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CHAPITRE XVI.

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LE duc d'Albe; son caractère: il est envoyé aux Pays-Bas; son arrivée à Bruxelles; ses conferences avec la gouvernante. Représentations de la gouvernante au roi. —- Le duc fait arrêter le bourgmestre d'Anvers et le secrétaire du comte d'Egmont : il arréte lui-même les comtes d'Egmont et de Horn: il en informe la gouvernante: elle demande sa démission, et l'obtient; son départ. Établissement du conseil des troubles: le duc y fait citer les seigneurs émigrés. - Constructions de citadelles. Nombreuses émigrations. Condamnations. Enlèvement du comte de Buren. Le prince d'Orange attire à son parti la reine Elisabeth, l'amiral Coligny et les princes protestans. — Tentatives des rebelles pour s'emparer de Ruremonde: ils se retirent, et sont battus.-Louis de Nassau entre dans la Frise. Combat d'Héligerlée. Le duc d'Albe se charge du commandement des troupes. Sanglantes exécutions. Procès des comtes d'Egmont et de Horn. Requête de la comtesse d'Eg mont: lettre du comte au roi. — Exécution des deux comtes. - Regrets et sentimens des Belges. Fureurs du duc d'Albe. — Mort du marquis de Berg et du baron de Montigny.

FERDI

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ERDINAND Alvarès de Tolède, duc d'Albe était, de tous les seigneurs de l'Espagne, celui qui était le plus propre à représenter Philippe : som

bre, dissimulé, vindicatif et sanguinaire comme son maître, il lui était supérieur par ses talens militaires, dont il avait donné les marques les plus éclatantes sous le règne précédent. Ce fut donc lui que Philippe envoya dans les Pays-Bas à la tête d'une armée, pour y rétablir son autorité par la terreur.

Le duc, arrivé dans le Milanais, y fut attaqué d'une fièvre, qui le força de s'y arrêter. Dès les premiers momens de sa convalescence, il fit la revue de son armée, qui ne montait qu'à huit mille sept cents hommes d'infanterie et douze cents de cavalerie; mais, par un effet naturel et ordinaire de la terreur, les habitans des Pays-Bas la croyaient infiniment plus nombreuse : il ne se remit en marche qu'au mois de juillet: il traversa, à petites journées, la Savoie et la Franche-Comté, où, ayant reçu un renfort de quatre cents cavaliers du pays, il poursuivit sa route par la Lorraine, faisant observer la plus exacte discipline, et il arriva au commencement du mois d'août à Thionville, dans le Luxembourg.

La gouvernante avait envoyé Berlaimont, gouverneur de Namur, et Noircarmes, gouverneur du Hainaut, pour aller, de sa part, recevoir et complimenter le duc, qui, de son côté, avait député François Ibarra pour venir saluer la gouvernante.

Le duc arriva à Bruxelles, le 22 du mois d'août, et descendit à la cour de la duchesse. Cette première entrevue, qui n'était qu'une simple visite de cérémonie et d'étiquette, fut fort courte. Le duc prit son logement à l'hôtel de Culembourg. Le lendemain, il envoya à la gouvernante les dépêches du roi, par lesquelles il était nommé commandant de

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toutes les troupes des Pays-Bas il se rendit ce jour-là même à la cour en grand cortége: il continua pendant les jours suivans à lui rendre assiduement ses hommages, et, pour tromper l'œil attentif des courtisans qui épiaient, étudiaient toutes les démarches et même tous les gestes du duc et de la duchesse, il lui donna, en présence de la cour, toutes les marques de déférence et de respect dues à son rang et à sa naissance; mais, dans un entretien secret, il lui montra les ordres qu'il avait reçus du roi, de batir des citadelles dans les principales villes, pour les contenir; d'ôter aux seigneurs les plus suspects, leurs emplois et leurs gouvernemens, et d'informer contre les auteurs des troubles. La gouvernante le pressa de lui déclarer s'il n'avait pas d'autres ordres plus particuliers: il lui répondit qu'il en avait, et qu'à l'occasion il les lui communiquerait. La gouvernante sut se composer dans le moment; mais elle écrivit sans délai au roi, que ce pouvoir immense, que ces troupes nombreuses, qu'il avait donnés au duc d'Albe, n'étaient que des moyens propres à augmenter les troubles que déjà, la seule crainte qu'avait inspirée l'arrivée du duc d'Albe, avait engagé cent mille Belges, àpeu-près, à se retirer dans les pays étrangers avec toutes leurs richesses; que, dans leur désespoir, les Belges n'étaient soutenus que par l'espérance, que sa majesté accomplirait la promesse qu'il leur avait faite, de se rendre aux Pays-Bas; que, s'il avait changé de résolution, elle le suppliait instamment de lui faire la grâce de la décharger du poids d'un gouvernement pénible qu'elle avait soutenu pendant neuf ans.

