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au commandant de Strasbourg, pour savoir combien il avait de bouches à feu et d'hommes. Nommé général en chef de l'armée du nord et des Ardennes, en remplacement de Dampierre', il ne secourut pas Condé et Valenciennes, qui tombèrent, en juillet, au pouvoir des coalisés. Il avait, comme Dumouriez, fait injustement fusiller des officiers et des volontaires républicains; licencié, sans autorisation, la gendarmerie, qui lui était nécessaire, et hautement parlé contre la condamnation du roi et l'expulsion des Girondins. Le comité de salut public le fit mander à Paris, où il fut mis en accusation par décret du 28 juillet.

L'arrestation de Custine excita des mouvements séditieux parmi ses soldats, qui le redemandaient à grands cris, et menaçaient de marcher sur Paris, pour le délivrer. Le comité de salut public sentit que la promptitude et l'audace pouvaient seules sauver la Convention, qui serait bientôt à la merci de la force armée, s'il fléchissait dans cette circonstance. Il manda le député Levasseur (de la Sarthe), à qui Carnot, chargé des opérations militaires, dit :

« L'armée du Nord est en révolte ouverte; il nous faut une main ferme pour étouffer cette rébellion; c'est toi que nous avons choisi.-Ce choix m'honore, Carnot, répondit Levasseur; mais la fermeté ne suffit

1 Dampierre, successeur de Dumouriez, avait été tué, le 8 mai, d'un boulet de canon.

pas, il faut encore de l'expérience, des talents militaires, et ces moyens essentiels me manquent. - Nous te connaissons et nous savons t'apprécier. La vue d'un homme estimé, d'un ami de la liberté et de son pays, suffira pour faire rentrer dans le devoir des esprits égarés. Mais, en vérité, Carnot, les moyens physiques me manquent: vois cette petite taille, et dis-moi comment, avec un tel extérieur, je pourrai imposer le respect à tes grenadiers. — Alexander magnus corpore parvus erat, repartit Carnot. Oui, mais Alexandre avait passé sa jeunesse dans les camps; il avait fait le dur apprentissage des armes; il savait comment on manie l'esprit des troupes. Ami les circonstances font les hommes; la fermeté de ton caractère et ton dévouement pour la république nous répondent de tout. Eh bien, donc, j'accepte; à défaut de connaissances militaires, je te promets du moins du zèle et du courage. Quand faut-il partir? - Demain. Je serai prêt. - Demain, tu recevras le décret de la Convention, des armes, et le costume de commissaire du gouvernement. — Et mes instructions? Elles sont dans ton cœur et dans ta tête; les circonstances les en feront sortir. Tes pouvoirs sont illimités; pars et réussis1. »

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1 C'est Levasseur lui-même qui rapporte cette conversation dans ses Mémoires. La sincérité bien connue de ce représentant ne m'a pas permis d'hésiter à la regarder comme exacte, sinon dans le texte même des paroles, du moins dans leur sens.

Levasseur partit aussitôt pour Cambrai, où l'étatmajor lui rendit une visite. Le représentant voyait le sourire sardonique de tous ces généraux, surpris qu'un chirurgien (Levasseur exerçait cette profession), qui n'avait jamais vu le feu, vînt régenter une armée de quarante mille hommes et de vieux officiers. Levasseur parla briévement et avec dignité à tout l'étatmajor, et ordonna une revue pour le lendemain matin.

Quand il parcourt les rangs de cette armée, un silence méprisant l'accueille; il ne se laisse point intimider, ordonne au général provisoire de former le bataillon carré, se place au centre, et dit d'une voix forte :

<< Soldats de la république, le comité de salut public a fait arrêter Custine... » On l'interrompt en criant avec violence qu'on nous rende Custine!... Le représentant ordonne un roulement de tambours, qui fait cesser les cris; alors, il parcourt tous les rangs le sabre à la main, et paraissant disposé à frapper quiconque éleverait la voix. Cette attitude en imposa aux mutins; le plus profond silence régna, et Levasseur reprit :

Ingrats, voilà donc le prix de notre zèle pour votre salut! vous demandez la liberté de Custine, sans être assurés de son innocence. Si Dumouriez eût été arrêté la veille de sa trahison, vous auriez sans doute fait de même; cependant, une telle mesure vous au

rait ôté la douleur de pleurer la mort de tant de braves, vos frères d'armes, massacrés par suite de sa coupable défection!... Si Custine est innocent, il vous sera rendu; s'il est coupable, que son sang expie son crime; point de grâce pour les traîtres! Je suis délégué par la Convention nationale pour vous rappeler à vos devoirs, et pour vous annoncer que justice sera faite Je suis votre chef; vous me devez obéissance. Montrez-vous, par votre soumission, comme par votre courage, les dignes enfants de la patrie; pardon à qui sera docile à la voix du représentant du peuple français ! malheur à qui la méconnaîtra! »

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Les soldats et les officiers, attérés, se turent; la fermeté de Levasseur sauva la république d'un grand péril, et l'armée elle-même d'un grand malheur, celui de servir, par sa rébellion, la cause de l'ennemi. XVII. Le procès de Custine commença le 15 août devant le tribunal criminel extraordinaire 1, et finit le 27. L'accusé protesta de son innocence, et présenta une liste de témoins à décharge, qu'on lui permit de faire entendre. Custine expliqua ses opérations militaires avec beaucoup de liberté et de présence d'esprit; puis Tronçon Ducoudray, son conseil, plaida la cause. Ils ne purent repousser les charges accablantes qui s'élevaient, d'après les dépositions libres et con

'Qui reçut, par décret du 29 octobre 1793, le nom de tribunal révolutionnaire.

cordantes des témoins. Il fut avéré que Custine était la principale cause de la reddition de Mayence; qu'il avait eu des rapports secrets avec les Girondins et avec Wimpfen, et qu'il n'attendait que le triomphe de la coalition départementale, pour se joindre à eux contre la Convention.

Le jury déclara, à la majorité de huit voix sur onze, que Custine avait coopéré à des manoeuvres tendant à faciliter l'entrée des ennemis sur le territoire français, par suite desquelles les villes de Francfort, Mayence, Condé et Valenciennes étaient tombées en leur pouvoir. Le lendemain, Custine mourut sur l'échafaud, avec une faiblesse rare parmi les militaires, surtout à cette époque. On le crut généralement coupable de trahison, malgré sa protestation d'innocence à son dernier moment'.

Cette condamnation fit une sensation extraordinaire sur les généraux. Houchard, qui avait remplacé Custine, s'écria: « C'est donc un parti pris; on veut guillotiner tous les généraux!!! Et toi aussi, lui répondit un représentant qui se trouvait à son armée, si tu nous trahis. Il ne nous échappera pas un traître. Comment peux-tu tenir un pareil langage, en présence de tous ces officiers? Voudrais-tu leur faire croire que la guillotine attend tous les défenseurs de la patrie? Non, citoyens, continua le représentant

1 Levasseur.

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