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par lequel les troupes, venant de l'Italie par la Méditerranée, en s'embarquant sur le Rhône, auraient passé par ce canal de la Saône à la Moselle, de la Moselle au Rhin, du Rhin à l'Océan; mais Elius Gracilis, gouverneur de la Belgique, emporté par une basse jalousie, allégua que le mo¬ tif qui engageait Vétus à former cette entreprise, était de faciliter aux légions romaines le moyen de venir promptement dans sa province pour y fortifier et y soutenir le parti qu'il tachait de s'y former en se popularisant. Cette entreprise, ajoutaitil, inspirait des inquiétudes à l'empereur. C'est souvent sous ce prétexte, dit Tacite à cette occasion, qu'on a fait avorter les projets les plus utiles. La longue inaction des armées romaines accré Tacit.,ibid., dita le bruit qu'on avait retiré aux gouverneurs c. 54, 55, 56. des provinces le droit de faire marcher contre les ennemis les troupes qu'ils commandaient. Les Frisons, dans cette idée, ayant laissé leur jeunesse dans leurs forêts et leurs marécages, firent traver→ ser les lacs à ceux à qui l'âge ne permettait pas de porter les armes, pour les amener sur les riva ges voisins, et ils s'emparèrent des campagnes abandonnées et réservées pour l'usage des soldats romains. Ce plan avait été conçu par Verritus et Malorix, rois de ces peuples, autant que l'on peut dire que les Germains étaient gouvernés par des rois : déjà ils y avaient construit des habitations; ils y avaient même ensemencé des champs, comme s'ils avaient été dans leur propre pays; mais Dubius Avitus, qui avait succédé à Paulin dans le gouvernement de la seconde Germanique, intima à ces peuples l'ordre de se retirer dans leurs terres,

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en les menaçant de toute la puissance romaine s'ils n'abandonnaient promptement les terres qu'ils avaient usurpées sans droit et sans autorisation. Cet ordre effraya les deux rois, qui prirent le parti de se rendre à Rome pour y implorer la grâce de l'empereur. Comme ils ne purent, dans les premiers jours de leur arrivée, obtenir une audience de Néron, on les conduisit au théâtre de Pompée, afin qu'ils pussent, comme d'un coup-d'oeil, voir tout le peuple romain assemblé. Ces deux princes, peu sensibles aux agrémens du spectacle, dont ils ne connaissaient ni ne goûtaient les beautés, n'étaient occupés qu'à contempler le vaste cercle où l'assemblée était rangée selon les états et les rangs, et ils s'informèrent où était la place des chevaliers, la place des sénateurs. Comme ils avaient remarqué sur les siéges de ces derniers des personnages qui portaient un habillement étranger, ils demandèrent qui ils étaient. L'honneur de siéger dans ce rang, leur répond

on,

est accordé aux ambassadeurs des nations qui se distinguent par leur valeur et par leur attachement aux Romains. Si cela est, s'écrientils, il n'est point, sans doute, de peuple qui ait plus de bravoure ni de loyauté que les Germains; et ils quittent leurs places pour aller s'asseoir au rang des sénateurs. Ce trait plut à tous les spectateurs, qui n'y virent qu'un mouvement d'une candeur antique et d'une louable émulation. Néron accorda aux deux princes le titre de citoyen romain; mais il ordonna aux Frisons de se retirer du terrain dont ils s'étaient emparés. Cependant ils eurent l'imprudence de mépriser cet ordre: il fallut même, pour les contraindre à obéir, envoyer con

tre ces rebelles, une forte cavalerie; et ceux qui avaient montré une résistance plus obstinée furent. pris ou tués.

Les Ansibariens, qui habitaient une partie du pays situé entre l'Ems et l'Issel, vinrent s'établir dans les terres que les Frisons avaient été forcés d'abandonner. Les Ansibariens étaient une nation plus redoutable que les Frisons, non-seulement par le nombre, mais par l'intérêt que leur déplorable sort inspirait à leurs voisins. Ces peuples malheureux, que les Cauques avaient chassés de leur pays, se trouvant sans retraite et sans asyle, ne demandaient que la grâce d'obtenir un exil où ils pussent du moins trouver leur sûreté et leur repos. Leur chef, dont le nom était Boiocalus, aussi estimé de ses concitoyens pour sa valeur, que des Romains, pour sa fidélité, appuya vivement leurs plaintes et leur demande : il rappela aux Romains qu'àprès avoir soutenu leur parti dans la révolte des Chérusques, il avait été fait prisonnier par Arminius, et que depuis il avait servi dans les armées romaines sous Tibère et sous Germanicus. « Si

