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la décharger du gouvernement pénible d'un pays, où d'ailleurs son honneur ne lui permettait pas de rester avec un pouvoir si borné. Le roi lui accorda sa demande comme une faveur, en protestant qu'en y accédant, il avait plutôt consulté les désirs de la duchesse, que les intérêts du pays, et il lui témoigna, dans les termes les plus flatteurs, son extrême satisfaction de la prudence et de la fermeté qu'elle avait déployées dans des conjectures aussi difficiles.

La duchesse, après avoir reçu les complimens, 1568. ou plutôt les regrets sincères de toutes les provinces, partit des Pays-Bas, au commencement de 1568, dit Bentivoglio; le 10 de février, suivant Strada, et suivant de Thou, le io d'avril, laissant ces malheureuses provinces en proie aux fureurs du duc d'Albe, à qui le roi confia le gouvernement général des Pays-Bas.

Le nouveau gouverneur signala les commencemens de son administration par l'exécution des ordres sanguinaires qu'il avait apportés d'Espagne il envoya les comtes d'Egmont et de Horn, au château de Gand, dont il confia la garde à une garnison allemande, et il établit un nouveau tribunal destiné à connaître des causes relatives aux troubles. Ce conseil était composé de créatures dévouées aux caprices sanguinaires du gouverneur : la sainteté des lois, l'ordre des juridictions, les droits des citoyens, les formes même de la justice y étaient également bravés : le duc examinait, jugeait, condamnait seul: les sentences se rendaient au nom du duc seul: il nomma ce tribunal le conseil des troubles, et le peuple l'appela le conseil de sang. Pour donner une idée formidable de sa puissan-4.

Bentivogl

ce, il fit publier une ordonnance terrible, où il déclara crime de lèse-majesté tout ce qui s'était passé dans les fameuses affaires du compromis et de la requête, ainsi que toutes les violences qu'on avait exercées contre l'église et la foi catholique.

A l'effroi des menaces il joignit la terreur des châtimens il fit citer à comparaître à ce tribunal, sous peine d'être traités comme coupables de rebellion et d'être punis par la confiscation de leurs biens, le prince d'Orange, le comte Louis de Nassau, les comtes d'Hoogstraeten et de Culembourg, le seigneur de Brédérode, et les autres seigneurs qui s'étaient réfugiés dans les pays étrangers.

Il faisait jeter dans le même temps les fondemens de plusieurs citadelles pour contenir le peuple, dont il craignait que la crainte et la patience ne dégénérât en désespoir et en fureur: il se pressa de faire achever celle d'Anvers, qui était la ville la plus péuplée et la plus suspecte: il en avait également conmencé une à Flessingue, une à Groningue et une à Valenciennes, que la révolte, croissant tous les jours, ne lui laissa ni le temps, ni le moyen d'achever.

La terreur avait glacé tous les esprits la Belgique était devenue un vaste théâtre d'horreurs, qui ne présentait que des fuites, des bannissemens, des confiscations, des emprisonnemens et des supplices. L'émigration était effrayante : elle montait, avant l'expiration des deux premiers mois du gouvernement du duc d'Albe, à plus de trente mille hommes les uns se retiraient en Allemagne, auprès du prince d'Orange, qui leur faisait un accueil engageant, et les autres se réfugiaient en An

gleterre, auprès de la reine Elisabeth, qui leur offrait un asile assuré.

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Le duc, voyant que le prince d'Orange et les autres seigneurs, qu'il avait ajournés à comparaître à son tribunal, avaient refusé d'obéir au décret, prononça contre tous ces seigneurs l'arrêt de mort et de confiscations de biens: il fit raser l'hôtel de Culembourg, où les confédérés s'étaient rassemblés le jour qu'ils avaient présenté la requête, et fit élever, sur ses ruines, une pyramide avec une inscription en quatre langues, qui marquait que cette mai. son avait été détruite, parce qu'on y avait tramé une conjuration détestable contre la religion, l'église romaine, la majesté royale et le salut de la patrie il fit confisquer tous les biens qui appartenaient au prince d'Orange dans les Pays-Bas, et fit enlever le comte de Buren, fils aîné du prince, âgé de douze ans, qui faisait ses études à Louvain, et le fit emmener en Espagne, où, sous prétexte de lui faire continuer ses études dans l'université d'Alcala, il servait réellement de garant contre les entreprises du père. Ce fut un Espagnol, nommé Jean Vargas, chef du conseil des troubles, qui exécuta cet acte arbitraire à la tête d'une troupe de soldats, Le recteur de l'université remontra, par un discours latin, que cette violence était une infraction à ses priviléges : l'ignare Espagnol lui dit, pour toute réponse, et pour toute satisfaction: nos curamus privilegios vestros.

liv. 4.

