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appui; mais il abandonnait les traîtres aussitôt qu'ils étaient démasqués à ses yeux. Camille n'était point un homme d'État; toutefois, sa loyauté, son ardent amour de la liberté, ses écrits rendirent de grands services à la démocratie.

Son intimité avec Danton faisait rejaillir sur lui les calomnies prodiguées à ce grand homme. Lorsqu'il fut, après son épuration, appelé à la tribune des Jacobins pour subir la même épreuve, on lui reprocha sa défense de Dillon, et ses larmes, lors de la condamnation des Girondins.

Sur le premier chef, Camille avoua qu'il avait cru reconnaître de grands talents dans le général Dillon, mais que, trompé sur son compte, depuis trois mois, il n'avait parlé de lui ni en bien ni en mal.

« A l'égard du mouvement de sensibilité, dit-il ensuite, que j'ai fait paraître lors du jugement des vingt-un, je déclare que ceux qui me font ce reproche étaient loin de se trouver dans la même position que moi. Je chéris la république, je l'ai toujours servie; mais je me suis trompé sur beaucoup d'hommes, tels que Mirabeau, les Lameth, etc., que je croyais de vrais défenseurs du peuple, et qui néanmoins ont fini par trahir ses intérêts. Une fatalité bien marquée a voulu que de soixante personnes, qui ont signé mon contrat de mariage, il ne me reste plus que deux amis, Robespierre et Danton. Tous les autres sont émigrés ou guillotinés; de ce nombre étaient sept d'entre les

vingt-un. Un mouvement de sensibilité était donc bien pardonnable dans cette occasion. Je ne crois pas, au surplus, qu'il y eut beaucoup de royalistes parmi eux.

« Un citoyen. Desmoulins vient de nous avouer ingénument qu'il avait mal choisi ses amis. Prouvonslui que nous savons mieux choisir les nôtres, en l'accueillant avec empressement. »

« Robespierre. Il faut considérer Camille Desmoulins avec ses vertus et ses faiblesses. Quelquefois faible et confiant, souvent courageux et toujours républicain, on l'a vu successivement l'ami des Lameth, de Mirabeau, de Dillon; mais on l'a vu aussi briser ces mêmes idoles qu'il avait encensées. Il les a sacrifiées sur l'autel qu'il leur avait élevé, aussitôt qu'il a reconnu leur perfidie. En un mot, il aimait la liberté par instinct et par sentiment, et n'a jamais aimé qu'elle, malgré les séductions puissantes de tous ceux qui la trahirent. Camille est le meilleur républicain que je connaisse : il en est aussi le plus ancien, et il lui serait même impossible d'être autre chose. J'engage Camille Desmoulins à poursuivre sa carrière, mais à n'être plus aussi versatile, et à tâcher de ne plus se tromper sur le compte des hommes qui jouent un grand rôle sur la scène politique. »

L'admission de Camille fut saluée par de nombreux applaudissements. Ainsi, Robespierre protégeait ses anciens compagnons d'armes contre cette nuée d'hom

III.

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mes nouveaux que l'on appelait patriotes de la troisième réquisition.

VIII. Ce qui se passa dans les départements rebelles accrut encore la division dos républicains. La Convention, en décrétant la destruction de Lyon, avait cédé à un premier mouvement de colère, mais n'avait jamais cru elle-même à la stricte exécution de son décret. Couthon, Maignet et Châteauneuf-Randon, à la tête de huit cents ouvriers, portèrent le premier coup de marteau aux fortifications et « aux maisons fastueuses, souillées par le crime et la rébellion'. On en abattit plus de cinq cents; des rues entières disparurent. Deux tribunaux jugeaient les rebelles les plus coupables; mais le comité de salut public, trouvant que ses commissaires manquaient d'énergie, envoya à leur place Collot-d'Herbois et Fouché.

La commune de Paris délégua un de ses membres, Marino, administrateur de police, avec vingt-cinq autres Jacobins, pour les accompagner. Ronsin les suivit avec l'armée révolutionnaire (8 brumaire).

« Nous le jurons, écrivent Collot et Fouché à leur arrivée, le peuple sera vengé; notre courage sévère répondra à sa juste impatience. Le sot qui fut rougi du sang des patriotes sera bouleversé; tout ce que le vice et le crime avaient élevé sera anéanti, et sur les

1 Lettre a s trois représentants au comité de salut public.

débris de cette ville superbe et rebelle, qui fut assez corrompue pour demander un maître, le voyageur verra avec satisfaction quelques monuments simples élevés à la mémoire des martyrs de la liberté, et des chaumières éparses que les amis de l'égalité s'empresseront de venir habiter pour y vivre heureux des bienfaits de la nature. >>

Ils instituèrent une commission de surveillance, chargée de l'administration de la ville et de l'instruċtion des procès politiques, et remplacèrent, par une commission de cinq juges, les deux tribunaux établis par Couthon. Les juges furent Parrein, président, Corchand, Lafaye, Brunière et Fernex. Ils s'assemblaient le matin de neuf heures à midi, et le soir de sept à neuf, dans la salle du Consulat, à l'hôtel de ville, magnifiquement décorée. Ils étaient coiffés de hauts chapeaux à panaches rouges, et siégeaient en uniformes; un large baudrier noir suspendait leurs sabres, dont la poignée resplendissait sur leur poitrine. Ils portaient en sautoir un ruban tricolore suspendant une petite hache étincelante. Toute la salle

Dans le vestibule du tribunal se trouvait un petit banc tenant à la muraille, en face de la chambre où siégeaient les juges. C'était là qu'on faisait asseoir deux ou trois prisonniers avant de les introduire. Un jour, l'un de ces derniers s'avisa de tirer un papier de sa poche, le mit sous son bras, et, marchant avec l'importance d'un commisgreffier, traversa la salle et le corps de garde et s'évada. On n'attendait pas longtemps, sur ce banc, son admission devant le tribunal. A l'instant fixé, un guichetier ouvrait la porte et faisait signe d'approcher.

était entourée d'une barrière, derrière laquelle se tenait le peuple, avec des soldats de l'armée révolutionnaire. On faisait asseoir l'accusé sur une sellette; deux gendarmes le surveillaient, debout à ses côtés ; derrière lui se plaçait le guichetier1.

Parrein siégeait au milieu des juges, Fernex2 et Corchand à sa gauche, Lafaye et Brunière à sa droite. Le penchant qu'avaient ces derniers à une certaine indulgence les fit surnommer le côté droit et les aristocrates du tribunal. Parrein, entre deux opinions presque toujours contraires, ne savait souvent à quoi se décider. Dans cette alternative, il disait quelquefois à voix basse Deux contre deux; que faire done? Lafaye répondait: Ton devoir: dans le doute on acquitte; et Parrein acquittait.

Les interrogatoires se bornaient souvent à ces trois questions Quel est ton nom et ta profession? Qu'astu fait pendant le siége? Pourquoi es-tu dénoncé? On vérifiait la réponse à cette dernière question sur les pièces envoyées au tribunal par la commission administrative. Les dénonciations les plus ordinaires étaient d'avoir porté les armes pendant le siége; d'être fanatique et d'aimer les prêtres; de dédaigner les

1 Delandine, collection Nougaret, t. IV. impartiale des crimes, t. VI.

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Prudhomme, Histoire

2 Fernex était ouvrier en soie à Lyon. Il s'était toujours fait remarquer jusque-là par sa douceur et sa probité. Depuis l'assassinat de Châlier, il disait souvent: Je donne ma vie pour que la république triomphe.

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