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CHAPITRE X I I.

LES Francs pénètrent dans la seconde Germa-
nique.-Grande défaite des Romains. — Ar-
bogaste fait périr Valentinien II: il entre
sur le territoire des Francs, et ravage le pays
des Bructères et des Chamaves : il est battu
par Théodose, et se tue. - Partage de l'em-
pire. Nouvelles entreprises des Francs,
réprimées par Stilicon. - Les Vandales fon-
dent sur la première Germanique et la se-
conde Belgique, où ils commettent d'horri-
bles ravages.
Les Romains réunis aux
Francs et aux Belges, commandés par le
tyran Constantin, remportent une grande
victoire sur les Vandales. -Les Belges
s'associent aux Francs et se soustrayent aux
Romains. Constantin, pris dans Arles, est
massacrě. Paix entre les Francs et les
Romains. Fondation du royaume des Ri-
puaires.

Les Francs avaient pour chefs Génobalde, Mar- 388.

comir et Sunnon, qui se jetèrent dans la seconde Germanique, portant le fer et le feu dans les cantons les plus fertiles de cette province. Déjà, Cologne menacé tremblait dans ses murs. La nouvelle de cet événement parvint jusqu'à Trèves. Nannius et Quintin, chefs de la milice, à qui Maxime avait confié la jeunesse de son fils et la défense de ses états, ayant levé une armée, se réunirent à Co

Greg. Tur., lib. 2, c. 9.

logne; mais les barbares, chargés du riche butin qu'ils avaient emporté des meilleures contrées qu'ils avaient ravagées, repassèrent le Rhin, laissant une bande assez considérable dans les terres de l'empire pour défendre leurs conquêtes et renouveler leurs brigandages: ils pénétrèrent dans la forêt Charbonière, c'est-à-dire, dans le Hainaut, où ils essuyèrent une sanglante défaite, dans laquelle ils perdirent un grand nombre de leurs soldats. Les Romains, encouragés par ce succès, songeaient à attaquer les Francs dans leur propre pays; mais Nannius, considérant que les barbares, ayant eu soin de pourvoir à tous les moyens nécessaires pour leur défense, seraient infailliblement plus redoutables dans leur pays, s'opposa à ce projet. Quintin et les autres chefs de l'armée, choqués de l'opposition qu'apportait Nannius à leur dessein, profiterent du moment où il était retourné à Mayence. Quintin passa le Rhin avec son armée auprès de la forteresse de Nuys. Les Francs, feignant d'être épouvantés, se retirent dans les forêts éloignées, dont ils entourent les avenues avec de fortes palissades. Les Romains, marquant tous leurs pas par la dévastation, se jettent dans ces forêts. Les Francs, perchés sur les arbres, lancent sur les Romains une grêle de flèches empoisonnées. Le désordre et la confusion s'emparent de la cavalerie, qui tâchait de se dégager des fondrières des marais, et de l'infanterie qui cherchait à se tapir dans l'épaisseur du bois. Les légions furent hachées : il n'échappa à ce vaste . carnage que ceux qui, à la faveur de la nuit, trouvèrent le moyen de se sauver dans le fort du bois. Cette bataille avait commencé à midi. Quintin fut la victime de sa téméraire opiniâtreté.

Cependant, l'ambition multipliait les crimes et les troubles dans l'empire. L'empereur Valentinien y périt par les intrigues et l'audace d'un sujet altier, qu'il avait trop élevé et trop abaissé. Arbogaste, qui, selon plusieurs auteurs, était Ménapien, Ripuaire ou Arboriche, né dans la Campine, et que l'empereur Théodose avait appelé à son service, où il s'était distingué par ses talens et ses exploits, s'étant tout-à-coup paré du titre de général, vit, par les efforts que fit Valentinien pour l'en dépouiller, qu'il ne pouvait conserver ce titre usurpé, que par un crime: il fit étrangler le jeune Valentinien, à qui il substitua le rhéteur Eugène, sous le nom duquel il se proposait de gouverner.

392. Zosim.

ibid.

