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Gaspard Bauhin. C'est dans son Pinax que je cherche leur concordance: car Linnæus me paroît faire une chose convenable et juste, quand Tournefort n'a fait que prendre la phrase de Bauhin, de citer l'auteur original, et non pas celui qui l'a transcrit, comme on fait très injustement en France. De sorte que, quoique presque toute la nomenclature de Tournefort soit tirée mot à mot du Pinax, on croiroit, à lire les botanistes françois, qu'il n'a jamais existé ni Bauhin ni Pinax au monde; et, pour comble, ils font encore un crime à Linnæus de n'avoir pas imité leur partialité. A l'égard des plantes dont Tournefort n'a pas tiré les noms du Pinax, on en trouve aisément la concordance dans les auteurs françois linnaistes, tels que Sauvages, Gouan, Gérard, Guettard, et d'Alibard, qui l'a presque toujours suivi.

J'ai fait cet hiver une seule herborisation dans le bois de Boulogne, et j'en ai rapporté quelques *mousses. Mais il ne faut pas s'attendre qu'on puisse compléter tous les genres, même par une espèce unique. Il y en a de bien difficiles à mettre dans un herbier, et il y en a de si rares, qu'ils n'ont jamais passé et vraisemblablement ne passeront jamais sous mes yeux. Je crois que, dans cette famille et celle des algues, il faut se tenir aux genres, dont on rencontre assez souvent des espèces, pour avoir le plaisir de s'y reconnoître, et négliger ceux dont

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la vue ne nous reprochera jamais notre ignorance, ou dont la figure extraordinaire nous fera faire effort pour la vaincre. J'ai la vue fort courte, mes yeux deviennent mauvais, et je ne puis plus espérer de recueillir que ce qui se présentera fortuitement dans les lieux à-peu-près où je saurai qu'est ce que je cherche. A l'égard de la manière de chercher, j'ai suivi M. de Jussieu dans sa dernière herborisation, et je la trouvai si tumultueuse

et si

peu utile pour moi, que, quand il en auroit encore fait, j'aurois renoncé à l'y suivre. J'ai accompagné son neveu l'année dernière, moi vingtième, à Montmorency, et j'en ai rapporté quelques jolies plantes, entre autres la lisimachia tenella, que je crois vous avoir envoyée. Mais j'ai trouvé dans cette herborisation que les indications de Tournefort et de Vaillant sont très fautives, ou que, depuis eux, bien des plantes ont changé de sol. J'ai cherché entre autres, et j'ai engagé tout le monde à chercher avec soin le plantago monanthos à la queue de l'étang de Montmorency, et dans tous les endroits où Tournefort et Vaillant l'indiquent, et nous n'en avons pu trouver un seul pied en revanche, j'ai trouvé plusieurs plantes de remarque, et même tout près de Paris, dans des lieux où elles ne sont point indiquées. En général j'ai toujours été malheureux en cherchant d'après les autres. Je trouve

BOTANIQUE. TH.

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encore mieux mon compte à chercher de mon chef.

J'oubliois, monsieur, de vous parler de vos livres. Je n'ai fait encore qu'y jeter les yeux; et comme ils ne sont pas de taille à porter dans la poche, et que je ne lis guère l'été dans la chambre, je tarderai peut-être jusqu'à la fin de l'hiver prochain à vous rendre ceux dont vous n'aurez pas affaire avant ce temps-là. J'ai commencé de lire l'Anthologie de Pontedera, et j'y trouve contre le système sexuel des objections qui me paroissent bien fortes, et dont je ne sais pas comment Linnæus s'est tiré. Je suis souvent tenté d'écrire dans cet auteur et dans les autres les noms de Linnæus à côté des leurs pour me reconnoître. J'ai déja même cédé à cette tentation pour quelques uns, n'imaginant à cela rien que d'avantageux pour l'exemplaire. Je sens pourtant que c'est une liberté que je n'aurois pas dû prendre sans votre agrément, et je l'attendrai pour continuer.

Je vous dois des remerciements, monsieur, pour l'emplacement que vous avez la bonté de m'offrir pour la dessiccation des plantes: mais quoique ce soit un avantage dont je sens bien de la privation, la nécessité de les visiter souvent, et l'éloignement des lieux, qui me feroit consumer beaucoup de temps en courses, m'empêchent de me prévaloir de cette offre.

La fantaisie m'a pris de faire une collection de fruits et de graines de toute espèce, qui devroient, avec un herbier, faire la troisième partie d'un cabinet d'histoire naturelle. Quoique j'aie encore acquis très peu de chose, et que je ne puisse espérer de rien acquérir que très lentement et par hasard, je sens déja pour cet objet le défaut de place: mais le plaisir de parcourir et de visiter incessamment ma petite collection peut seul me payer la peine de la faire; et si je la tenois loin de mes yeux, je cesserois d'en jouir. Si par hasard vos gardes et jardiniers trouvoient quelquefois sous leurs pas des faînes de hêtres, des fruits d'aunes, d'érables, de bouleau, et généralement de tous les fruits secs des arbres des forêts ou d'autres, qu'ils en ramassassent, en passant, quelques uns dans leurs poches, et que vous voulussiez bien m'en faire parvenir quelques échantillons par occasion, j'aurois un double plaisir d'en orner ma collection naissante.

Excepté l'Histoire des Mousses par Dillenius, j'ai à moi les autres livres de botanique dont vous m'envoyez la note: mais, quand je n'en aurois aucun, je me garderois assurément de consentir à vous priver, pour mon agrément, du moindre des amusements qui sont à votre portée. Je vous prie, monsieur, d'agréer mon respect.

LETTRE X.

A M. DE MALESHERBES.

Sur les Mousses.

A Paris, le 19 décembre 1771.

Voici, monsieur, quelques échantillons de mousses que j'ai rassemblés à la hâte, pour vous mettre à portée au moins de distinguer les principaux genres avant que la saison de les observer soit passée. C'est une étude à laquelle j'employai délicieusement l'hiver que j'ai passé à Wootton, où je me trouvois environné de montagnes, de bois, et de rochers tapissés de capillaires et de mousses des plus curieuses. Mais, depuis lors, j'ai si bien perdu cette famille de vue, que ma mémoire éteinte ne me fournit presque plus rien de ce que j'avois acquis en ce genre ; et n'ayant point l'ouvrage de Dillenius, guide indispensable dans ces recherches, je ne suis parvenu qu'avec beaud'effort, et souvent avec doute, à déterminer les espèces que je vous envoie. Plus je m'opiniâtre à vaincre les difficultés par moi-même et sans le secours de personne, plus je me confirme dans l'opinion que la botanique, telle qu'on la cultive, est une science qui ne s'acquiert que par

coup

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