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défigurent l'herbier, et font prendre une mauvaise forme aux plantes. Dans les plantes où les fleurs et les feuilles ne viennent pas en même temps, ou naissent trop loin les unes des autres, on prend une petite branche à fleurs et une petite branche à feuilles ; et, les plaçant ensemble dans le même papier, on offre ainsi à l'œil les diverses parties de la même plante, suffisantes pour la faire reconnoître. Quant aux plantes où l'on ne trouve que des feuilles, et dont la fleur n'est pas encore venue ou est déja passée, il les faut laisser, et attendre, pour les reconnoître, qu'elles montrent leur visage. Une plante n'est pas plus sûrement reconnoissable à son feuillage qu'un homme à son habit.

Tel est le choix qu'il faut mettre dans ce qu'on cueille: il en faut mettre aussi dans le moment qu'on prend pour cela. Les plantes cueillies le matin à la rosée, ou le soir à l'humidité, ou le jour durant la pluie, ne se conservent point. Il faut absolument choisir un temps sec, et même, dans ce temps-là, le moment le plus sec et le plus chaud de la journée, qui est en été entré onze heures du matin et cinq ou six heures du soir. Encore alors, si l'on y trouve la moindre humidité, faut-il les laisser, car infailliblement elles ne se conserveront pas.

Quand vous avez cueilli vos échantillons, vous

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les apportez au logis, toujours bien au sec, pour les placer et arranger dans vos papiers. Pour cela vous faites votre premier lit de deux feuilles au moins de papier gris, sur lesquelles vous placez une feuille de papier blanc, et sur cette feuille vous arrangez votre plante, prenant grand soin que toutes ses parties, sur-tout les feuilles et les fleurs, soient bien ouvertes et bien étendues dans leur situation naturelle. La plante un peu flétrie, mais sans l'être trop, se prête mieux pour l'ordinaire à l'arrangement qu'on lui donne sur le pier avec le pouce et les doigts. Mais il y en a de rebelles qui se grippent d'un côté, pendant qu'on les arrange de l'autre. Pour prévenir cet inconvénient, j'ai des plombs, des gros sous, des liards, avec lesquels j'assujettis les parties que je viens d'arranger, tandis que j'arrange les autres, de fàçon que, quand j'ai fini, ma plante se trouve presque toute couverte de ces pièces qui la tiennent en état. Après cela on pose une seconde feuille blanche sur la première, et on la presse avec la main, afin de tenir la plante assujettie dans la situation qu'on lui a donnée, avançant ainsi la main gauche qui presse à mesure qu'on retire avec la droite les plombs et les gros sous qui sont entre les papiers: on met ensuite deux autres feuilles de papier gris sur la seconde feuille blanche, sans cesser un seul moment de tenir la plante assujet

tie, de peur qu'elle ne perde la situation qu'on lui a donnée. Sur ce papier gris on met une autre feuille blanche; sur cette feuille une plante qu'on arrange et recouvre comme ci-devant, jusqu'à qu'on ait placé toute la moisson qu'on a apportée, et qui ne doit pas être nombreuse pour chaque fois, tant pour éviter la longueur du travail, que de peur que, durant la dessiccation des plantes, le papier ne contracte quelque humidité par leur grand nombre, ce qui gâteroit infailliblement vos plantes, si vous ne vous hâtiez de les changer de papier avec les mêmes attentions; et c'est même ce qu'il faut faire de temps en temps jusqu'à ce qu'elles aient bien pris leur pli, et qu'elles soient toutes assez sèches.

Votre pile de plantes et de papiers ainsi arrangée doit être mise en presse, sans quoi les plantes se gripperoient : il y en a qui veulent être plus pressées, d'autres moins; l'expérience vous apprendra cela, ainsi qu'à les changer de papier à propos, et aussi souvent qu'il faut, sans vous donner un travail inutile. Enfin, quand vos plantes seront bien sèches, vous les mettrez bien proprement chacune dans une feuille de papier, les unes sur les autres, sans avoir besoin de papiers intermédiaires, et vous aurez ainsi un herbier commencé, qui s'augmentera sans cesse avec vos connoissances, et contiendra enfin l'histoire de

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toute la végétation du pays: au reste, il faut toujours tenir un herbier bien serré et un peu en presse, sans quoi les plantes, quelque sèches qu'elles fussent, attireroient l'humidité de l'air et se gripperoient encore.

Voici maintenant l'usage de tout ce travail pour parvenir à la connoissance particulière des plantes, et à nous bien entendre lorsque nous en parlerons.

Il faut cueillir deux échantillons de chaque plante: l'un, plus grand, pour le garder; l'autre, plus petit, pour me l'envoyer. Vous les numéroterez avec soin, de façon que le grand et le petit échantillon de chaque espèce aient toujours le même numéro. Quand vous aurez une douzaine ou deux d'espéces ainsi desséchées, vous me les enverrez dans un petit cahier par quelque occasion. Je vous enverrai le nom et la description des mêmes plantes; par le moyen des numéros, vous les reconnoîtrez dans votre herbier, et de là sur la terre, où je suppose que vous aurez commencé de les bien examiner. Voilà un moyen sûr de faire des progrès aussi sûrs et aussi rapides qu'il est possible loin de votre guide.

N. B. J'ai oublié de vous dire que les mêmes papiers peuvent servir plusieurs fois, pourvu qu'on ait soin de les bien aérer et dessécher auparavant. Je dois ajouter aussi

LETTRE IX.

A M. DE MALESHERBES.

Sur le format des herbiers et sur la synonymie.

Si j'ai tardé si long-temps, monsieur, à répondre en détail à la lettre que vous avez eu la bonté de

que l'herbier doit être tenu dans le lieu le plus sec de la maison, et plutôt au premier qu'au rez-de-chaussée 1.

1 *

Dans le Dictionnaire élémentaire de botanique de Bulliard, revu par Richard (in-8°, Paris, 1802), au mot HERBIER, se trouve une assez longue citation que l'auteur de cet article annonce être extraite d'un manuscrit de Rousseau. Cette citation ne peut mieux trouver sa place qu'ici, et nous la ferons précéder de ce que dit Bulliard ou Richard à cette occasion.

« On sait que J.-J. Rousseau aimoit passionnément la botanique, et qu'il travailloit même à faire dans cette science quelques réformes avantageuses. Il s'est long-temps occupé de l'art de la dessiccation des plantes ; il nous a laissé plusieurs herbiers de différents formats. Parmi les livres rares et précieux qui composent la bibliothèque du savant Malesherbes, on trouve deux petits herbiers de Jean-Jacques, faits avec tout le soin et tout l'art possible : l'un est de format in-8°, et ne renferme que des cryptogames; et l'autre, de format in-4°, est composé de plantes à fleurs distinctes.

« M. Tourmevel, ayant appris que j'étois sur le point de faire imprimer cet ouvrage, a bien voulu concourir de la manière la plus obligeante à en augmenter l'utilité, en me communiquant un manuscrit du Philosophe genevois, sur la nécessité d'un herbier, et

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