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nisties, que le duc avait annoncées comme une grâce extraordinaire, furent écoutées et accueillies avec une extrême froideur, et firent, sur les esprits, une impression tout-à-fait .contraire à celle qu'il en avait espérée.

De retour à Bruxelles, il publia un édit, par lequel il établit l'imposition du dixième et du vingtième denier. Ce coup terrible excita, dans toutes les provinces, une révolte ouverte et un soulèvement général. Sous les yeux même du duc, à Bruxelles, les marchands et les artisans fermèrent leurs boutiques, en déclarant hautement, qu'ils étaient plutôt disposés à perdre la vie, qu'à payer le nouvel impôt; déjà, le duc furieux se disposait à donner un exemple terrible: déjà, les sentences étaient rédigées et les échafauds dressés. L'impitoyable gouverneur devait faire pendre, pendant la nuit, aux portes de leurs maisons, les doyens des corps de métiers. Un événement inattendu, dont il reçut la nouvelle dans ce moment, l'empêcha d'exécuter ses arrêts sanglans. Le prince d'Orange, qui avait saisi le moment où la sédition éclatait dans toutes les provinces, avait conçu le projet de réparer la perte de ses deux premières armées, en tentant une entreprise sur mer il délivra donc des commissions à quelques officiers pour armer de petits bâtimens qui croisaient sur mer, sous la protection de la reine d'Angleterre : ils firent une quantité de prises sur les Espagnols et les Flamands catholiques; ils allaient vendre leur butin dans les ports d'Angleterre. Leur nombre et leurs richesses s'augmentèrent insensiblement. C'est cette petite flotte, connue sous la dénomination de gueux de mer, qui

1572. Strada,lib.7, dec. I.

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fut le berceau d'une puissante république. C'était Guillaume de la Marck, seigneur de Lumey, qui la commandait. Le duc d'Albe, qui paraissait les mépriser, ne laissa pas d'écrire à la reine d'Angleterre, pour la prier d'interdire l'entrée de ses ports à ces gueux. Cette princesse, qui ne voulait pas rompre ouvertement avec l'Espagne, envoya l'ordre à Lumey de sortir d'Angleterre avec toute sa flotte.

Lumey, parvenu à rassembler vingt-cinq vaisseaux, s'étant approché des côtes de Hollande, vint surprendre le 1.er d'avril 1572, jour des rameaux, le port de la Brille, qui n'était alors qu'un assemblage informe de cabanes éparses. Cette nouvelle força le duc à suspendre ses projets de vengeance il ordonna au comte de Bossu, nouveau gouverneur de Hollande, de marcher contre les gueux de mer. Le comte, ayant été repoussé, s'avança vers Dordrecht, qui lui ferma ses portes. Ce succès ranima le courage et l'espoir des Flamands, et occasionna une révolte presque générale dans la Hollande et dans la Zélande.

Le duc était particulièrement inquiet sur la Zélande, où le prince, qui y possédait des places importantes, entretenait des correspondances intimes : il tâcha sur-tout de s'assurer de Flessingue, qui était comme la clef des Pays-Bas. Le peuple de cette ville, sur la nouvelle de l'arrivée du capitaine Osorio, que le duc y envoyait avec trois compagnies d'infanterie, courut aux armes, et se hâta de ferStrada, ibid. mer les portes aux Espagnols. Ce fut le curé de Flessingue lui-même qui, prêchant le jour de pâques, exhorta le peuple à secouer le joug des Es

pagnols. Tous les habitans prirent à l'instant les armes; la garnison fut chassée, et l'ingénieur Pacheco, parent du duc d'Albe, qui dirigeait les ouvrages de la citadelle, que le duc faisait bâtir, fut arrêté et cruellement outragé par le peuple furieux, qui lui fit ensuite trancher la tête au milieu de la place.

Harlem, Leide, Rotterdam, Zutphen suivirent l'exemple des villes rebelles; et il n'y eut guère dans toute la Hollande, qu'Amsterdam, et dans toute la Zélande, que Middelbourg, qui restèrent dans l'obéissance.