Le duc commença son plan de proscription et de vengeance par attirer dans ses pièges les principaux seigneurs, en les accablant de caresses perfides il s'attacha d'abord à gagner le comte d'Egmont pour parvenir, par son intervention, à entraîner le comte de Horn dans le précipice qu'il préparait à l'un et à l'autre. Egmont, trop loyal, trop confiant, ne pouvait soupçonner dans les autres ces lâches détours, ces moyens bas, qu'il ne connaissait point: il conduisit donc son ami à sa perte, en croyant le sauver il calma ses craintes et dissipa ses soupçons. Le comte de Horn, rassuré par l'exemple et les conseils du comte d'Egmont, se rendit donc chez le duc : les autres seigneurs suivirent son exemple. Le duc convoqua, pour le 9 de septembre, un grand conseil à l'hôtel de Culembourg, auquel assistèrent le duc d'Arschot, les comtes d'Egmont, de Horn, de Mansfeld, d'Aremberg et de Berlaimont: il avait, dans le même moBentivogl. ment, donné des ordres secrets pour faire arrêter liv.3. et conduire à Bruxelles, ce jour-là même, Antoine Strale, bourgmestre d'Anvers, qui passait pour être le confident du prince d'Orange, et Jean Kaatsembrod, seigneur de Bakersel, secrétaire du comte d'Egmont il attendait, avec impatience, le moment où l'on viendrait l'informer que ses ordres étaient remplis. Dès qu'il en eut reçu la nouvelle, il leva la séance et retint le comte d'Egmont, qu'il conduisit dans un appartement particulier, comme pour lui parler en secret. Le duc, qui avait fait apposter des troupes dans une chambre qu'il avait désignée, s'arrêta vis-à-vis de cette chambre: Comte d'Egmont, dit-il, le roi m'ordonne de vous

Strada, ib.

Strada, ibid.

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» arrêter et de vous demander votre épée ». A ces mots, les gardes s'avancent le comte, foudroyé par ces paroles terribles, rendit son épée sans résistance: " Cependant, dit-il, en la remettant, je » m'en suis servi quelquefois avec succès pour dé» fendre les intérêts du roi ». Les gardes l'emmenèrent sur-le-champ dans la chambre voisine.

Le comte de Horn fut arrêté dans le même moment et de la même manière par Ferdinand de Tolède, fils naturel du duc d'Albe. On dit que le cardinal de Granvelle, qui était alors à Rome, ayant appris cette nouvelle, demanda si le taciturne était aussi pris c'était le nom qu'il donnait ordinairement au prince d'Orange. Comme on lui répondit que non eh bien! dit-il, il n'a rien pris.

Le duc qui avait frappé ce grand coup sans avoir consulté la gouvernante, lui envoya les comtes de Mansfeld et de Berlaimont pour lui apprendre cette nouvelle, avant qu'elle eût pu la savoir par le bruit public, et pour la prier d'excuser le duc de lui avoir caché son dessein, en alléguant pour raison, qu'il avait cru qu'il était prudent, dans une circonstance aussi délicate, d'agir sans la consulter, pour lui épargner la peine de partager l'odieux de cette action. La gouvernante, peu satisfaite de ces excuses apprêtées, dissimula cependant son ressentiment aux deux comtes; mais elle écrivit au roi pour le prier, avec des instances plus pressantes, de lui accorder sa démission: elle parla très-vaguement de l'arrestation des comtes d'Egmont et de Horn, comme sans aigreur, comme sans passion elle se contenta seulement de supplier le roi de vouloir, pour ménager sa santé,

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