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prendre. Outre qu'elle se laffoit de la domination des Lorrains, on dit que la Religion du Prince de Condé lui fembloit plus commo de que la fienne; & l'Hiftoire même fait mention d'une Lettre qu'elle lui avoit écrite quelques jours auparavant, & qu'il envoya depuis à tous les Princes Proteftans d'Allemagne, pour en avoir plus facilement du fecours. Elle contenoit ces mots.

Pattens une occafion favorable d'embraffer votre parti, & peutêtre votre Religion. Agiffez de votre côté, & faites enforte qu'après avoir fait un fi grand pas, le démenti ne nous en demeure point. Du mien, je mettrai tout en ufage pour me délivrer de l'oppreffion où je fuis. Je fais de quelle maniere il fe faut prendre pour endormir les Lorrains; & lorf qu'ils me croiront la meilleure amie qu'ils ayent au monde, je leur ferai

voir que la fincérité n'eft pas une vertu d'Italie. Souvenez-vous que je vous confie de grands intérêts, & qu'il s'agit de mon fils, de fon Royaume & de moi-même.

Ce fut un coup de foudre pour la Reine que la priere que lui firent les Confédérés de ramener le Roy à Paris. Elle attendoit pour fe jetter entre les bras du Prince, que fon armée fut affez nombreufe pour contraindre le refte du Royaume à chaffer les Guises; & comme de jour à autre on voyoit des Gentils-hommes de toutes les Provinces de la France le venir chercher, & lui offrir leur fervielle croyoit n'avoir pas encore long-tems à attendre. Čes confidérations l'obligeoient à temporifer, & fon deffein étoit, fi le Roy de Navarre, & ceux qui l'avoient accompagné, fuffent retournés à Paris, de prendre un chemin op

ce,

pofé au leur, & de mener le Roy à Orléans qui étoit la place d'Armes du Prince, & le Siége Capital de fon parti. Le Duc de Guife qui avoit fait une longue épreuve de fes artifices, lui dit que la perfonne du Roy lui étoit trop chere pour l'abandonner de vûë dans une conjoncture fi délicate; & le Roy de Navarre qui étoit naturellement brufque, ajoûta que pour elle elle pouvoit demeurer là fi elle le trouvoit à propos, mais que pour le Roy il falloit néceffairement qu'ils l'emmenaffent; de forte qu'à l'heure même ils le firent entrer dans fon Carroffe, * & le menerent tout pleurant jufques à Melun, le lendemain au Bois de Vincennes, & enfuite à Paris, où fous prétexte de lui faire plus d'honneur, on mit affez de gens auprès de lui pour le faire magnifiquement garder.

* En ce tems-là il n'y en avoit point, on les nommoit Coches..

Le Prince désespéré de ce que le Roy étoit en la puiffance de fes ennemis, crût d'abord que la Reine l'avoit joué, & fe fervit de tout ce qui lui vint dans la pensée pour fe venger d'elle. Il fit un Manifefte, & représenta que le Roy de Navarre étoit d'intelligence avec les Guifes pour tenir leur Souverain dans l'esclavage; & pour juftifier ce qu'il difoit, il y inféra la Lettre que la Reine lui avoit écrite, dont il s'offroit de faire voir l'ori ginal à ceux qui en douteroient. Il y avoit tant de vrai-femblable dans ce qu'il avançoit, que tous ceux qui n'étoient pas Partifans des Guifes, n'hésiterent point à le croi re. Ceux mêmes qui ne vouloient être ni du parti du Prince de Condé, ni de celui du Triumvirat, ne laiffoient pas de s'attrouper pour demander la liberté de leur Monarque ; & le nombre en fut fi grand, qu'il alarma les Confédé

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rés, fi bien qu'on fût obligé d'envoyer une Déclaration du Roy dans toutes les Provinces de fon

Royaume, pour affurer le peuple que leurs Majeftés jouiffoient d'une pleineliberté,qu'elles avoient choifi Paris pour y être en plus grande affurance; & que pour arrêter l'infolence des Huguenots qui cherchoient à se faifir de la perfonne du Roy, la Reine fa Mere avoit jugé à propos de les flatter d'une efpérance frivole, & d'abuser le Chef du parti par une Lettre qui avoit eu le succès qu'elle en espéroit. Cette Déclaration fut fuivie d'un Arrêt du Parlement qui permettoit de Maffacrer les Huguenots en quelque lieu qu'on les pût trouver, comme criminels de leze-Majefté Divine & humaine. Cependant n'y ayant point encore eu d'hoftilités de part ni d'autre, le Chancelier de l'Hôpital, l'un des plus grands hommes de fonSiécle,

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