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écrivaient au défunt des lettres qu'on jetait dans le bûcher, afin qu'il pût les lire. Ils pensaient apparemment que le papier brûlé ressuscitait comme les corps, après les obsèques. Qu'on examine bien les usages et les mœurs des peuples sauvages, et l'on trouvera des traits de ressem blance frappans avec ceux des anciens. Les Américains brûlaient avec le mort ses habits et ses armes. Tous les voyageurs racontent que dans ces contrées barbares où la femme se brûle sur le bucher de son mari, on lui apporte des lettres, des bonnets, du linge, des souliers, dont elle fait un paquet, et qu'alors on met le feu au bûcher. Les habitans du royaume de Siam arrangent autour du bûcher des papiers où sont peints des meubles, des jardins, des maisons, des animaux, des fruits, en un mot, tout ce qui peut contribuer à la commodité et à l'agrément de l'autre vie. Dans plusieurs peuplades de l'Asie et de l'Afrique, aux funérailles d'un personnage de distinction, on égorge et l'on enterre avec lui cinq ou six de ses esclaves. Chez les anciens Romains, on égorgeait également des vivans pour honorer les morts. On donnait un combat de gladiateurs devant le bûcher; c'était un véritable massacre, auquel on donnait le nom de spectacle, ou, ce qui est encore plus choquant, de jeux funéraires. On me pardonnera cette espèce de digression, que je ne crois pas étrangère au sujet, à cause de l'étonnante conformité qu'elle présente avec les usages des vieux Gaulois.

Mais il ne paraît pas que cette affreuse coutume fût suivie par les Germains, puisqu'ils ne mettaient aucune ostentation dans les funérailles. Toute la cérémonie consistait à brûler avec un bois spécialement choisi pour cet

pas

usage (a) les corps des personnes distinguées. On ne répandait pas des parfums sur le bûcher, on n'y entassait des vêtemens. Le défunt emportait ses armes au tom. beau (b). C'était une règle générale. Le cheval était quelquefois brûlé avec le maître. Le tombeau était couvert de gazon. Tacite, comme on voit (car c'est lui qui nous a laissé ces détails), ne fait aucune mention d'hommes jetés vivans dans les flammes. Or peut-on supposer que cet historien, qui a si soigneusement rapporté les usages des Germains dans toutes leurs circonstances, aurait omis celle-ci, qui est très-importante?

Cependant cette coutume barbare était suivie par les Hérules, les Gètes, les Thraces, les Scythes, et l'on pourrait en conclure qu'elle était également pratiquée chez les Germains, leurs voisins. Mais que l'on fasse attention que Tacite borne ses portraits aux Germains voisins du Rhin, qui étaient ceux qu'il connaissait le mieux, parce qu'il avait habité leur pays. Si donc l'on veut croire que les funérailles sanglantes étaient observées dans la Germanie, ce n'était probablement que dans les peuplades plus voisines des barbares du Nord.

(a) Les Talapoins brûlaient les corps les plus distingués sur un bâcher composé de bois précieux.

(b) En France, les chevaliers étaient mis en terre avec leurs armes et leurs chevaux. Un trait particulier, rapporté par Olivier de la Marche, liv. I, ch, 25, , p. 372, prouve que cette coutume s'était conservée en Belgique, « Le corps de messire Corneille, dit-il, fust envoyé à » Bruxelles, et le feit enterrer la duchesse ( de Bourgogne) à sainte Goule » (sainte Gudule) moult honorablement, et fust mise sur lui sa ban» nière, son étendart et son pennon. »

