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Puis faisait le saut périlleux,

Et puis sur un cordon, sans que rien le soutienne,

Le corps droit, fixe, d'aplomb,

Notre Jacqueau fait tout du long

L'exercice à la prussienne.

Un jour qu'au cabaret son maître était resté

(C'était, je pense, un jour de fête),

Notre singe en liberté

Veut faire un coup de sa tête :

Il s'en va rassembler les divers animaux
Qu'il peut rencontrer dans la ville.

Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux,
Arrivent bientôt à la file.

<< Entrez, entrez, messieurs, criait notre Jacqueau;
C'est ici, c'est ici qu'un spectacle nouveau

Vous charmera gratis. Oui, messieurs, à la porte
On ne prend point d'argent, je fais tout pour l'honneur.>>

A ces mots, chaque spectateur

Va se placer, et l'on apporte

La lanterne magique; on ferme les volets,
Et, par un discours fait exprès,
Jacqueau prépare l'auditoire.
Ce morceau vraiment oratoire

Fit bâiller; mais on applaudit.

Content de ce succès, notre singe saisit

Un verre peint qu'il met dans sa lanterne :
Il sait comment on le gouverne,

Et crie en le poussant : « Est-il rien de pareil ?
Messieurs, vous voyez le soleil,

Ses rayons et toute sa gloire.

Voici présentement la lune; puis l'histoire
D'Adam, d'Ève et des animaux...

Voyez, messieurs, comme ils sont beaux !
Voyez la naissance du monde ;

Voyez... » Les spectateurs, dans une nuit profonde,
Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir;
L'appartement, le mur, tout était noir.
«Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles
Dont il étourdit nos oreilles,

Le fait est que je ne vois rien.

- Ni moi non plus, disait un chien. -Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose; Mais je ne sais pour quelle cause

Je ne distingue pas très-bien. »

Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne
Parlait éloquemment et ne se lassait point;
Il n'avait oublié qu'un point,

C'était d'éclairer sa lanterne.

La Mère, l'Enfant et les Sarigues.

Je veux peindre en mes vers des mères le modèle,
La sarigue, animal peu connu parmi nous,

Mais dont les soins touchants et doux,

Dont la tendresse maternelle,

Seront de quelque prix pour vous.

Le fond du conte est véritable :

Buffon m'en est garant, qui pourrait en douter?

D'ailleurs tout dans ce genre a droit d'être croyable, Lorsque c'est devant vous qu'on peut le raconter.

<< Maman, disait un jour à lá plus tendre mère
Un enfant péruvien, sur ses genoux assis,
Quel est cet animal qui, dans cette bruyère,
Se promène avec ses petits?

Il ressemble au renard. Mon fils, répondit-elle,

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Du sarigue c'est la femelle;

Nulle mère pour ses enfants

N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants. La nature voulut seconder sa tendresse,

Et lui fit près de l'estomac

Une poche profonde, une espèce de sac,
Où ses petits, quand un danger les presse,
Vont mettre à couvert leur faiblesse.

Fais du bruit, tu verras ce qu'ils vont devenir. »
L'enfant frappe des mains; la sarigue attentive
Se dresse, et, d'une voix plaintive,

Jette un cri; les petits aussitôt d'accourir,
Et de s'élancer vers la mère,

En cherchant dans son sein leur retraite ordinaire.
La poche s'ouvre, et les petits

En un moment y sont blottis.

Ils disparaissent tous, la mère avec vitesse.
S'enfuit emportant sa richesse.

La Péruvienne alors dit à l'enfant surpris :
«Si jamais le sort t'est contraire,
Souviens-toi du sarigue; imite-le, mon fils :
L'asile le plus sûr est le sein d'une mère. »

Les Singes et le Léopard.

Des singes dans un bois jouaient à la main chaude;
Certaine guenon moricaude,

Assise gravement, tenait sur ses genoux
La tête de celui qui, courbant son échine,
Sur sa main recevait les coups.

On frappait fort, et puis devine!
Il ne devinait point; c'étaient alors des ris,
Des sauts, des gambades, des cris.

Attiré, par le bruit, du fond de sa tanière,
Un jeune léopard, prince assez débonnaire,
Se présente au milieu de nos singes joyeux.
Tout tremble à son aspect. « Continuez vos jeux,
Leur dit le léopard, je n'en veux à personne :
Rassurez-vous, j'ai l'âme bonne;

Et je viens même ici, comme particulier,
A vos plaisirs m'associer.

Jouons, je suis de la partie.

Ah! monseigneur, quelle bonté! Quoi! Votre Altesse veut, quittant sa dignité,

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Mon Altesse eut toujours de la philosophie,

Et sait que tous les animaux

Sont égaux.

Jouons donc, mes amis, jouons, je vous en prie. » Les singes enchantés crurent à ce discours, Comme l'on y croira toujours.

Toute la troupe joviale

Se remet à jouer : l'un d'entre eux tend la main ;
Le Léopard frappe, et soudain

On voit couler du sang sous la griffe royale.
Le singe cette fois devina qui frappait;
Mais il s'en alla sans le dire.

Ses compagnons faisaient semblant de rire,
Et le léopard seul riait.

Bientôt chacun s'excuse et s'échappe à la hâte,
En se disant entre leurs dents :

« Ne jouons point avec les grands;
Le plus doux a toujours des griffes à la patte. »

Don Quichotte devenu berger.

Contraint de renoncer à la chevalerie,
Don Quichotte voulut, pour se dédommager,
Mener une plus douce vie,

Et choisit l'état de berger.

Le voilà donc qui prend panetière et houlette,
Le petit chapeau rond garni d'un ruban vert,
Sous le menton faisant rosette.

Jugez de la grâce et de l'air

De ce nouveau Tircis! Sur sa rauque musette
Il s'essaye à charmer l'écho de ces cantons,
Achète au boucher deux moutons,

Prend un roquet galeux, et, dans cet équipage,
Par l'hiver le plus froid qu'on eût vu de longtemps,
Dispersant son troupeau sur les rives du Tage,

Au milieu de la neige il chante le printemps.

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