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souvent est enclin à croire avidement tous les bruits

qui tendent à rendre ses chefs ou ses magistrats suspects ou odieux; le peuple ne conçut pas le moindre soupçon contre ce loyal chevalier; inais au contraire, plus les Gantois redoublaient de fureur et de méchanceté, plus les assiégés redoublaient de courage et de patience.

Les Gantois, voyant que ce stratagême n'avait pas réussi, en imaginèrent un autre, mais plus cruel et plus odieux: ils apprirent que Lalaing avait deux enfans (c'étaient deux garçons), qu'il avait mis à la nourrice dans le Hainaut. Ces forcénés, ayant amené sur les remparts deux petits enfans d'âge semblable, tenaient l'épée levée sur leurs têtes, comme s'ils allaient les égorger, criant qu'ils avaient été les chercher dans le Hainaut; que, s'il était père, il n'avait qu'à le montrer; car, si incontinent il ne rendait la ville à leur volonté, ils allaient tuer ses enfans: ils pensaient que, du moins, la mère aurait éprouvé une si violente frayeur, et montré une si touchante affliction, qu'il eût été forcé de céder aux instances, aux prières et aux larmes de sa femme; mais le généreux chevalier, ayant fait diriger les canons et les serpentines sur l'endroit même où étaient ces furieux, ne leur répondit que par une canonnade plus vive et plus soutenue, et il dit publiquement, que pour sauver ses enfans, il ne voulait pas perdre sa vertu, son honneur et ses amis.

Cependant, le nombre des assiégeans augmentait tous les jours, parce que les habitans du platpays étaient tellement attachés aux Gantois, crainte ou par fol amour, dit la Marche, qu'ils accouraient tous à leur secours. Les assiégés, de

, par

leur côté, commençaient à concevoir des inquiétudes de ce qu'ils ne recevaient point de secours, ni même de nouvelles du duc de Bourgogne. Les Gantois avaient en effet si étroitement cerné la ville de tous les côtés, qu'il était impossible d'y en-trer et d'en sortir; mais le commandant Lalaing trouva le moyen d'envoyer des messagers, en les faisant traverser l'Escaut à la nage, et à la faveur de l'obscurité de la nuit. Ces messagers revinrent sans avoir été rencontrés ni inquiétés, et rapportèrent que la grande armée du duc venait au secours de la ville. Cette heureuse nouvelle ranimá le courage, et réveilla l'espoir des braves défenseurs d'Audenarde. Le duc, qui s'était retiré à Ath, où il avait attendu son armée, quitta cette ville pour venir à Grammont, où il s'arrêta avec quatre mille hommes. Le comte d'Etampes, qui avait été chargé par le duc de faire une levée d'hommes en Picardie, s'était avancé dans la Flandre, où, après avoir complètement défait les Gantois, il avait gagné le passage important du pont de Spière, village situé sur l'Escaut, sous Tournai. Quand il eut pris toutes les informations et tous les renseignemens sur les forces et la position des assiégeans, il prit la résolution de leur livrer une vive attaque, et il délogea le matin, 26 d'avril, pour marcher sur Audenarde, avec un grand nombre de seigneurs qui furent faits chevaliers sur le champ de bataille.

Le chevalier Jacques de Lalaing, s'étant réuni à ces nouveaux chevaliers, dirigea l'attaque contré une grosse compagnie de Gantois, qui étaient rangés en bataille sur une terre labourée, dans le grand chemin d'Audenarde à Courtrai. Les chevaliers

ayant

ayant baissé leurs lances, se serrèrent et se précipitèrent au milieu des Gantois, qui, de leur côté, ayant également baissé leurs piques et leurs épées, reçurent très-durement les chevaliers, dont les chevaux furent pour la plupart blessés, les uns de coups de piques, les autres de coups de grands couteaux tranchans et pesans. Cependant, les chevaliers parvinrent à enfoncer et à rompre les Gantois, et à se réunir; mais Lalaing, qui, dans son ardeur, voulait repasser, s'étant une seconde fois précipité, l'épée à la main, dans cette compagnie, fut enveloppé par les Gantois, qu'il combattait et qu'il repoussait et de sa main et de son cheval. Les chevaliers étaient si vivement serrés par les ennemis, qu'ils se voyaient dans l'impuissance de secourir le brave Lalaing, qui, après avoir renversé un bon nombre de Gantois, se trouva à la fin si pressé de deux ou trois côtés, qu'il vit le moment où il allait être immolé par les Gantois; mais un valet de l'armée, surnommé, le Bourguignon, ayant piqué son cheval, s'élança vivement, une javeline à la main, au milieu de la foule, et se débattit si vigourensement, que du poitrail de son cheval il écarta les piques, rompit les rangs et débarrassa le chevalier. Ce brave homme, qui avait si généreusement exposé sa vie pour sauver celle de son chef, pensa être la victime de son propre dévouement. Un grand coup qu'il reçut sur la tête, l'abattit de son cheval au milieu de la presse, où il allait succomber sous les coups nombreux dont il était accablé; mais le généreux chevalier Lalaing, voyant le danger où était le brave Bourguignon, se précipita, l'épée à la main, à l'endroit le plus épais de la mêlée, exposant à son tour