Mais que doit-on penser des Belges à ce sujet? Cette pratique cruelle était-elle suivie dans ce pays? Des Roches prétend que non, et il fonde son opinion sur le silence des historiens dont aucun, en effet ne l'a positivement affirmé. Cette preuve négative est-elle bien concluante? Je ne le crois pas. Les Belges étaient issus en partie des Germains, en partie des Gaulois, et ils avaient sans doute, à peu de chose près, conservé les mœurs de leurs pères. Ainsi ceux qui descendaient des Germains méridionaux, ne connaissaient probablement pas cet usage barbare: on doit le croire du moins, puisque, d'après Tacite, il n'existait pas chez ces derniers. Mais il avait été long-temps en vigueur chez les Gaulois. Pourquoi donc cette coutume n'eûtelle pas été commune à ceux des Belges qui en descendaient? Si les historiens ne l'ont pas dit positivement, comme l'observe Des Roches, qui n'a que ce silence pour preuve de son opinion, c'est qu'en parlant des Gaulois, ils comprenaient sans doute sous ce terme générique les Belges, qui étaient une portion de la nation. Il est donc bien probable que cette coutume était anciennement pratiquée par les Belges comme par les autres Gaulois, et que quand elle est tombée en désuétude, elle a cessé chez les uns comme chez les autres. Mais on a pu croire qu'elle s'est conservée dans la Belgique, quand elle était déjà abolie dans les autres parties des Gaules, puisque dans le tombeau de Childéric, mort en 482, et enterré à Tournai, on a retrouvé un squelette humain avec la tête, une tête d'homme ou de femme, moins grosse, et une tête de cheval (a). Je con

(a) Le tombeau de Childéric a été découvert à Tournai, en 1653.

çois cependant qu'il est possible que cette coutume ait été perdue pour un temps avec la race des anciens Belges, issus des Gaulois, qui avait à-peu-près disparu au temps de Childéric ; mais que les Francs, peuples formés de la réunion de plusieurs nations germaniques du Nord, étant venus repeupler la Belgique dans les quatrième et cinquième siècles, ont pu y introduire, comme l'observe Des Roches, avec le culte d'Odin et de Thor, les usages barbares établis dans le nord de l'Europe par ces conquérans déifiés. Ces Belges, issus des Francs, étaient donc comme un peuple nouveau, qui aura adopté ou plutôt suivi les coutumes de la nation dominante.

Je remarque qu'on a quelquefois avancé que les coutumes barbares ou les usages bizarres des Germains et des Gaulois n'étaient pas communes aux Belges. Ceux qui en ont ainsi parlé ont plutôt écouté le sentiment du patriotisme que la voix de la vérité, voulant laver leurs ancêtres de l'espèce de tache que pourrait imprimer au nom belge le souvenir de la barbarie dans laquelle ils ont été plon. gés. Mais qu'on pense bien qu'ils ont cela de commun avec tous les peuples de la terre dans l'enfance des sociétés ; et d'ailleurs, si l'on me faisait un reproche à ce sujet, je répondrais ce qu'a dit quelque part Des Roches: « J'écris l'histoire des Belges, et non leur apologie, » et j'ajouterais avec Cicéron: La première loi de l'histoire est la vérité, c'est-àdire, que l'historien ne doit pas se permettre d'avancer ce qui est faux, ni craindre de taire ce qui est vrai, afin qu'on ne puisse le soupçonner de partialité ou de prévention (a).

(a) Cic. de Orat., lib. 2.

GOUVERNEMENT.

Les Belges doivent être divisés en septentrionaux et en méridionaux. C'est la distinction que la nature indique. Les premiers étaient issus des Germains, les seconds des Gaulois, et ils avaient conservé les uns et les autres les mœurs, les usages, les arts, le langage et les institutions de leurs ancêtres. Ainsi tout ce que Tacite, César, Pline, Strabon et Diodore ont dit des Germains et des Gaulois, appartient aux Belges, du moins en partie; car on risquerait beaucoup de se tromper, si l'on croyait que tous les traits que rapportent ces écrivains, conviennent indistinctement à ces derniers. Les peintures générales qu'ils en tracent, renferment des nuances qu'on peut leur appliquer; mais il faut les saisir avec discernement, c'est-àdire, qu'il ne faut leur attribuer que celles dont on trouve des traces visibles soit dans l'histoire, soit dans les lois, soit dans les usages.

Pour se former une idée du gouvernement des anciens Belges, il faut donc examiner d'abord quel était le gouvernement des Gaulois et des Germains.

Si l'on remonte à la plus haute antiquité, la multitude, chez les Gaulois choisissait tous les ans un prince, ou plutôt, un premier magistrat pour veiller aux inté rêts de la république, et un directeur de la guerre (a). Voilà, sinon une démocratie, du moins une monarchie tempérée, si toutefois on peut donner le nom de monar

(^) Strabo, lib. 4.

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