cinquante ans d'une fidélité constante ne suffi»sent pas, ajoute-t-il, pour prouver mon attache» ment, j'en donne maintenant une nouvelle preu» ve en mettant toute ma nation sous votre em

pire. Toute cette vaste étendue de terre que vous »ne réservez que pour le pâturage des troupeaux » et des chevaux destinés à la nourriture et au ser»vice de vos soldats, n'est-elle pas plus que suf

fisante pour cet usage? Gardez-y la portion qui » vous est nécessaire pour vos bestiaux ; mais souffrez que les hommes y trouvent du moins une

petite retraite qui les soustraie à la faim et à la misère. Vous préférerez sans doute un peuple ami, » à une vaste solitude. Ces champs ont successi»vement appartenu aux Chamaves, aux Tuban

tes, aux Usipêtes. Le ciel est destiné pour le sé»jour des dieux, comme la terre pour être l'habi»tation des hommes, et les terres qui sont vagues, "sont communes ». Après avoir prononcé ces paroles, il lève les yeux aux ciel, contemple le soleil, invoque les astres. « Sacrés flambeaux! dit"il, qui dispensez la lumière aux malheureux mortels, pourrez-vous éclairer une solitude vague? Vous la couvririez plutôt des eaux de la » mer pour en ôter la jouissance aux injustes usurpateurs qui voudraient la ravir à leurs sembla»bles. "

Avitus fut cependant touché des ces expressions pathétiques. "Telle est, dit-il, la destinée humai

ne, telle est la volonté divine : les peuples doi» vent supporter le pouvoir du plus fort. Ces dieux » mêmes que vous implorez ont voulu accorder

aux Romains le droit de disposer des terres selon leur volonté pour les ôter ou les donner aux nations; et les dieux seuls sont leurs juges. » Telle fut la réponse qu'Avitus donna en public aux Ansibariens; cependant il dit en particulier à Boiocalus, que pour le récompenser de sa fidélité, on lui donnerait des terres; mais ce généreux citoyen rejeta avec un noble dédain cette offre insidieuse dans laquelle il ne voyait que le prix d'une trahison. Si la terre, ajouta-t-il, manque quelquefois aux malheureux pendant leur vie, elle ne leur manque jamais après leur mort ». Après

cette conférence, les deux partis se séparèrent avec le mécontentement dans le cœur...

Les Ansibariens appelèrent à leur secours les Bructères, les Tenchtres et les peuples voisins. Avitus, de son côté, écrivit à Curtilius Mancia, gouverneur de la première Germanique, pour l'engager à passer le Rhin comme pour prendre les ennemis par derrière. Curtilius ne tarda pas à ame ner ses légions dans les terres des Tenchtres, qu'il menaça d'une entière destruction, s'ils n'abandonnaient pas le parti des Ansibariens. Les Tenchtres effrayés se retirèrent de la ligne les Bruchtères, frappés de la même crainte, prirent le même parti, et les autres nations désertèrent également une cause étrangère, dont ils ne partageaient que les dangers. Les Ansibariens, abandonnés à leurs seuls forces, se retirèrent dans les pays des Usipètes et des Tubantes, qui les chassèrent, et ces malheureux fugitifs, qui depuis étaient venus mendier un asyle chez les Cattes, puis chez les Chérusques, après avoir traîné leur misère de contrées en contrées, toujours traités conime vagabonds et comme ennemis, furent exterminés en détail, et les enfans furent partagés comme une vile proie pour être réduits à l'humiliante condition d'esclaves.u

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Xiphil. in
Ner.
An deJ.-C.,

Avitus et Mancia, par un gouvernement sage, avaient su maintenir la tranquillité dans les deux Germaniques; mais leurs successeurs, qui furent 64. les deux frères Scribonius, ne purent les préserver des fureurs de Néron. Ces deux vertueux citoyens, renommés pour l'intimité de leur union et la conformité de leurs goûts, de leurs moeurs et de leurs principes, devinrent eux-mêmes les victimes de la

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