Arbogaste, dominé par son ambition, qui n'était Greg. Tur., pas assouvie par la prépondérance que ses services et ses crimes lui avaient procurée dans l'empi

re,

voyait avec une secrète indignation, que Sunnon et Marcomir exerçassent une autorité royale sur ses concitoyens. La haine qu'il leur portait dans son cœur, était nourrie, aiguisée par ce sentiment de jalousie et cet esprit de rivalité qu'éprouve un ambitieux qui se croit fait pour commander, en voyant des supérieurs dans ceux qu'il croit faits pour lui obéir: il partit pour Cologne dans le fort de l'hiver il choisit cette saison, parce qu'il considéra qu'il mettrait aisément le feu dans les retraites les plus éloignées des Francs, parce que les arbres dépouillés et les forêts desséchées ne pourraient plus leur servir ni de retraite, ni d'embuscade: il passe donc le Rhin à la tête d'une armée, et ravage impunément le pays des Bructères et celui des Chamaves. Marcomir amena un petit nom

394. Oros., 7, c. 36.

395.

lib.

bre de Cattes et d'Ampsivariens, qui ne firent que se montrer sur le haut des montagnes.

Théodose, pour venger cet affront, ayant rassemblé une puissante armée, remporta près d'Aquilée une victoire décisive sur l'usurpateur Eugène, qui fut traîné, chargé de chaînes, aux pieds du vainqueur. Théodose le fit mourir. Le superbe Arbogaste, fugitif, échappa au supplice qui l'attendait, en se donnant la mort.

Théodose, paisible possesseur de l'orient et de l'occident, mourut l'année suivante, après avoir partagé l'empire à ses deux fils, Arcadius, qui eut l'orient, et Honorius, qui eut l'occident: il chargea Rufin et Stilicon de gouverner la jeunesse et les états de ses deux fils, le premier d'Arcadius, et le second d'Honorius.

Le commencement du règne d'Honorius fut troublé par les nouvelles entreprises des Francs, qui détestaient le joug des Romains. Stilicon, de la raOros., 17, ce des Vandales, qu'Orose représente comme une

c. 37.

nation lâche, avare, perfide et artificieuse; Stilicon, qui n'avait de barbare que le nom et la naissance, sut, par sa présence et son ascendant, appaiser ces nouveaux troubles : il parcourut rapidement les contrées baignées par le Rhin et habitées par les Francs, sans troupes et presque sans cortége, dit le poète Claudien. Les rois et les peuples de ces provinces, de l'Elbe au Rhin, Sicambres, Francs Bructères, Chérusques, Cimbres, accoururent en foule sur le passage de Stilicon, s'humilier et se prosterner devant la puissance du ministre, se soumettant à l'autorité et se livrant à la discrétion d'Honorius. Stilicon leur accorda la paix qu'ils im

ploraient, et qu'ils obtinrent comme une grâce signalée. Claudien, dans son poème, sur le quatrième consulat d'Honorius, a embelli ces détails des agrémens de la poésie, et certainement des exagérations de la flatterie. Orose, dans son septième livre, cité par Grégoire, de Tours, dit que Stilicon, ayant assemblé une puissante armée, dompta les Francs, passa le Rhin et traversa les Gaules. Ces deux passages, qui ont pour objet la même expédition, rapportée avec simplicité par un historien impartial et désintéressé, et défigurée avec emphase par un poète flatteur, mais tous deux contemporains, suffisent pour en attester et en démêler la vérité, en rectifiant les mensonges intéressés du poète par le récit simple de l'historien.

L'ambitieux Stilicon, profitant de la faiblesse du jeune Honorius, tâcha, par des intrigues sourdes, de mettre le diadême sur la tête de son fils Euchérius; mais il ne pouvait parvenir à son but qu'en affaiblissant et en troublant l'empire: il crut donc que le moyen le plus sûr était de livrer les états d'Honorius aux barbares, qui, s'il est permis de parler ainsi, étaient comme en embuscade pour at→ tendre le moment favorable pour fondre sur cette proie il ouvrit donc le chemin de l'empire aux Vandales. Ce sont là du moins les projets et les actions que tous les historiens prêtent à Stilicon : ce ne sont peut-être que des conjectures hasardées, que des apparences probables, que l'imagination des historiens transmet à la postérité comme des vérités indubitables. Le désir de paraître, ou mieux instruit, ou plus profond, a souvent rendu l'imagination des historiens trop féconde : ils veulent re

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