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dans sa chûte et il tombe percé de mille coups. La plupart de ses officiers périrent à ses côtés : les autres échappèrent ou par leur vigueur ou par le secours de Stertinius et d'Emilius, qui arrivérent avec la cavalerie.

Germanicus, ayant passé le Wéser, apprit d'un transfuge qu'Arminius avait choisi son champ de bataille: cet avis l'engagea à convoquer ses légions pour les préparer et les exhorter au combat, qui se donna dans la plaine d'Idistavise. Cette plaine, selon Juste- Lipse, qui, en voyageant dans ces contrées, avait fait, dit-il, une attention particulière à cette situation, est une vaste campagne, distante de Brême, de deux milles d'Allemagne environ, appelée actuellement Vegesack. Les Chérusques y furent défaits. Arminius battu, après avoir vainement tâché, par la voix, par le geste, de ranimer et de soutenir le combat, parvint, tant par la force et l'agilité de ses mouvemens, que par la vitesse de son cheval, à percer les bataillons romains, s'étant couvert le visagé de son propre sang pour se rendre méconnaissable. Le carnage ne finit qu'avec la nuit.

Cependant, les Chérusques, indignés de cette défaite, voulurent avoir leur revanche. Tous, animés d'un même esprit, courent aux armes, peuple, grands, jeunesse, vieillards: ils viennent surprendre l'armée romaine dans sa marche, l'inquiètent, la harcèlent, et vont l'attendre dans une petite plaine. Mais Germanicus, qui était informé de tout, des desseins, des lieux, des délibérations publiques, des résolutions secrètes, tourna les ruses de l'ennemi contre les vues de l'ennemi même : il vint lui-même

Ibid., c. 12,

16, 17, 18.

Ibid., c. 19, 20, 21, 22.

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les forcer dans leur poste: le carnage fut terrible. Arminius, affaibli par sa blessure, montra moins d'ardeur et d'activité. Les Germains, ayant déployé la même valeur que dans le premier combat, essuyèrent la même défaite. Germanicus, après avoir donné solennellement aux vainqueurs les éloges qu'ils méritaient, fit élever un trophée, avec cette magnifique inscription: DEBELLATIS INTER RHENUM ALBIMQUE NATIONIBUS, EXERCITUS TIBERII CESARIS EA MONIMENTA MARTI ET JOVI ET AUGUSTO SACRAVIT; c'est-à-dire, l'armée de Tibère César, après avoir dompté les peuples qui sont entre le Rhin et l'Elbe,consacra ce monument à Mars, à Jupiter, à Auguste. Il ne se nomma point, soit qu'il craignît d'irriter l'envie, soit plutôt, dit Tacite, qu'il trouvât dans le témoignage secret de sa conscience toute la récompense qu'il ambitionnait.

L'été s'avançait : une partie des légions prit par terre la route de ses quartiers d'hiver. Le plus grand nombre s'embarqua sur l'Ems avec Germanicus pour regagner l'Océan. Le commencement de leur navigation fut heureuse : la mer, unie et paisible, n'était agitée que du mouvement des rames et du sillage des vaisseaux; mais soudain l'air est obscurci par un amas de nuages sombres, d'où sort une grêle effroyable : les vagues, se soulevant et se choquant de tous les côtés par le combat des vents déchaînés, dérobent la vue des objets et empêchent la manœuvre des rames. Le soldat effrayé peu accoutumé aux dangers de la mer, trouble ou dérange les manoeuvres des plus habiles matelots, autant par ses frayeurs que par ses services dé

placés. Le vent du midi s'empare enfin de tout l'espace du ciel, et de toute l'étendue de la mer ce vent terrible, devenu plus perçant pour le voisinage du nord, dont il emprunte le souffle glacial, refoulé avec violence par les fréquentes montagnes et les fleuves profonds de la Germanie, et par une traînée immense de nuages, enlève et disperse la flotte, en pousse une partie sur la mer, et une autre, contre des îles bordées d'écueils cachés ou de rocs inaccessibles: les pilotes n'évitèrent d'y toucher qu'avec des peines infinies. Le changement de la marée redoubla les embarras et le danger: les vents et les flots n'ayant plus qu'une même direction, empêchaient de vider l'eau qui entrait avec abondance par les bords: il fallut, pour soulager les vaisseaux, jeter à la mer les chevaux et les bêtes de charge, les armes et les bagages: une partie des bâtimens fut subinergée: la plupart furent jetés sur des îles écartées et désertes, où les malheureux soldats périrent de faim, excepté ceux qui se nourrirent de la chair des chevaux noyés, que les vagues avaient poussés dans ces endroits. La trirème que montait Germanicus, était abordée au pays des Cauques, où le vent et la marée ramenèrent enfin une partie de ses vaisseaux, dans le plus pitoyable état, sans voiles, sans agrès, et presque sans rames: Germanicus les ayant fait radouber à la hâte, les dépêcha pour visiter soigneusement les îles : il recueillit par ce moyen la plus grande partie de ses soldats, qui regagnèrent leurs quartiers d'hiver, où Germanicus leur fit oublier leurs disgrâcés par ses soins, ses bontés et ses largesses.

Une nouvelle campagne suffisait pour terminer

la guerre, en forçant l'ennemi à demander la paix : mais Tibère, dévoré de soupçons et de jalousie, ne cessait d'écrire à son fils les lettres les plus pressantes, pour l'engager à venir recevoir les honneurs du triomphe. Germanicus supplia son père de le continuer encore un an dans le commandement, pour mettre la dernière main à son ouvrage. Tibère attaqua plus vivement sa modestie, en lui offrant un second consulat, dont les devoirs exigeaient sa présence. Germanicus obéit, sentant cependant que toutes les offres et les raisons de Tibère n'étaient que des prétextes qu'inventait la jalousie, pour lui enlever une gloire justement acquise.

Telle fut l'issue de la guerre germanique (c'est la désignation que lui donnent les anciens historiens), que cependant on peut appeler avec autant de fondement la guerre belgique, puisque cette guerre, qui a été portée dans la Germanie, a été préparée dans la Belgique. C'est en effet dans la Belgique que les armées ont été formées et exercées; c'est de la Belgique, qui était comme leur arsenal, leur marché et leur entrepôt, que ces armées tirèrent leurs subsistances, leurs approvisionnemens, leurs habillemens, leurs équippemens, leurs armes, leurs machines; c'est de la Belgique qu'ils partaient en été pour se battre; c'est dans la Belgique qu'ils revenaient en hiver pour se

reposer.

Germanicus, à son retour, fut honoré d'un magnifique triomphe : les marques d'amour et de vénération que le peuple romain s'empressa de lui prodiguer, aigrit la haine envenimée et redoubla la défiance inquiète et la basse jalousie de Tibère.

Le sombre tyran, ne voyant plus dans ce vertueux prince qu'un objet odieux, dont il avait juré et préparé la perte, lui donna le commandement de l'Asie. Le jeune prince mourut à Antioche, accusant Pison, gouverneur de la Syrie, homme digne d'être le ministre des crimes de Tibère, de l'avoir empoisonné.

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