en tira une con

jecture jufte. Elle fut outrée, & ne put fufpendre fon reffentiment. Elle envoya prier le Roy de la venir voir, le Roy y vint. Ils entrerent dans fon Cabinet, où elle fe préparoit à lui faire une réprimande fort févere, & à lui parler d'un ton de Mere qui avoit envie de fe faire craindre; mais le Roy inf truit de ce qu'il étoit par l'amour & par Mademoiselle de S. André, à la premiere fougue qui lui échappa, l'ayant interrompue avec une affurance qui la furprit d'autant plus qu'elle ne l'attendoit pas, lui dit qu'il étoit vrai qu'il aimoit la perfonne qu'elle avoit nommée, & qu'il la prioit de fouffrir fes amusemens, ou de lui rendre fon autorité qu'elle n'étoit puiffante qu'autant qu'il lui plaifoit de le permettre; que fi elle s'oppofoit à fon amour, il s'oppoferoit à fon ambition; & que fans perdre le refpe&t qu'il lui devoit comme à fa

Mere, il n'avoit qu'à vouloir être Roy pour la faire ceffer d'être Rei

ne.

Ces paroles qu'elle avoit raifon de ne pas attendre du Roy fon fils, puifque Mademoiselle de S. André parloit par fa bouche ne l'étonnerent pas moins, que fi elles euffent été véritablement de lui. Elle n'ofa pouffer la remontrance plus avant de peur que Mademoiselle de S. André ne lui eût encore dicté quelque réponfe. Il fe trompoit de croire qu'elle voulut empêcher fes amusemens. Son deffein dominant étoit de l'amufer fans ceffe ; & fi Mademoifelle de S. André n'eût été que belle, elle eût été la premiere à louer fon choix; mais elle lui trouvoit un efprit capable de lui faire ouvrir les yeux, & craignoit, quand elle feroit maîtreffe de celui du Roy, qu'elle ne lui fit connoître qu'effectivement on l'amusoit.

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Le Roi & la Reine fe racommoderent pourtant avant que de fortir d'où ils étoient. Mademoiselle de S. André demeura au Roy, & la Régence à la Reine.

Le Duc de Guife fenfible aux bienfaits qu'il avoit reçus de leurs Majeftés, en fut fi reconnoiffant, qu'il ne voulut pas que fon fils oubliât le refpect qu'il devoit au Roy, jufqu'à être encore fon rival. Les articles que le Cardinal de Lorraine & le Maréchal de S. André avoient dreffés, furent déchirés ; & le Gouvernement de Lyon qui vint à vaquer, ayant été donné à ce Maréchal, chacun fut content, ou du moins chacun fit femblant de l'être. Mademoiselle de S. André fut regardée comme la Maîtreffe du Roy, & respectée plus qu'elle ne l'avoit été auparavant. La Reine Mere qui avoit peur d'elle, la vit, non pas fans chagrin, mais feulement fans lui en

témoigner

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