Tome IV.

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sa vie pour sauver celui à qui il la devait. Les chevaliers, qui heureusement étaient parvenus dans ce moment à se démêler de la presse, accoururent au secours du chevalier et du valet, et, après avoir abattu un grand nombre de Gantois, arrachèrent de leurs mains ce courageux serviteur, qui était tout chargé de blessures très-dangereuses, dont il fut long-temps malade.

Le comte d'Etampes, de son côté, ayant fait avancer ses archers et ses cavaliers, fit pleuvoir une grêle de flèches sur les Gantois. Cette brusque attaque les déconcerta et les effraya tellement, qu'ils se rompirent, se débandèrent et s'enfuirent comme des moutons devant des loups, dit la Marche. La déroute fut aussi complète, que le massacre fut terrible. Les cavaliers les poursuivaient, et les archers les attendaient et les tuaient à discrétion. Déjà, avant qu'ils eussent pu repasser le pont qu'ils avaient fait, le nombre des tués montait à plus de trois mille. Les cavaliers bourguignons durent arrêter leur poursuite à ce pont, parce qu'il n'avait été construit que pour les hommes de pied.

Cette défaite délivra Audenarde, et le valeureux Simon de Lalaing, qui avait si vaillamment défendu cette ville, fit ouvrir les portes aux vainqueurs. Le comte d'Etampes et les seigneurs qui l'accompagnaient, y furent reçus avec les plus vives démonstrations de joie; cependant, le chevalier Jacques de Lalaing ne fit que traverser la ville, pour chercher et poursuivre ceux des Gantois qui avaient formé le siége du côté opposé; mais la terreur que leur avait inspirée la défaite de leurs compatriotes, les avaient également forcés à prendre la fuite.

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Le comte d'Etampes envoya sur-le-champ un héraut au duc de Bourgogne, qui était à Grammont, pour lui annoncer la nouvelle de la levée du siége. Le duc fit à l'instant rassembler ses cavaliers pour venir attendre les fugitifs Gantois sur le chemin par lequel ils devaient rentrer dans la ville. Ces cavaliers rencontrèrent, près d'un moulin à vent, au faubourg de la Maladerie de Gand, une troupe de huit cents Gantois, presqu'entièrement composée de tisserands. Les archers descendirent incontinent de leurs chevaux, et dès qu'ils furent deux cents à terre, ils fondirent avec impétuosité, criant: Notre-Dame! Bourgogne! sur les Gantois effrayés et débandés, qui se sauvèrent précipitamment par le faubourg de la Maladerie, où ceux qui n'avaient pu gagner la ville, s'étaient jetés dans les maisons et cachés dans les chambres, dans les caves, dans les greniers, sous les lits, où les Bourguignons allaient, pour ainsi dire, les déterrer et les égorger.

La consternation était répandue dans toute la ville, et les coups redoublés du beffroi annonçaient l'alarme. Le duc de Bourgogne et le comte de Charolois, son fils, avec toute leur suite, ayant attendu, près du moulin à vent, les troupes qui étaient à la poursuite des cnnemis, prirent le parti de diriger leur route sur Gavre, pour éprouver si les habitans, effrayés par l'exemple des Gantois, ne se rendraient pas. Le duc y arriva dans la nuit déjà très - avancée, et ils se logèrent, comme ils purent, dans les maisons, dans les jardins, dans les campagnes; mais les habitans ne cessèrent de tirer toute la nuit, tant du château que des rues, sur les Bourguignons, et ils ne voulurent ni entendre ni répondre à aucune

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Id., ch. 25.

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