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nouvelle!

Quelle nouvelle? dit Danton.

Tiens,

lis les Girondins sont condamnés à mort et exécutés.

Et tu appelles cela une bonne nouvelle, malheureux? réplique Danton, dont les yeux s'emplissent de larmes; la mort des Girondins une bonne nouvelle! misérable! -Sans doute, répond son interlocuteur; n'étaient-ils pas des factieux? -- Des factieux! des factieux! est-ce que nous ne sommes pas tous des factieux? Nous méritons tous la mort autant que les Girondins; nous subirons tous, les uns après les autres, le même sort qu'eux1!

Camille et Danton avaient raison; il faut bien se garder, dans les révolutions, de frapper les opinions dissidentes avec rigueur, car les schismes naissent promptement après la victoire d'un parti. Les éliminations, les destructions qui ne sont pas rigoureusement nécessaires, sont toujours fatales et criminelles. Les républicains de ce temps-là se sont traités entre eux avec une sévérité plus grande, que celle qu'ils ont déployée contre les royalistes conspirateurs. C'est le contraire qu'ils devaient faire. Leur conduite a bien plus montré leur dévouement et leur probité, que leur intelligence; et puisse leur exemple servir à leurs successeurs! Malheureusement ce n'est pas toujours l'intérêt de la patrie qui devient une source de proscriptions; trop souvent les haines personnelles,

1 Mémoire adressé à l'auteur par les fils de Danton. Plusieurs témoins lui ont confirmé ce fait.

la jalousie des sectaires engendrent des luttes qui ne finissent que par l'extermination d'un parti tout entier.

Ce qui surtout indigna les hommes de cœur, fut le décret q i déclara, qu'après trois jours de débats, les jurés pourraient se dire suffisamment éclairés. Comme si trois jours pouvaient toujours suffire à la défense des accusés! La Convention craignait-elle que ceux-ci ne soulinssent au tribunal les doctrines. qu 'ils avaient soutenues à la tribune et dans leurs pamphlets? Qu'importe! un accusé a toujours le droit de plaider sa cause, comme il l'entend; il n'appartient à aucune puissance de prescrire ou de limiter ses moyens, dès que le salut du va'nqueur est assuré. Autrement ne n'est que la grimace de la justice: ce n'est plus un tribunal, c'est une boucherie, d'autant plus ignoble, qu'elle est autorisée par l'apparence de la légalité. Enfin, l'application du décret fut une faute sans excuse, parce qu'on lui donna un effet rétroactif.

Du reste, et au fond, il était impossible de sauver tous les accusés, puisque la révolte des départements constituait plusieurs d'entre eux en flagrant délit de rébellion sanglante, de telle sorte que c'eût été leur céder la victoire que de ne pas les faire mourir. Mais d'autres n'étaient coupa ables que d'opinions erronées;

or,

la liberté la plus absolue doit exister pour les discours comme pour la presse, à moins qu'elle ne se

traduise par une conspiration contre la république. Marat lui même avait dis ingué entre les Girondins; il en avait sauvé plus'eurs qui périrent après sa mort. Il ne provoqua't pas leur supplice en masse, et n'appelait qu'un jugement solennel, avec l'entière liberté de défense. On commençait à se montrer moins pitoyable que l'Ami du peuple, tant calomnié, même par ceux qu'il protégea. Lui ne s'acharnait pas contreles vaincus: «Laissons en paix leurs cendres', » disait-il à ces nouveaux patriotes, qui faisaient du zèle, en parlant sans cesse des conspirateurs terrassés. Le malheureux est une chose sacrée; l'accusé dans les fers devient digne de l'attention la plus scrupuleuse. XX. Le 8 novembre, madame Rolland comparut

à son tour devant le tribunal révolutionnaire. Comme les femmes qui vivent surtout par l'esprit et par le cœur, elle avait conservé sa beauté; mais les chagrins avaient jelé sur son visage un voile de mélancolie. Elle resta huit jours à la Conciergerie, s'entretenant avec tous les détenus avec assurance, courage et dignité; elle parlait des Girondins dans un langage respectueux, mais sensé. Nos amis, disait-elle, n'ont pas pris des mesures assez fortes; ils ont discouru quand ils auraient dû agir. Elle s'entretenait, avec l'ex-ministre Clavières, des intérêts de la république, comme au temps de sa puissance. Clavières n'eut pas autant de

1 1 C. Desmoulins, le Vieux Cordelier.

courage qu'elle; lorsqu'il reçut la liste des témoins appelés dans son affaire, il se frappa de son couteau,

en murmurant ces vers:

Les criminels tremblants sont menés au supplice;
Les mortels généreux disposent de leur sort.

Madame Rolland prévoyait le résultat de son jugement elle voulait mourir sans peur; mais quand elle était seule dans sa chambre, le souvenir de sa fille lui arrachait des larmes abondantes, et cette sensibilité touchante n'altérait en rien son courage. Elle se défendit avec noblesse, et ne chargea aucun de ses amis. Elle commença, après l'audition des témoins, à lire un mémoire justificatif de sa conduite; mais le président lui ôta la parole, en disant qu'il respirait le fédéralisme, et faisait l'éloge de Brissot et consorts, c'est-à-dire du crime. L'accusée, se tournant alors vers l'auditoire, dit: Je vous demande acte de la violence que l'on me fait.

Après sa condamnation, madame Rolland s'habilla de blanc, et laissa flotter sur ses épaules ses beaux et longs cheveux noirs. Elle fut conduite au supplice avec Lamarche, l'un des conspirateurs du 10 août, qui tremblait à la pensée de la mort, et qu'elle essaya vainement de consoler1. Arrivée au pied de l'échafaud, elle lui dit : Passez le premier; vous n'auriez pas le courage de me voir mourir. Quand son tour ar

1 Nongaret, t. I, p. 218.

· Bulletin du tribunal, 1o 75 et 76.

riva, elle salua la statue de la Liberté, en disant : 0 liberté ! que de crimes on commet en ton nom! Elle reçut le coup fatal, sans que sa fermeté se démentît un instant1.

Cette femme illustre, avait prédit à ses compagnons d'infortune, que son mari ne pourrait lui survivre ; en effet, Rolland se suicida sur la grande route de Rouen à Paris, dès qu'il apprit sa mort.

Philippe Égalité fut exécuté sur la place de la Révolution, et mourut avec beaucoup de courage 2. Manuel fut condamné, comme complice de la conspiration fédéraliste. Lorsqu'il arriva à la Conciergerie, les prisonniers le regardèrent avec horreur, comme l'un des instigateurs des massacres de septembre. L'accasation lui reprocha de les avoir suscités, dans l'espoir de soulever les départements contre la capitale. Le même jour, Brunet, ex-général en chef de l'armée d'Italie, se vit également condamné, pour avoir en

1 Madame Rolland a laissé un Mémoire intitulé: Appel à l'impartiale postérité, qu'elle avait commencé à lire devant le tribunal. On a publié d'elle un ouvrage intitulé: Mémoires de madame Rolland. C'est un mauvais livre qui n'a pu sortir de sa plume élégante et sévère, et qui tend plutôt à la déshonorer. Néanmoins, une foule d'historiens les ont considérés comme authentiques, et en ont été la dupe. Mais il suffit de comparer le style de ces Mémoires à celui de madame Rolland, pour être convaincu qu'ils ne sont pas d'elle. En second lieu, les personnes versées dans la connaissance des détails de la révolution, remarquent dans cette œuvre informe, une foule de faits ou d'allusions qui dénotent des erreurs où n'aurait pas pu tomber madame Rolland.

2 Beaulieu, t. V.

III.

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