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» jurés et juges qui composez le tribunal révolution» naire, dit Marat, le sort des criminels de lèse-nation » est dans vos mains; protégez l'innocent et punissez » le coupable, et la patrie sera sauvée. »

La foule, les officiers municipaux en écharpe, les gendarmes, les gardes nationaux, s'élancent vers l'Ami du peuple et lui posent sur la tête des couronnes de chêne et de laurier. Chacun veut rassasier ses yeux de la vue de ce grand citoyen. Deux sapeurs l'élèvent dans leurs bras et le conduisent du palais à la Convention. Les quais, les rues, les ponts, les croisées, les toits sont remplis de spectateurs, hommes, femmes et enfants qui crient: Vivent la république et Marat! L'entraînement est général, mais sans désordre.

Le cortége arrive à la Convention; Lasource, qui préside, veut lever la séance; Danton l'en empêche. On admet à la barre Rocher, sapeur volontaire, qui s'exprime ainsi : « Citoyen président, je demande la » parole pour annoncer que nous amenons ici le » brave Marat. (Une grande partie de l'Assemblée et >> toutes les tribunes applaudissent.) Marat a toujours » été l'ami du peuple, et le peuple sera toujours » pour Marat. On a voulu faire tomber ma tête à » Lyon pour avoir pris sa défense; eh bien, s'il faut » que la tête de Marat tombe, la tête du sapeur tom» bera avant la sienne. Nous vous demandons, pré»sident, la permission de défiler dans l'Assemblée; » nous espérons que vous ne refuserez pas cette fa

>> veur à ceux qui ont accompagné l'Ami du peuple. >> La Convention ayant fait droit à cette demande, les citoyens défilent dans la salle en chantant des airs patriotiques, se répandent sur les bancs des députés, et se confondent avec eux. La joie la plus pure les anime; ils font entendre de nouveau les cris de vive la république! vive Marat! Enfin paraît Marat luimême, escorté par les officiers municipaux; les acclamations redoublent. Il avait la tête ceinte d'une couronne de laurier. Ses collègues patriotes le félicitent, l'embrassent, le portent à la tribune, où il annonce qu'il continuera de défendre les droits du peuple, avec toute l'énergie dont il est capable.

En sortant, le cortége de Marat l'entraîne aux Jacobins. Des femmes ont apporté des couronnes de chêne. Le président lui en offre une, au nom de la société. Un petit enfant monté sur le bureau lui en pose une autre sur la tête. «Ne vous occupez point » de décerner des triomphes, dit l'Ami du peuple, » défendez-vous de l'enthousiasme. Je vous blâme » aussi de crier vive Marat. Ce cri n'est pas républi» cain, et si j'étais un traître, il me serait facile de » vous opprimer. Je dépose sur le bureau les deux » couronnes que l'on vient de m'offrir, et j'invite mes » concitoyens à attendre la fin de ma carrière pour » me juger. » Les Jacobins, dont l'enthousiasme redouble, arrêtent qu'il faut chasser de toutes les administrations les traîtres et les aristocrates. A cet effet,

ils prient l'Ami du peuple de noter sur les listes des fonctionnaires ceux qu'on devra conserver et ceux qui devront être chassés.

La mise en accusation de Marat fut une faute capitale des Girondins. Un jugement solennel les déclara calomniateurs, et le triomphe de l'Ami du peuple augmenta beaucoup le nombre de ses partisans; car les hommes se laissent toujours entraîner par l'exem ple. D'ailleurs ses ennemis établirent un précédent qui devait nécessairement tourner contre eux : Toute iniquité, dit la Sainte Écriture, est un glaive à deux tranchants, et celui qui s'en sert en périra lui-même.

LIVRE QUATORZIÈME.

(DU 30 AVRIL AU 10 aout 1793.)

Vendée. - Insurrection du 31 mai.

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Constitution de 1793. Révolte des Girondins. Mort de Marat.

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I. Les désastres de nos armées n'étaient pas les seuls malheurs que la faiblesse du gouvernement eût amenés. Plusieurs départements, tels que la Gironde, le Rhône, les Bouches-du-Rhône, étaient en fermentation et refusaient d'obéir aux commissaires de la Convention. Ils provoquaient leur arrestation et même leur assassinat. Le Montagnard Léonard Bourdon, en mission à Orléans avec deux de ses collègues, fut attaqué par des assassins à l'hôtel de ville, presque sous les yeux de la municipalité, qui toléra cet attentat (17 mars).

Les départements de l'ouest se soulevèrent, non pas seulement contre un parti, mais contre la révolution tout entière. Le théâtre de cette révolte fameuse, connue sous le nom de guerre de la Vendée, s'étendait

sur quatre départements: la Loire-Inférieure, Maineet-Loire, les Deux-Sèvres et la Vendée, dont la population s'élevait à plus de quinze cent mille habitants. Une seule grande route traversait le pays: celle de Nantes à la Rochelle. Les autres voies de communications, creusées entre des haies, remplies de fondrières, étaient presque impraticables; à peine les convois pouvaient-ils faire, sur ces chemins, quatre lieues par jour. Aucun pays n'était donc plus propre à soutenir une guerre de partisans contre des armées régulières.

Les habitants, catholiques exaltés et superstitieux, mêlaient à leur culte les formes de l'antique religion des druides. Sédentaires, étrangers à toute spéculation, vivant satisfaits des produits d'une agriculture routinière, ils étaient entretenus dans l'ignorance par leurs curés, dont les mœurs pures et la bonté exerçaient sur eux une influence absolue. Quand le serment des prêtres fut décrété, ceux de la Vendée persuadèrent à leurs paroissiens qu'il n'y avait plus à Paris ni foi ni religion. Les paysans voyant partir, pour refus de serment, les vénérables pasteurs qui les avaient élevés, s'emportèrent en plaintes véhémentes contre la révolution, et des soulèvements troublèrent ce pays dès 1791. Ni l'Assemblée constituante, ni l'Assemblée législative n'étouffèrent, ce qui eût été facile, la révolte dans sa source1.

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Deux Amis de la liberté, t. II. Voir aussi l'excellente His

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