Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

ment conserver l'amitié du comte, et traverser les desseins de la duchesse.

[ocr errors]

Cependant, Montigny avait obtenu deux audiences du roi. Dans la dernière entrevue qu'il eut avec ce monarque avant son départ, le roi le pressa de lui exposer avec la franchise et la sincérité qu'il lui connaissait, les véritables causes du mécontentement et des plaintes des habitans des Pays Bas. Montigny lui répondit: qu'il ne pouvait dire à sa majesté, sur cet objet, que des choses dont elle était déjà parfaitement instruite; qu'elle savait que tous les Flamands étaient persuadés qu'on n'avait imaginé l'érection des nouveaux évêchés que comme un moyen d'introduire l'inquisition dans les Pays-Bas; que le cardinal de Granvelle était devenu tellement odieux à toutes les classes de citoyens, qu'il était dangereux que cet acharnement n'excitât un soulèvement général. Le roi répliqua qu'il connaissait en effet toutes ces choses; mais qu'il était extrêmement surpris que les Flamands ajoutassent foi à des bruits dépourvus de tout fondement; qu'il n'avait entrepris l'établissement des nouveaux évêchés, que par les avis de l'empereur, son père; que du reste il n'avait jamais conçu le projet d'établir l'inquisition aux Pays-Bas ; que jamais le cardinal de Granvelle ne lui avait adressé de plaintes contre personne, et que, s'il eût remarqué, dans ce ministre, les apparences de la basse envie qu'on lui reprochait, il eût bientôt perdu toute sa confiance; qu'au reste, il comptait retourner incessamment aux PaysBas, où il arrangerait toutes les difficultés par lui

même.

Montigny, à son arrivée à Bruxelles, y trouva

1

les esprits si aigris contre le cardinal, qu'il ne put parvenir à les calmer et à les rassurer par les réponses et les promesses du roi, auxquelles on n'avait d'ailleurs aucune confiance. Le prince d'Oran- 1563. ge proposa aux principaux seigneurs d'écrire au roi une lettre commune, pour demander le rappel de Granvelle; cependant, cette lettre fut seulement signée du prince d'Orange, du comte d'Egmont et du comte de Horn: ils représentaient au roi, que la puissance du cardinal était devenue tellement odieuse, qu'on ne pouvait le laisser plus long-temps dans les Pays-Bas, sans exposer les provinces à de grands troubles : ils l'assuraient, qu'ils ne regardaient point le cardinal comme un rival dont ils ambitionnassent de remplir la place; que leur démarche n'avait uniquement pour objet, que le repos et la tranquillité de ses peuples: ils le suppliaient de les éloigner de la cour et du conseil, en cas que leurs intentions pussent être tant soit peu suspectes : ils donnaient beaucoup d'éloges à la sagesse et à la modération de la gouvernante, et ils finissaient par des protestations de zèle pour la religion catholique et d'attachement pour le service royal. La gouvernante, qui était instruite de toutes ces menées avait déjà prévenu la cour de Madrid sur le contenu de cette lettre. Le roi leur envoya, au bout de trois mois, une réponse, par laquelle il leur mandait, qu'il n'avait pas coutume de renvoyer ses ministres, avant que leurs torts ne lui fussent évidemment prouvés ; qu'ainsi, il fallait que l'un d'eux se rendît à sa cour, pour lui expliquer et lui articuler plus clairement les griefs dont on chargeait le cardinal: il joignit à cette dépêche, adressée aux trois sei

[ocr errors]

gneurs, une lettre particulière, écrite de sa propre main, pour le comte d'Egmont, dans laquelle il lui fait connaître, qu'il apprendrait volontiers, de sa bouche, les motifs de mécontentement, qu'ils n'avaient pas exposés dans leur lettre. Le roi envoya, en mêmetemps, à la gouvernante, des instructions particu lières, dans lesquelles il lui indiquait les motifs qu'el, le devait alléguer aux trois seigneurs, pour tâcher de les appaiser: il lui enjoignait aussi de traiter particulièrement avec le comte d'Egmont, qui était le plus facile à gagner, pour l'engager à faire le voyage d'Espagne. Le comte, instruit par le prince d'Orange, refusa constamment de se rendre à: cette invitation perfide."

