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Robespierre: on commençait à calomnier son patriotisme. L'évêque Massieu, député de l'Oise, se trouvant en mission à Vitry-le-Français, dit à la tribune de la société populaire : « Les prêtres sont des scélérats; » je les connais mieux qu'un autre, puisque j'ai été » leur colonel. Malheur à vous, si vous ne faites au fa» natisme une guerre d'extermination. Robespierre » lui-même rendra compte aux patriotes révolution>> naires du fanatique discours qu'il a prononcé aux » Jacobins, le 1er frimaire 1. »

V. Chaque jour, la Convention avait à gémir au spectacle de nouvelles mascarades anti-religieuses, jouées jusque dans son sein, quoique la majorité s'aperçut que les complices de l'émigration n'y fussent pas étrangers. » Danton leur porta le premier coup, dès la séance du 6 frimaire, dans laquelle on demanda que la Convention ôlât tout traitement aux prêtres. Des membres appuyaient la proposition; d'autres proposaient même de récompenser les prêtres apostats. Tous les orateurs étaient à côté de la question; car il s'agissait tout à la fois de ne pas rétablir un culte momentanément tombé, et de ne pas violenter la conscience des hommes pieux.

<< Qu'on nous laisse, s'écria Danton, consacrer notre

1 Lettre de cette société à la Convention. tionnelle.

Biographie conven-

2 « Les mêmes hommes, dit Levasseur, t. 11, p. 295, qui, depuis, se servirent du jésuitisme, se servaient alors de l'athéisme. »

temps à des travaux utiles. Il y a un décret qui porte que les prêtres qui abdiqueront iront porter leurs renonciations au comité. Il ne faut pas tant s'extasier sur la démarche d'hommes qui ne font que suivre le torrent. Nous ne voulons nous engouer pour personne. Si nous n'avons pas honoré le prêtre de l'erreur et du fanatisme, nous ne voulons pas plus honorer le prêtre de l'incrédulité: nous n'avons pas voulu anéantir la superstition, pour établir le règne de l'athéisme. Je demande qu'il n'y ait plus de mascarades anti-religieuses dans le sein de la Convention.

» L'opinion du peuple français s'est prononcée; la raison nationale est à son apogée: si le règne des prêtres est passé, le règne politique vous appartient.

» Sur quelle considération fondez-vous les décrets. que vous rendez? sur l'économie du sang des hommes. Eh bien! vous ne devez salarier aucun culte, mais vous devez exécrer la persécution, et ne point fermer l'oreille aux cris de l'humanité. Accordez des secours à tous les prêtres; mais que ceux qui sont encore dans l'âge de prendre un état ne puissent prétendre aux secours de la nation, lorsqu'ils se seront procuré les moyens de subsister. Apprenez que si vous ôtez aux prêtres leur pain, vous les réduisez à l'alternative, ou de mourir de faim, ou de se réunir aux rebelles de la Vendée.

» Le peuple veut, et il a raison, que la terreur soit à l'ordre du jour; mais il veut que la terreur soit repor

tée à son vrai but, c'est-à-dire contre les aristocrates, contre les égoïstes, contre les conspirateurs, contre les traîtres, amis de l'étranger. Le peuple ne veut pas faire trembler celui qui n'a pas reçu de la nature une grande dose d'énergie, mais qui sert la patrie de tous ses moyens.

» Sans doute, le temps de l'inflexibilité et des vengeances nationales n'est point passé il faut donc au peuple un nerf puissant, un nerf terrible; mais prenons garde de tomber dans les excès. Depuis longtemps, c'est le peuple qui fait toutes les grandes choses. Certes il est beau que les représentants s'humilient devant la puissance souveraine; mais il serait beau aussi qu'ils s'associassent à sa gloire, qu'ils prévinssent et dirigeassent ses mouvements immortels. >>>

Les propositions de Danton furent décrétées au milieu de l'enthousiasme général.

Cette fois, les Hébertistes eurent peur et se rétractèrent. Chaumette, dans un long réquisitoire, proposa: 1° que le conseil n'entendît plus aucune pétition sur les cultes ni sur les idées métaphysiques ou religieuses; 2° qu'il déclarât que l'exercice des cultes étant libre, le conseil n'avait jamais entendu empêcher les citoyens de louer des maisons, et de payer des ministres, pour quelque culte que ce fût. »

Hébert fit aux Jacobins une pareille palinodie. « On accuse, dit-il, les Parisiens d'être sans loi, sans religion, et d'avoir substitué Marat à Jésus. Déjouons

res calomnies. » Il publia, dans le Père Duchêne, un pompeux éloge de Jésus-Christ.

VI. Cette faction comprenant que toutes les tentatives ultra-révolutionnaires seraient vaines, en face de Danton, essaya de l'abattre, par la calomnie.

Danton, devenu veuf au commencement de 93, s'était remarié dans la même année, par la volonté de sa femme mourante, avec une jeune fille dévouée et vertueuse, dont les soins étaient nécessaires à ses enfants. Au mois d'octobre, lorsqu'il crut sa présence inutile à la Convention, il alla présenter sa nouvelle épouse à sa famille, à Arcis-sur-Aube, où il était né. D'ailleurs, épuisé par quatre ans et demi de luttes et d'émotions, l'aspect calme de la nature, la présence de sa mère, l'influence de l'air natal, la solitude, étaient nécessaires à sa santé.

De retour à Paris au commencement de novembre, Danton se signala, comme on vient de le voir, par une motion sage, sans craindre de compromettre sa popularité. Tel est le caractère des véritables patriotes, qu'ils ne dissimulent jamais leur pensée, quoi qu'il puisse arriver En effet, c'est la vérité seule qui fonde les républiques et qui protége la patrie; le mensonge et la dissimulation les perdent toujours. Quoique Danton fût resté pur, les royalistes d'abord, les Hé

1 Cette respectable femme existe encore. L'auteur a eu l'occasion de la voir, et de remarquer le profond respect qu'elle a conservé pour la mémoire de Danton.

bertistes ensuite, répandirent le bruit qu'il avait émigré en Suisse, emportant des millions, fruit de ses rapines: ils prétendirent qu'il avait acheté la moitié des terres de son département, avec un magnifique château. Enfin, ils demandaient déjà hautement sa tête, et celle de Camille Desmoulins, son ami. Les Jacobins, procédant à leur épuration, des rumeurs se firent entendre, lorsqu'arriva le tour de Danton (13 frimaire); on prononça les mots de modérantisme, de trahison. Danton, indigné, répondit en substance:

« J'ai éprouvé une sorte de défaveur en paraissant à la tribune; ai-je donc perdu ces traits qui caractérisent la figure de l'homme libre? Ne suis-je plus ce même homme qui s'est trouvé à vos côtés dans les moments de crise? Ne suis-je pas celui que vous avez souvent embrassé comme votre ami, et qui doit mourir avec vous? Ne suis-je pas l'homme qui a été accablé de persécutions? J'ai été l'un des plus fidèles défenseurs de Marat; j'évoquerai l'ombre de l'Ami du peuple pour ma justification. Vous serez étonnés, quand je vous ferai connaître ma conduite privée, de voir que la fortune colossale, que mes ennemis et les vôtres m'ont prêtée, se réduit à la petite portion de bien que j'ai toujours eue. Je défie la malveillance de fournir contre moi la preuve d'aucun crime. Je demande qu'une commission de douze membres examine les accusations dirigées contre moi, afin que je puisse y répondre en présence du peuple. »

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