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Jeunes filles! Joyeuse et d'une main ravie,
Elle allait moissonnant les roses de la vie,
Beauté, plaisir, jeunesse, amour!

La pauvre enfant, de fête en fête promenée,
De ce bouquet charmant arrangeait les couleurs,
Mais qu'elle a passé vite, hélas! l'infortunée!
Ainsi qu'Ophélia, par le fleuve entraînée,
Elle est morte en cueillant des fleurs !

(LES ORIENTALES.

Fantômes.)

La Prière pour tous.

Ma fille, va prier, vois, la nuit est venue.
Une planète d'or là-bas perce la nue.

La brume des coteaux fait trembler le contour,
A peine un char lointain glisse dans l'ombre... Écoute!
Tout rentre et se repose, et l'arbre de la route
Secoue au vent du soir la poussière du jour!

Le jour est pour le mal, la fatigue et la haine.
Prions: voici la nuit, la nuit grave et sereine!
Le vieux pâtre, le vent aux brèches de la tour,
Les étangs, les troupeaux avec leur voix cassée,
Tout souffre et tout se plaint. La nature lassée
A besoin de sommeil, de prière et d'amour!

C'est l'heure où les enfants parlent avec les anges.

Tandis que nous courons à nos plaisirs étranges,
Tous les petits enfants, les yeux levés au ciel,
Mains jointes et pieds nus, à genoux sur la pierre,
Disant à la même heure une même prière,
Demandent pour nous grâce au Père universel!

Et puis ils dormiront. — Alors, épars dans l'ombre,
Les rêves d'or, essaim tumultueux, sans nombre,
Qui naît aux derniers bruits du jour à son déclin,
Voyant de loin leur souffle et leurs bouches vermeilles,
Comme volent aux fleurs de joyeuses abeilles,
Viendront s'abattre en foule à leurs rideaux de lin.

O sommeil du berceau! prière de l'enfance!
Voix qui toujours caresse et qui jamais n'offense !
Douce religion, qui s'égaye et qui rit!
Prélude du concert de la nuit solennelle!
Ainsi que l'oiseau met sa tête sous son aile,
L'enfant dans sa prière endort son jeune esprit !

Ma fille, va prier! d'abord, surtout pour celle
Qui berça tant de nuits ta couche qui chanceHe,
Pour celle qui te prit, jeune âme, dans le ciel,
Et qui te mit au monde, et depuis, tendre mère,
Faisant pour toi deux parts dans cette vie amère,
Toujours a bu l'absinthe et t'a laissé le miel!

Puis ensuite pour moi! j'en ai plus besoin qu'elle; Elle est, ainsi que toi, bonne, simple et fidèle ! Elle a le cœur limpide et le front satisfait.

Beaucoup ont sa pitié; nul ne lui fait envie ;
Sage et douce, elle prend patiemment la vie;
Elle souffre le mal sans savoir qui le fait.

Moi, je sais mieux la vie; et je pourrais te dire,
Quand tu seras plus grande et qu'il faudra t'instruire,
Que poursuivre l'empire, et la fortune, et l'art,
C'est folie et néant; que l'urne aléatoire
Nous jette bien souvent la honte pour la gloire,
Et que l'on perd son âme à ce jeu de hasard!

L'âme en vivant s'altère; et quoiqu'en toute chose *La fin soit transparente et laisse voir la cause, On vieillit, sous le vice et l'erreur abattu;

A force de marcher, l'homme erre, et l'esprit doute: Tous laissent quelque chose aux buissons de la route, Les troupeaux leur toison, et l'homme sa vertu!

Va donc prier pour moi! Dis pour toute prière :
<< Seigneur, Seigneur, mon Dieu ! vous êtes notre père,
Grâce, vous êtes bon! grâce, vous êtes grand! »
Laisse aller ta parole où ton âme l'envoie;
Ne t'inquiète pas, toute chose a sa voie,
Ne t'inquiète pas du chemin qu'elle prend.

Il n'est rien ici-bas qui ne trouve sa pente,
Le fleuve jusqu'aux mers dans les plaines serpente;
L'abeille sait la fleur qui recèle le miel.

Toute aile vers son but également retombe,
L'aigle vole au soleil, le vautour à la tombe,

L'hirondelle au printemps et la prière au ciel!

Prie encor pour tous ceux qui passent
Sur cette terre de vivants,

Pour ceux dont les sentiers s'effacent

A tous les flots, à tous les vents!
Pour l'insensé qui met sa joie

Dans l'éclat d'un manteau de soie,
Dans la vitesse d'un cheval;
Pour quiconque souffre et travaille,
Qu'il s'en revienne ou qu'il s'en aille,

Qu'il fasse le bien ou le mal.

(Les Feuilles D'AUTOMNE.)

L'Enfant.

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille

Applaudit à grands cris; son doux regard qui brille Fait briller tous les yeux,

Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être, Se dérident souvent à voir l'enfant paraître,

Innocent et joyeux.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme, De patrie et de Dieu, des poëtes, de l'àme

Qui s'élève en priant;

L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie,
Et les poëtes saints! la grave causerie
S'arrête en souriant.

Car ses beaux yeux sont pleins de douceurs infinies;
Car ses petites mains, joyeuses et bénies,

N'ont point mal fait encor;

Jamais ses jeunes pas n'ont touché notre fange;
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds! bel ange
A l'auréole d'or!

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.

Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche;
Vos ailes sont d'azur.

Sans le comprendre encor, vous regardez le monde,
Double virginité! corps où rien n'est immonde,
Ame où rien n'est impur!

Il est si beau l'enfant! avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers!

Seigneur! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,

De jamais voir, Seigneur! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,

La maison sans enfants!

(LES FEUILLES D'AUTOMNE)

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