Les trois seigneurs adressèrent au romune seconde lettre, dans laquelle ils lui représentaient que, comme leur présence était nécessaire dans leurs gouvernemens, ils le croyaient assez convaincu de leur sincérité et de leur attachement, pour ajouter autant de foi à leurs lettres, qu'à leurs discours; qu'au reste, il ne convenait pas à leur caractère, d'aller à la cour jouer le rôle d'accusateur; qu'ils priaient sa majesté, d'agréer qu'ils s'absentassent désormais du conseil, où le cardinal était le seul dont on écoutât les avis. Le comte d'Egmont joignit une lettre particulière, pour remercier le roi de la bienveillance que la duchesse lui, avait témoignée de sa part.

Ces plaintes, tant de fois réitérées, ne pouvaient ébranler le crédit du cardinal auprès du roi. La gouvernante elle-même, voyant que Granvelle était devenu l'objet de l'exécration publique, dont elle craignait de partager le poids avec ce ministre, con

:seilla fortement au roi de le rappeler: elle lui écrivit même, pour l'y engager plus efficacement, qu'elle s'apercevait des ressorts cachés, qu'il faisait jouer, pour porter les seigneurs à des excès plus criminels que ceux auxquels ils s'étaient portés, afin de -les rendre plus odieux, en les rendant plus coupables; mais Philippe était encore inflexible: il al-mait autant Granvelle, qu'il détestait les Flamands; il éprouvait d'ailleurs une satisfaction secrète à trouver dans ce ministre un garant et un espion même de la conduite de la gouvernante.

Marguerite, qui regardait l'éloignement de Granvelle comme le terme des maux qui affligeaient la Belgique, envoya en Espagne, Thomas d'Armentières, dont elle connaissait la fidélité et l'intelligence, avec des instructions et des mémoires très'détaillés sur cette affaire. Armentières, dans les longues et fréquentes audiences qu'il eut auprès du roi, fit valoir avec tant d'habileté les motifs qu'il était chargé d'exposer au roi, qu'enfin il parvint à vaincre la répugnance de ce monarque, qui, maîtrisé par les circonstances, plutôt que convaincu par la vérité, consentit enfin au rappel de son ministre. Armentières-arriva aux Pays-Bas, le 10 de février 1564. 1564, chargé de remettre au cardinal l'ordre de sortir du Pays-Bas, dont il partit en effet, le ro mars suivant, pour se rendre dans la Franche-Comté. Le rappel du cardinal ne produisit qu'une tranquillité momentanée.

[ocr errors]

Philippe, qui, en rappelant Granvelle, n'avait fait que céder à la nécessité, était d'ailleurs si éloigné du désir de regagner les coeurs de ses peuples, qu'il ne cherchait qu'à se venger sur les Bel

Strada, dec.

1, lib. 4.

ges, de l'espèce de violence qu'ils lui avaient faite: il commença par déployer son zèle persécuteur contre les personnes suspectes d'hérésie : il avait donné sur ce sujet à Armentières les ordres les plus précis pour la gouvernante: il envoya d'Espagne des espions, pour la plupart moines et prêtres espagnols, qui se répandirent dans toutes les provinces, pour y faire leurs recherches et leurs découvertes, dont ils ne rendaient compte qu'au roi. Philippe, instruit par le rapport de ces émissaires déguisés, envoyait à la gouvernante des instructions secrètes, où il entrait dans les détails les plus étonnans il lui marquait le nom de toutes les personnes suspectes d'hérésie, leur âge, leur profession, leur demeure, leur figure, leur air même, et l'informait de leurs démarches les plus cachées.blog

La gouvernante, conformément aux volontés du roi, écrivit aux évêques, aux gouverneurs, aux magistrats, de procéder contre les hérétiques, selon la rigueur des édits. Bientôt les cachots furent remplis de sectaires, et les places publiques d'échafauds et de bûchers.

Ce fut à Rupelmonde que se fit la première exécution sanglante. Un prêtre qui avait embrassé la nouvelle religion, ayant été arrêté dans cette ville, y fut enfermé dans une chambre du château, qui n'était pas éloignée de l'endroit où l'on gardait les archives de la province: il conçut le hardi projet de mettre le feu à sa prison, espérant que le tumulte qu'occasionnerait l'incendie, lui faciliterait le moyen de s'évader. Comme on songeait plus à sauver les archives, qu'à retenir les prisonniers, le prêtre trouva en effet le moyen de s'échapper; mais le feu

ayant

été

« VorigeDoorgaan »