Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Il éprouva dans ce moment une grande perplexité, que cependant il sut déguiser, parce que, voyant que déjà le tumulte était commencé, il sentit qu'il était nécessaire de montrer une contenance imposanté. Il rangea donc sa petite troupe en bataille, et chargea la populace, dont les uns furent tués et les autres blessés. Mais les Brugeois, effrayés par le bruit qui fut semé dans cet instant par toute la ville, que le duc était venu pour les piller et les saccager, s'ameutèrent en bandes dans les carrefours, et se rendirent en masse sur le Marché. Le duc, voyant ces dispositions, prit le parti de retourner à la porte, qu'il trouva fermée. Mais un des inagistrats, nommé Jacques Vanhardoye, étant ac couru à son aide, fit ouvrir la porte par un maréchal qui demeurait dans le voisinage, et le duc échappa, avec plusieurs de ses gens, au plus grand danger auquel il eut été exposé dans sa vie, dit Oudegherst. Le peuple furieux, déchargea sa fureur sur ceux qui n'avaient pu se sauver avec leur maître. Le seigneur de l'Isle-Adam, qui était le principal conseiller du duc, fut cruellement massacré avec plus de cent de ses infortunés compagnons, et les autres furent trainés dans les prisons, au nombre de deux cents, dont vingt-deux furent exécutés le vendredi suivant. Le malheureux maréchal qui avait ouvert la porte, fut écartelé, et les prisonniers qui restaient, furent relâchés, à la prière des marchands étrangers, Ces funestes dissentions avaient porté au commerce un si notable préjudice, que les mar chands étrangers menaçaient de quitter la Flandre. Les Gantois cherchèrent donc les moyens de Id., ch. 195. ramener la paix au sein de cette belle province.

Ce fut un orfévre, Jean de Cachtèle, qui proposa à son métier assemblé, de prendre les mesures les plus promptes pour accélérer ce salutaire ouvrage. Il prit à cet effet la bannière de son métier avec laquelle il se transporta sur le Marché, où il fut promptement suivi par tous les métiers de la ville, qui formaient cinquante-sept bannières, et ils élurent pour leur capitaine général, Daniel Ouradène, bourgeois de Gand, homme d'honneur et de probité, auquel ils adjoignirent douze conseillers. Mais cet honnête homme, aussi bon citoyen que fidèle sujet, refusa d'accepter cette charge, à moins qu'on n'obtint le consentement et l'autorisation du duc. Ce prince, qui connaissait les bonnes dispositions et les intentions pures de Daniel, lui confirma sa charge, lui donna sa commission et reçut son serment. Daniel, se voyant légalement nommé, se transporta, avec ses conseillers, à Mariekerke où il convoqua tous ceux de la châtellenie pour leur communiquer ses intentions, et il retourna incontinent à Gand, où, pour appaiser le peuple, il fit appréhender ceux des anciens magistrats qui lui étaient les plus odieux, et qu'il appelait lever-eéters, c'est-à-dire, mangeurs de foie. Le capitaine, après avoir donné cet appaisement au peuple, retourna à Mariekerke, d'où il se rendit à Ecloo avec ses conseillers, qui y tinrent une conférence avec les doyens et les principaux bourgeois de Bruges, pour aviser aux moyens conve nables de prévenir les fréquentes divisions qui désolaient la Flandre, et de rendre, à la justice, son énergie; à la police, son activité, et au commerce, sa liberté. Mais les propositions qui furent

[ocr errors]

agitées, et les opinions qui furent émises dans cette assemblée, furent si discordantes et si contradictoires, que ceux de Gand finirent par se brouiller avec ceux de Bruges, et dès ce moment, les hostilités commencèrent entre les deux peuples.

Cependant, le capitaine Ouradène, revenu à Gand, şut si adroitement captiver l'esprit du peuple qu'il ménagea le rappel de Roland d'Utkerke, de Collard de Commines et de Gilles Vandewoestine, et l'élargissement des anciens magistrats, désignés par l'odieuse dénomination de lever-eéters, sur la promesse qu'ils firent de se représenter à la justice toutes les fois qu'ils en seraient sommés et requis. Ouradène, content d'avoir rappelé le calme à Gand, donna sa démission, et le duc le déchargea du serment qu'il lui avait prêté.

