Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

er

demander la raison de cette émeute: mais il n'en reçut qu'une réponse insignifiante et dédaigneuse. Ce fut le 1. de février que cette terrible sédition commença à éclater. Le peuple armé, précédé de cinquante-deux étendards des métiers, et suivi de cinquante canons, se rendit sur la grand'place, où, ayant fait cesser toutes les affaires et fermer toutes les boutiques, il éleva des tentes, sous lesquelles il resta nuit et jour, sans relâche et sans interruption, criant qu'il voulait que le comte de Flandre lui rendît les comptes des recettes et des dépenses annuelles, et des sommes qu'il avait exigées dans les années précédentes, pour les frais de la guerre.

Une partie des mécontens se porta le lendemain, 2 de février, avec un étendard dont ils avaient chargé un enfant de treize ans, à la maison de Pierre Lanchals, écoutète, qu'ils n'y trouvèrent pas. Mais ils déchargèrent leur fureur sur la maison, cassèrent les vitres, brisèrent les meubles, emportèrent les harnais, arquebuses, lances et autres armes, dont ils firent le partage, avec leurs camarades, sur la place. Maximilien, qui, pendant ce tumulte, se tenait renfermé dans son palais, envoya deux de ses officiers les plus affidés sur la place, pour demander aux séditieux, leurs intentions et leur but, et si c'était contre le roi des Romains qu'ils avaient pris les armes. Ils répondirent que non, assurant qu'ils voulaient vivre et mourir avec lui; mais qu'ils ne quitteraient point la place, avant qu'on ne leur eût remis entre les mains, les ministres perfides qui abusaient de sa confiance, aux dépens du peuple. Le bruit se

Tome IV.

10

répand tout-à-coup, que le gouverneur d'Anvers s'avançait avec une formidable armée pour soumettre les Brugeois à la raison et à l'obéissance. Cette nouvelle, qui était fausse, ranima la fureur des séditieux. La grosse cloche sonna l'alarme, et les rebelles armés, se rendirent, avec l'étendard de la Flandre, au palais du roi, dans l'intention de le massacrer avec tous ses domestiques et tous ses partisans. Cependant, le seigneur d'Utkerke, ancien bailli de Bruges, qu'ils avaient forcément établi leur commandant, parvint à calmer et à arrêter ces forcénés, et à les ramener sur la grand'place. Mais ils voulurent connaître les auteurs de la nouvelle de l'arrivée du gouverneur d'Anvers, et ils découvrirent que c'étaient deux femmes qui avaient imaginé et répandu ce bruit pour contenir et intimider les rebelles. Ces deux malheureuses fureut emprisonnées, mises à la question et condamnées au fouet et au bannissement.

Les Brugeois, ayant reçu, le 9 février, des lettres des Gantois, par lesquelles ils exigeaient que le roi fût étroitement renfermé et soigneusement gardé, convoquèrent sur-le-champ une assemblée, qui fut tenue dans la maison de Pierre Caneel, dont le résultat fut qu'il fallait s'assurer de la personne du roi. Ils envoyèrent, en conséquence, vers six heures du soir, des députés à ce prince, pour le sommer de se rendre sans délai sur la place. Il n'y fut pas plutôt arrivé, qu'on lui déclara que, vu la mauvaise conduite de ses officiers, l'intention du peuple était de les punir des préjudices que la Flandre en avait soufferts; qu'en attendant cette juste punition, le peuple avait résolu de s'assurer

de sa personne. Maximilien, qui sentit que la résistance était inutile, se contenta de demander d'être arrêté dans son palais. Après une heure de délibération, il fut résolu de lui assigner, pour prison, une maison située sur le coin de la place, appelée la maison de Cranenburg, qui, selon les uns, était alors occupée par un droguiste, et, selon les autres, par un jouaillier, où il fut très-étroitement surveillé, nuit et jour, par une garde composée de huit hommes de chaque métier, et l'on fit garnir les fenêtres de gros barreaux de fer. Les ministres et les courtisans du roi, qui ne purent échapper, furent traînés dans les cachots. La populace courut au palais du roi, qu'elle pilla, alléguant qu'on y avait découvert un magasin d'armes destinées contre le peuple : c'était un de ces mensonges ordinaires dans ces sortes de tumultes.

