Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

S. II.

Seconde et troisième campagnes. Expedition contre les Morins, Expedi tion de Sabinus et de Cotta contre les Menapiens.

Les Morins et les Ménapiens, que les forces de César n'avaient pu ébranler, que ses menaces n'avaient pu épou vanter, étaient les seuls peuples qui n'eussent pas déposé les armes ni demandé la paix (a). Le fier conquérant, indigné que deux nations, qui étaient si inférieures aux Nerviens en forces et en ressources, osassent lui opposer une si vigoureuse résistance, résolut d'employer le reste de la campagne pour les soumettre. Il entra donc dans la partie méridionale du pays des Morins (b). Mais ces peuples, à qui les exemples de leurs voisins avaient appris qu'ils tenteraient vainement de résister à la tactique et à la discipline des Romains, prirent le parti de les fatiguer par des irruptions et des attaques imprévues, ou de les déconcerter, selon les circonstances, par des ruses et des stratagèmes combinés. Comme ils voyaient que des nations formidables, qui avaient eu la présomption de se mesurer avec les Romains en bataille rangée, avaient été forcées de céder ou de fuir, ils eurent le bon esprit de profiter des avantages que leur offrait la nature du pays, qui, des frontières de l'Artois aux confins de la Flandre, étant couvert de bois et de marécages, présentait comme un rempart inaccessible aux légions ro

28 et 29.

(a) Cæs., lib. 3, , cap. (b) C'est le canton qui correspond à la partie de l'Artois, où est Hesdin.

maines. Ces peuples, qui n'habitaient pas dans des villes, mais dans des chaumières, se retirèrent dans leurs impénétrables asyles avec tous leurs objets les plus précieux. César parvenu à l'entrée de ces forêts, et voyant qu'aucun ennemi n'apparaissait, commençait à y établir son camp, lorsque tout-à-coup, pendant que les soldats romains étaient dispersés dans les différens endroits où le travail les appelait, les ennemis, accourant de tous les points de la forêt, sondent avec impétuosité sur les Romains. Ceux-ci saisissent promptement leurs armes, et repoussent les Morins dans leurs forêts, après en avoir tué un assez bon nombre. Mais les Romains s'étaient trop avancés ; et se trouvant ainsi engagés dans de mauvaises positions, perdirent de leur côté quelques hommes. César, dé sespérant de parvenir à arracher ces espèces de sauvages de leurs retraites, conçut le projet étonnant d'abattre ces immenses forêts, qui, depuis tant de siècles, avaient résisté aux ravages du temps.

La difficulté de l'entreprise ne rallentissait pas l'ardeur des Romains. Déjà ils étaient parvenus aux habitations, que César livra aux flammes et au pillage. Mais quel fut son étonnement, quand, après avoir tout détruit, tout saccagé, tout dévasté, il rencontra des forêts plus épaisses, qui fournissaient un nouveau refuge aux Morins fugitifs? Il se vit donc obligé de s'arrêter sur les débris fumans de ces tristes bourgades. Il s'était trop confié dans ses forces et dans sa fortune: il avait compté qu'avant l'automne, il aurait eu aisément dompté ces nations, dont il méprisait la faiblesse. Mais la résistance qu'il éprouva, déconcerta ses projets, et les incommodités de la saison,

les pluies abondantes, les vents fougueux, devinrent si insurpportables aux Romains, qu'ils ne purent résister plus long-temps aux intempéries de cet âpre climat, auquel ils n'étaient point faits. César fut donc forcé de ramener ses légions dans ses quartiers d'hiver, avec l'intention toutefois d'y revenir.

Il ne remit en effet le soin de consommer son entreprise qu'à la campagne suivante, qui lui présenta beaucoup moins de difficultés ; car la partie du pays des Morins qui correspond au Boulonnais, était, par les abattis que les Romains y avaient faits l'année précédente, presque entièrement ouverte. Ces peuples, prévoyant donc que l'infatigable conquérant, qui avait résisté avec une constance si opiniâtre aux premiers obstacles, parviendrait enfin à pénétrer par la force dans leur pays, prirent le parti de venir lui présenter leurs excuses et leurs soumissions (a). César les accueillit favorablement et les traita humainement, moins sans doute par un mouvement de clémence que par une vue d'intérêt : il lui importait en effet d'être assuré de la fidélité de cette nation, parce que, méditant dans ce moment une expédition dans la Grande-Bretagne, il ne voulait point laisser d'ennemis par derrière.