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La nouvelle de la prise de Mons par le comte Louis de Nassau, mit le comble à l'embarras et à la consternation du dục. Ce seigneur était entré dans Mons par un stratagême assez singulier : il y envoya d'abord des soldats français, déguisés en marchands de vin, qui conduisaient sur des charrettes des tonneaux doubles. Le tonneau extérieur était rempli de vin, et le tonneau intérieur l'était de baïonnettes, de courtes épées et de carabines usées ils furent arrêtés au corps-de-garde, où l'on fit la visite des tonneaux; mais comme on ne perça que les tonneaux extérieurs, les prétendus marchands entrés dans la ville, tuèrent la sentinelle de la porte, et massacrèrent le corps-de-garde. Le comte Louis fut introduit dans la ville avec cent chevaux il en attendait encore quatre cents, qu'il eut le temps d'aller chercher en diligence, et il entra dans la ville à la pointe du jour, en criant: liberté ! liberté ! le prince vient à votre secours; vous serez libres; plus d'impôts, plus de dixième denier.

Il s'empara de tout l'argent qui se trouva dans

Bentivogl

v. 5

Ibid.

7, dec. 1.

les caisses des receveurs du roi; il enrôla un gränd nombre de bourgeois, et il écrivit à son frère de venir au plutôt l'aider à conserver sa conquête.

Mais le duc d'Albe, craignant que le prince d'Orange ne profitât de cette importante place, pour effectuer la nouvelle irruption qu'il méditait, résolut de reprendre Mons, et il envoya son fils Fré-deric de Tolède, investir cette place avec quatre mille hommes d'infanterie, et huit cents de cavalerie. Ces troupes parurent sur la fin de juin à la vue de Mons, dont elles formèrent le blocus. Le comte Louis fit une courageuse résistance, en attendant l'arrivée du prince d'Orange avec toutes ses forStrada, lib. ces. Ce prince, qui avait levé en Allemagne une armée d'onze mille hommes d'infanterie et de six mille de cavalerie, ayant passé le Rhin sur la fin de juillet, vint passer la Meuse à Ruremonde, qui, ayant refusé d'ouvrir ses portes, fut cruellement punie de sa résistance. Le prince entre dans le Brabant, s'arrête à Malines, qui avait abandonné le parti du roi, et y jette une garnison; se présente à Louvain, qui le soutenait, et y lève une contribution. Nivelles, Diest, Sichem, Tirlemont, soit par crainte, soit par attachement, se rendent au prince, qui, précipitant sa marche, arrive devant Mons, le 24 du mois d'août; mais la contenance ferme, la vigilance active et la prudente lenteur du duc d'Albe, déconcertèrent les efforts réunis du prince et du comte. Le prince, sentant donc qu'une plus longue résistance serait inutile, résolut de lever le siége, et le comte consentit à rendre la place. Le duc, qui désirait ardemment la fin de ce siége, pour marcher sur la Hollande, accorda des conditions fort honorables

au comte, qui se retira à Dillembourg, dans le comté de Nassau.

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Le duc, après avoir repris Mons, força toutes Fes villes, tant du Brabant que de la Flandre, qui s'étaient soumises au prince d'Orange, à rentrer sous l'obéissance du roi : les unes furent condamnées à l'amende; les autres, livrées au pillage; mais il réservait un sort plus cruel à la malheureuse 'ville de Malines il y envoya donc son fils avec un corps nombreux, et il l'y suivit avec son armée. Les habitans, effrayés du péril qui les menaçait, employèrent tous les moyens pour fléchir la colère du duc. Le clergé même était sorti processionnellement, pour exciter sa pitié par cet appareil religieux; mais les troupes espagnoles, saisissant le moment où le duc écoutait les propositions des habitans, forcèrent les murs de la ville, qu'ils saccagèrent impitoyablement. L'impunité que le duc accorda à ses soldats, prouve assez que, s'il n'ordonnait pas ces atrocités, du moins i les tolérait et même les approuvait

Il chargea dans le même temps son fils de faire le siége de Zutphen, où les confédérés s'étaient fortifiés. Cette ville infortunée, abandonnée par la garnison, que la terreur avait saisie, fut livrée aux mêmes horreurs que Malines.

La rigueur de la saison, au lieu d'arrêter les progrès de Fréderic, ne fit que les faciliter et les accélérer. Les glaces lui donnèrent le moyen de pénétrer dans les cantons les plus reculés et les plus marécageux de la Hollande: il fut cependant arrêté sous les murs de Naerden', petite ville à trois lieues d'Amsterdam: il la fit sommer de se rendre; mais les

Tome IV.

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