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Soudain l'âpre gelée, aux piquantes haleines,
Frappe à la fois les prés, les vergers et les plaines,
Et le froid aquilon, de son souffle acéré,
Poursuit dans les bosquets le printemps éploré.
C'en est fait ! d'une nuit l'haleine empoisonnée
A séché dans sa fleur tout l'espoir de l'année.
Le mal se cache encor sous un voile incertain :
Mais, quand l'aube eut blanchi les portes du matin,
Que son premier rayon éclaira de ravages!
Tout du fougueux Borée attestait les outrages.

Le fruit tendre et naissant, que septembre eût doré,
Par le souffle ennemi s'offre décoloré.

La vigne, autre espérance, en proie à la froidure,
A du pampre hâtif vu mourir la verdure.
L'épi, dans ses tuyaux vainement élancé,
Est frappé par le givre, et retombe affaissé.
Le pommier, que parait sa fleur prématurée,
A vu tomber l'honneur de sa tête empourprée;
Et, plus honteux encor, de ses bouquets flétris,
L'arbre de Cérasonte a pleuré les débris.

A l'aspect du fléau que de larmes coulèrent!
Mais quand le jour s'accrut, les sanglots redoublèrent,
Et les vieux laboureurs, au désespoir réduits,

Se montraient, en pleurant, tant de trésors détruits.
Méril, non sans verser bien des larmes amères,
Du hameau ruiné déplora les misères;

Mais, d'une âme chrétienne, il soutint ses malheurs,
Et le malheur d'autrui seul lui coûta des pleurs.
Il disait : « Puisqu'un Dieu si bon, si tutélaire,

« A fait sur nos guérets descendre sa colère,
« De nos erreurs sans doute il était mécontent.

Amis, résignons-nous. Je l'avourai pourtant, << J'ai regret à ces blés; car, plus d'un misérable, « Dans ma grange eût trouvé la gerbe secourable. << Mais nos jours sont mêlés d'amertume et de fiel, « Et l'on doit se soumettre aux volontés du ciel. »> (ÉTUDES POÉTIQUES.)

Le Clair de lune de mai.

Au bout de sa longue carrière,
Déjà le soleil moins ardent
Plonge, et dérobe sa lumière
Dans la pourpre de l'Occident.

La terre n'est plus embrasée
Du souffle brûlant des chaleurs,
Et le soir aux pieds de rosée
S'avance, en ranimant les fleurs.

Sous l'ombre par degrés naissante,
Le coteau devient plus obscur,
Et la lumière décroissante
Rembrunit le céleste azur.

Parais, ô lune désirée !

Monte doucement dans les cieux :

Guide la paisible soirée

Sur ton trône silencieux.

Amène la brise légère

Qui dans l'air précède tes pas,

Douce haleine à nos champs si chère ! Qu'aux cités on ne connaît pas.

A travers la cime agitée

Du saule incliné sur les eaux,
Verse ta lueur argentée,
Flottante en mobiles réseaux.

Que ton image réfléchie

Tombe sur le ruisseau brillant,
Et que la vague au loin blanchie
Roule ton disque vacillant!

Descends, comme une faible aurore,
Sur des objets trop éclatants;
En l'adoucissant, pare encore
La jeune pompe du printemps.

Aux fleurs nouvellement écloses
Prête un demi-jour enchanté,
Et blanchis ces vermeilles roses
De ta pâle et molle clarté !

Et toi, sommeil, de ma paupière
Écarte tes pesants pavots!
Phébé, j'aime mieux ta lumière

Que tous les charmes du repos.

Je veux, dans sa marche insensible,

Ivre d'un poétique amour,

Contempler ton astre paisible
Jusqu'au réveil brillant du jour.

(ÉTUDES POÉTIQUES.)

FONTANES.

(1757-1821.)

Louis de Fontanes, né à Niort, débuta jeune dans les lettres par quelques petits poëmes, dont le style rappelle la douceur, la pureté et l'élégance de Racine. Les plus remarquables sont les belles élégies intitulées le Jour des Morts, la Chartreuse et la Messe de Minuit, une excellente traduction de l'Essai sur l'Homme, de Pope, un Essai sur l'Astronomie, et quelques odes légères, à la façon d'Horace, qui seront peut-être la partie la plus durable de ses productions poétiques.

Fontanes s'attacha de bonne heure à Bonaparte, et fut nommé successivement professeur au college des Quatre-Nations, membre de l'Institut, président du corps législatif et grand maître de l'Université. Chargé de haranguer l'empereur dans les cérémonies publiques, Fontanes se distingua par son éloquence, par ses flatteries et les vérités délicates qu'il y mêlait. Sous la restauration, il fut élevé à la dignité de pair de France et créé marquis.

Le Poëte et le Pêcheur.

Pêcheur, qui des flots de la Seine
Vers Neuilly remonte le cours,
A ta poursuite toujours vaine
Les poissons échappent toujours.

Tu maudis l'espoir infidèle
Qui sur le fleuve t'a conduit,
Et l'infatigable nacelle

Qui t'y promène jour et nuit.

Des deux pêcheurs de Théocrite
Ton sommeil t'offrit le trésor ;
Hélas ! désabusé trop vite,
Tu vois s'enfuir le songe d'or.

Ici, rêvant sur ma terrasse,
Je n'ai pas un sort plus heureux :
J'invoque la muse d'Horace,
La muse est rebelle à mes vœux.

Jouet de son humeur bizarre,
Je dois compatir à tes maux;
Tiens, que ce faible don répare
Le prix qu'attendaient tes travaux.

La nuit vient vers le toit champêtre
D'un front gai reprends ton chemin ;

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