Le prince d'Orange ne s'était pas retiré en Al- Bentivogl., lemagne pour attendre, dans un lâche repos, une révolution favorable qui lui facilitât les moyens de rentrer dans sa patrie et dans ses biens: il médi

tait sérieusement une irruption dans les Pays-Bas; mais sa circonspection naturelle qui lui montrait tous les inconvéniens et toutes les difficultés d'une entreprise aussi importante, ne lui permettait pas d'en hasarder témérairement l'exécution, avant d'avoir pris toutes les précautions et combiné toutes les mesures propres à en assurer le succès: il tâcha d'attirer, dans son parti, la reine Elisabeth, qu'une haine personnelle, causée par les mauvais traitemens qu'elle avait reçus de Philippe, animait contre ce prince. Elisabeth, que des raisons politiques forçaient à ménager l'Espagne, n'osait accorder une protection ouverte aux rebelles; mais elle ne laissait pas de les aider secrètement de ses conseils et de ses secours : il mit dans ses intérêts l'amiral de Coligny, chef des huguenots de France: il gagna les princes protestans d'Allemagne, en leur représentant que, par le double motif de politique et de religion, ils devaient réunir tous leurs efforts pour abattre une puissance formidable et tyrannique, qui voulait détruire leur culte et anéantir leur liberté, et il leur persuada d'assembler une diète pour prendre sur ce grand objet des résolutions uniformes. L'électeur Palatin, le duc de Wirtemberg, le landgrave de Hesse, le marquis de Bade, le marquis de Dourlach s'y rendirent, et le roi de Danemarck y envoya son ministre. Les sentimens y furent partagés; mais l'artificieux prince d'Orange, par des discours publics où il faisait sonner le grand motif de l'intérêt général des princes, et dans des entretiens particuliers, où il faisait valoir le motif, plus puissant de leurs intérêts propres, parvint à leur faire prendre la défense de sa propre cause.

Les princes consentirent à lui accorder les secours qu'il demandait, suivant la répartition qui fut faite du contingent que chacun des princes devait fournir.

Le prince d'Orange fit avancer les seigneurs de Ibid. Lumey et de Villiers sur la Gueldre avec deux mille hommes d'infanterie et trois cents de cavalerie environ, pour tâcher de s'emparer d'une place förte, afin de favoriser le passage de la grande armée qu'il devait conduire lui-même dans les Pays-Bas. Lumey et Villiers auraient désiré de se saisir de Ruremonde, où ils avaient, dans ce dessein, pratiqué des intelligences secrètes; mais le duc d'Albe, ayant deviné leur dessein, dépêcha Lodogno, un de ses mestres-de-camp, avec quatre mille hommes d'infanterie espagnole, allemande et wallonnne, soutenue de trois cents chevaux commandés par Da vila, qui entrèrent dans cette place; cependant, les rebelles tentèrent de vains efforts pour s'emparer de Ruremonde, qui était mieux défendue qu'ils n'avaient cru. Les intelligences d'ailleurs, sur lesquelles ils avaient comptés, ne produisirent pas l'effet qu'ils s'étaient imaginé.

Lumey et Villiers se retirèrent donc précipitamment dans le pays de Liége, où ils se retranchèrent près de la petite ville de Dalem. Lodogno et Davila, qui, sans perdre un moment, étaient venus les y attaquer, firent un grand carnage de leurs troupes. Villiers fut pris et envoyé au duc d'Albe, qui résolut de le traiter non en prisonnier de guerre, mais en criminel d'état.

Cependant, le comte Louis de Nassau était entré dans la Frise avec une armée composée de dix

Ibid.

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