L'influence des Gantois avait tellement prévalu, Id., pag. 14 qu'à leur instigation, les Brugeois choisirent, au et seq. nom du duc Philippe et du roi Louis, de nouveaux magistrats, et déclarèrent Maximilien, déchu de la tutèle de son fils et du gouvernement de ses états, comme en étant incapable. Les députés des villes de Douai, Lille, Orchies, Valenciennes, Bois-leDuc et Middelbourg, que le roi des Romains avait convoqués à Bruges, avant la révolte, pour les consulter sur la paix à négocier avec la France, irrités autant qu'effrayés des excès journaliers dont ils étaient les témoins, prirent le parti de se retirer, en apprenant cette nomination illégale. Les députés des provinces de Brabant, de Hollande et de Namur, les avaient dévancés de quelques jours. Le départ de ces députés, dont la présence gê

nait et importunait les rebelles, les rendirent plus. audacieux et plus entreprenans. Dès ce moment, en effet, la licence n'eut plus de frein, les excès n'eurent plus de bornes: le chancelier de Bourgogne, Jean Carondelet, fut arrêté et emprisonné avec quelques autres personnages distingués. Une troupe de bandits se jeta, en même temps, dans la chambre du roi, pour en enlever les seigneurs et les magistrats qui l'y avaient suivi. Ces fidèles ministres, avant de quitter le prince, se jetèrent à ses genoux, en lui protestant qu'ils étaient fermement résolus à persister, au prix même de leur vie, dans les sentimens d'attachement qu'ils lui avaient voués, et en le suppliant de rappeler quelquefois leurs personnes à sa mémoire. Le prince leur répondit, qu'il conserverait une reconnaissance éternelle pour les services qu'ils lui avaient rendus, et l'attachement qu'ils lui avaient témoigné; qu'il n'imiterait point le peuple de Bruges, pour lequel, leur dit-il, vous avez plus d'une fois exposé vos jours, sacrifié vos fortunes et déployé vos talens et vos moyens.

Ces généreux serviteurs furent sur le champ traînés impitoyablement dans les prisons. Tous les citoyens qui avaient exercé quelque magistrature sous le roi des Romains, furent également arrêtés et emprisonnés avec trois des plus notables habitans de Bruges, qui y avaient rempli des fonctions distinguées, et les magistrats nouvellement nommés furent chargés de les interroger et de les examiner. Mais les charpentiers, sans attendre le résultat de la procédure, allèrent arracher les trois citoyens de Bruges, des mains des magistrats, pour les traîner sur la grand'place, où ils avaient dressé un

échafaud, sur lequel ils avaient placé le chevalet, instrument qui servait à la torture des criminels. Ils y mirent Jean Ninove, qui fut si cruellement torturé aux yeux d'un peuple nombreux, que tous ses os en furent entièrement luxés et disloqués. Ce malheureux avoua, au milieu des tourmens, qu'il était convenu avec l'écoutète, Pierre Lanchals, d'introduire les troupes du roi dans Bruges pour punir les rebelles. Le second de ces infortunés, qui était un ancien officier, subit la même torture, et le troisième fut remis à un autre jour. Le bourreau était prêt à leur trancher la tête, et les trois malheureux conjuraient instamment le peuple d'ordonner promptement leur mort, en protestant qu'ils la lui pardonnaient les uns voulaient qu'on les remenât à la prison; les autres, qu'on les condamnat à la mort : le premier avis l'emporta sur l'opinion de quelques-uns qui voulaient qu'on les condamnât à la mort sans examen ultérieur. Le malheureux Jean Ninove fut ramené, deux jours après, sur la place, et remis sur le chevalet. Mais il ne fit point de nouvel aveu, et l'écoutète même rendit un témoignage détaillé de l'innocence de l'accusé, qui fut reporté à la prison, étendu sur une table, ayant tous les membres brisés.

:

Un édit, publié le 22 février, enjoignit à tous les soldats et serviteurs du roi qui se tenaient cachés de se rendre sans crainte au Marché-du-Vendredi, sous peine de mort, pour y recevoir leur paiement: ils s'y rendirent au nombre de quatre cents environ, tant Wallons qu'Allemands. Dès qu'ils y furent assemblés, un charpentier se mit à crier qu'il fallait tuer ces traîtres. Ces malheureux, qui étaient venus sans armes, tâchèrent de se sauver; mais les

« VorigeDoorgaan »