Mais les Morins qui habitaient la partie de la Flandre, où sont actuellement les villes d'Ypres, de Cassel, etc., se sentant défendus par les forêts et les marais dont ce pays était couvert, s'obstinèrent constamment dans leur résistance.

Cependant une partie de ces Morins du Boulonnais,

(a) Cæs., lib. 4, cap. 22.

dont César avait reçu les excuses et les soumissions, osa, au mépris du traité, reprendre les armes. Cet acte de témérité ne fut vraisemblablement que l'effet d'une nouvelle fondée sur un cas fortuit (a). Une troupe de trois cents soldats, montés sur deux vaisseaux qui s'étaient écartés de la flotte que César ramenait de l'île des Bretons, avait débarqué dans un endroit isolé, et tâchait de retrouver ou de regagner les ports où leurs compagnons avaient abordé. Les habitans de ce canton, croyant voir dans cette petite troupe de Romains les débris de l'armée de César, les arrêtèrent et les entourèrent en les menaçant de les massacrer, s'ils ne rendaient les armes. Ces braves Romains soutinrent pendant un combat de quatre heures le choc des Morins, qui s'étaient attroupés au nombre de six mille. César envoya dans le jour même au secours de ces braves, toute sa cavalerie, qui chargea et dispersa les Morins, dont un grand nombre fut massacré. Tout ce canton fut saccagé par Labienus, à qui César attribue la gloire d'avoir vaincu ces peuples (b), qui ( un mot de César atteste ce fait (c)), furent mis sous la dépendance de Comius, roi des Atrébates, dont les services lui avaient mérité la confiance de César.

Les Morins de la Flandre ont-ils essuyé le même sort? Ce problème historique n'est pas facile à résoudre, et le silence ou le texte équivoque des Commentaires réduit l'historien aux conjectures. César dit dans un endroit, qu'il envoya Labienus contre ceux des Morins qui, après

(a) Cæs., lib. 4, cap. 37.
(b) Id., ibid., cap. 38.
(c) Id., lib. 7, cap. 76.

le traité conclu, avaient repris les armes (a); c'est du moins le sens qu'on doit vraisemblablement et grammaticalement donner au texte. Or ces Morins, qui étaient ceux du Boulonnais, tombèrent tous au pouvoir de Labiénus.

Mais dans un autre passage (b), il avance que les Ménapiens étaient le seul peuple de la Belgique qui n'eût point demandé la paix. Les Morins avaient donc été, comme les autres, ou domptés ou soumis (c'est du moins la conclusion qu'on peut en tirer sans forcer le sens du texte), soit par Labienus, soit par Sabinus et Cotta, à qui César, en partant pour l'île des Bretons, avait confié une partie de son armée pour pénétrer dans le pays des Ménapiens ou dans les cantons des Morins qui n'étaient point soumis (c).

Si, d'un autre côté, les Morins n'avaient pas été entiè rement subjugués, ils auraient sans doute reparu dans cette ligue des différens peuples des Gaules, qui, dans la cinquième campagne de César dans la Belgique, repri rent les armes contre les Romains. Les Ménapiens, les Tréviriens, les Eburons, les Nerviens, les Atuatiques, recommencèrent les hostilités; les Morins n'y figurent point: ils étaient donc probablement soumis, et cette soumission aura été l'ouvrage de Sabinus et de Cotta.

C'étaient toujours les Ménapiens qui étaient les plus obstinés dans leur résistance. Ces peuples, qui avaient refusé de faire aucune espèce de soumission ou de proposition aux Romains, s'étaient enfoncés dans les vastes

(a) Id., lib. 4, cap. 38.
(b) Id., lib. 6, cap. 5.
(c) Id., lib. 4, cap. 38.

« VorigeDoorgaan »