Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

rendu à ses fonctions, après avoir prouvé que nous surpassons nos ennemis en prudence, nous leur prouverons que nous les surpassons en audace et en vigueur révolutionnaire. »

Collot-d'Herbois demande que le canon d'alarme soit tiré; que la statue de la liberté soit voilée. L'agitation est au comble, le président se couvre deux fois. Les menaces ont tellement intimidé l'Assemblée, que, sur la demande de Fonfrède, elle décrète l'élargissement provisoire des détenus. Hébert retourne en triomphe au conseil général, où il reçoit des couronnes civiques.

VII. Le peuple comprenait qu'une insurrection pouvait seule lui faire obtenir justice de ses représentants. Dès le 29 au soir, la section de la Cité prit un arrêté qui invitait les quarante-sept autres à envoyer chacune deux commissaires à l'archevêché, pour se concerter sur les moyens de sauver la république. Trente-trois sections y adhérèrent leurs délégués, investis de pouvoirs illimités, nommèrent une commission de neuf membres, présidée par Dobsen, pour dresser le plan de l'insurrection.

Le 31 mai, dès l'aurore, la commission des neuf fait sonner le tocsin à Notre-Dame et fermer les barrières; à six heures, elle se présente au conseil général et lui annonce que « le peuple souverain, blessé dans ses droits, se déclare en insurrection, et que toutes les autorités sont cassées. » Le conseil gé

néral se retire, en jurant de ne jamais se séparer du peuple. Dobsen déclare réintégrer dans ses fonctions le conseil général, « parce qu'il a toujours fait preuve de patriotisme. » Celui-ci prête le serment civique, prend le titre de conseil général révolutionnaire, et proclame Henriot commandant général provisoire de la force armée de Paris.

Le conseil arrête ensuite que chaque citoyen << peu fortuné » recevra quarante sous par jour, tant qu'il restera sous les armes; que tous les suspects seront immédiatement désarmés, et qu'une députation ira rendre compte à la Convention de ce qui se passe. Henriot fait tirer le canon d'alarme sur la plate-forme du Pont-Neuf et battre la générale. Soixante à quatrevingt mille hommes, presque tous sans-culottes, descendent en armes dans la rue, sans commettre un délit ni la moindre insulte. Le conseil général révolutionnaire montrait, de son côté, assez de prudence, et ne voulait qu'une insurrection morale.

Deux mille sectionnaires, qui avaient pris les armes pour les Girondins, s'étaient emparés du PalaisRoyal et des avenues des Tuileries. Mais ils se retirèrent à l'aspect des masses insurgées et de la tranquillité du peuple, qui ne songeait nullement à piller les boutiques, ainsi qu'on l'en avait accusé d'avance.

La Convention se réunit sous la présidence du Montagnard Mallarmé. Valazé demande que Henriot soit mis à mort, pour avoir fait tirer le canon d'a

larme. Thuriot et Danton réclament la suppression de la commission des douze. Vergniaud demande que, pour prouver sa dignité, sa liberté, la Convention ajourne au lendemain cette proposition; mais il fait mander Henriot à la barre, et décréter que les sections de Paris ont bien mérité de la patrie, pour leur surveillance patriotique. Arrive une députation, demandant un décret d'accusation contre les vingtdeux chefs du côté droit, et contre la commission des douze; la fixation du prix du pain à trois sous la livre dans tous les départements, au moyen de sous additionnels mis sur les riches; l'établissement d'ateliers destinés à fabriquer des armes pour les sans-culottes; et enfin l'exécution du décret qui accorde des secours aux femmes et aux enfants des défenseurs de la patrie.

Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance. L'Huillier, procureur général syndic du département, vient lire une adresse semblable au nom du département, du conseil général et des commissaires des sections. Puis, comme Robespierre, qui s'était emparé de la tribune, s'embarrassait dans une série de phrases oiseuses et sans portée sur les mesures à prendre, Vergniaud l'interrompit en disant: Concluez donc.

<< Oui, répond Robespierre, je vais conclure et contre vous; contre vous qui, après la révolution du 10 août, avez voulu conduire à l'échafaud ceux qui l'ont faite; contre vous qui n'avez cessé de provoquer la destruc

tion de Paris; contre vous qui avez voulu sauver le tyran; contre vous qui avez conspiré avec Dumouriez; contre vous qui avez poursuivi avec acharnement les mêmes patriotes dont Dumouriez demandait la tête; contre vous dont les vengeances criminelles ont provoqué ces mêmes cris d'indignation, dont vous voulez faire un crime à ceux qui sont vos victimes. Eh bien ma conclusion, c'est le décret d'accusation contre tous les complices de Dumouriez, et contre tous ceux qui ont été désignés par les pétitionnaires. »

[ocr errors]

Le comité de salut public fut chargé de faire un rapport, séance tenante. Barrère proposa la suppression de la commission des douze, qui fut décrétée, après l'appel nominal. La Convention confirma en outre l'arrêté de la commune, accordant quarante sous par jour aux ouvriers qui prendraient les armes dans les moments de crise 1.

1 Barrère, après avoir fait instituer la commission des douze, dont l'objet était certainement de faire casser le conseil général et de faire ensuite monter à l'échafaud plusieurs de ses membres, la fit supprimer, lorsqu'il vit la majorité tourner contre elle. Il abandonnait lâchement ces Girondins, auteurs de son élévation. On aura l'occasion de suivre la tactique singulière de cet homme, qui eut l'art de se trouver presque toujours parmi les plus forts, et qui abandonna ses protecteurs au moment de leur défaite. Barrère, avant la révolution, voulait se faire passer pour gentilhomme. Sous l'Assemblée constituante, il était du parti de Mirabeau. Après le massacre du Champ-de-Mars, il devint Feuillant. Sous la Convention, jusqu'au 21 janvier, il fut l'un des chefs de la Plaine. A partir de cette époque, il passa dans le parti de la Gironde. Après le 31 mai, il devint l'un des plus cruels Montagnards.

Le décret fut bientôt connu de toute la capitale, qui, avant la fin de la séance, vint témoigner son allégresse à la Convention. « Je demande, s'écrie Bazire, que nous allions fraterniser avec le peuple, et, qu'improvisant une fête civique, nous réalisions d'avance la fédération des cours. » La motion fut décrétée. Les citoyens illuminèrent leurs maisons; la Convention tout entière, à la lueur des torches, se promena dans Paris. Les Girondins, en assistant à cette fête donnée en réjouissance de leur échec, excitèrent le mépris général. D'ailleurs, Vergniaud, en demandant lui-même un décret qui déclarait que Paris avait bien mérité de la patrie, montrait la peur de son parti, et légitimait cette insurrection aux yeux de toute la France.

VIII. Les esprits véritablement politiques ne pouvaient néanmoins se montrer satisfaits de ce résultat. Que signifiait la suppression d'une commission qui pouvait être rétablie, au premier jour, sous une autre forme? Ne fallait-il pas, sans désemparer, tirer tout le profit qu'on devait attendre de la victoire, pour la cause de la patrie? En temps de révolution, trois jours perdus à s'endormir dans le triomphe changent la face des choses. Le peuple était levé; il fallait en finir avec des adversaires qui, depuis neuf mois, troublaient le gouvernement, parlaient de Constitution lorsqu'il fallait agir, dénonçaient les combattants du 10 août, au lieu des généraux royalistes.

« VorigeDoorgaan »