Mais les Brugeois, persistant opiniâtrément dans leur rebellion, firent trancher la tête aux doyens des serruriers et des maréchaux et à ceux des teinturiers, sous prétexte que, sans le sceau de la commune, ils s'étaient permis de tenir des conférences à Ecloo avec les Gantois. Cependant la raison, ou plutôt le danger, leur dessilla les yeux : ils considérèrent, d'un côté, que toutes les villes de Flandre, qui blàmaient hautement leurs excès, avaient absolument abandonné le parti de la révolte, et de l'autre, qu'abandonnés à leurs propres forces, ils ne pourraient résister à la puissance du duc. Ils prirent donc enfin le parti de la soumission, et ils députèrent, à la duchesse de Bourgogne, Meyer. quatre notables bourgeois, connus par leur amour pour l'ordre et la paix, pour réclamer sa protection auprès du duc, son époux. Cette princesse

consentit à leur accorder sa médiation, si, de leur côté, ils voulaient lui promettre qu'ils ne contracteraient aucune alliance avec les Gantois : ils en prirent l'engagement, qu'ils ne rompirent pas, et la duchesse, satisfaite de leur docilité, se chargea Oudegh., d'appuyer leur demande auprès de son époux. Les députés de Bruges se rendirent donc auprès de ce prince, qui était à Arras, avec la commission expresse de se soumettre, dans tous les points, à la miséricorde, ordonnance et volonté du duc.

ibid.

Philippe écouta "bénignement leurs représentàtions, qui furent appuyées par les sollicitations des marchands étrangers, et il leur accorda leur pardon, en leur imposant cependant des conditions très-onéreuses, dont les principales furent :

[ocr errors]

Qu'ils feraient au duc une amende honorable; que la porte de la Bonnerie serait convertie en une chapelle, où l'on dirait tous les jours les sept » heures canóniales ; que toutes les fois que le comte » de Flandre viendrait à Bruges, on lui apporterait » les clefs de toutes les portes; que tous les ans » au jour du mercredi, dans la semaine de la pen»tecôte, ils feraient chanter, à S.-Donat, une messe » solennelle, à laquelle assisteraient vingt-quatre » personnes, ayant chacun une torche de quatre

gros; que ceux de Bruges qui seraient armés » forferaient corps et biens; que les biens des bâ» tards appartiendraient au prince; que quarante » personnages de Bruges, désignés dans un billet, » seraient exclus de cette paix; que pour amende profitable, ils payeraient au duc, deux cent mille » ridders d'or, et au fils du seigneur de l'Isle-Adam, » dix mille écus, et lui feraient certaines amendes

"

1

honorables. Ce traité fut conclu à Arras, le 4 de mars 1437.

Le duc Philippe, qui, par la mort de la comtesse Jacqueline, était devenu le paisible possesseur du Hainaut, de la Hollande, de la Zélande et de la Frise, sut gagner si adroitement l'empereur Fréderic III, par les caresses et les honneurs qu'il lui prodigua, pendant les dix jours qu'il s'arrêta à Besançon, qu'il l'engagea à renoncer à tous les droits qu'il avait, comme chef de l'empire, sur ces provinces.

Il ajouta, à ces nouvelles possessions, le duché de Luxembourg, qui avait été cédé, pour apaňage, par l'empereur Wenceslas, à Elisabeth, duchesse de Gorlitz, sa nièce, moyennant la somme de cent vingt mille florins, Les trois états avaient, en conséquence, reconnu et reçu cette princesse comme dame du pays, qu'elle avait possédé avec Antoine, duc de Brabant, son premier mari. L'empereur Sigismond, qui, après la mort d'Antoine, avait marié la duchesse Elisabeth à Jean, duc de Bavière, avait confirmé et ratifié la cession du duché de Luxembourg et du comté de Chiny, dont les deux époux avaient joui sans obstacle et sans interruption. La duchesse, après la mort de ce second mari, avait continué à gouverner cette province, où elle avait exercé tous les actes de souveraineté, nommant les magistrats, levant les aides, etc. L'empereur Albert, qui avait succédé à Sigismond dans les royaumes de Hongrie et de Bohême, fit signifier à la duchesse Elisabeth; qu'il était dans l'intention de faire le retrait du duché de Luxembourg, alléguant que ce domaine lui était dévolu du chef de son épouse Elisabeth, fille de l'empe

« VorigeDoorgaan »