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formaient sa garde, occupés à défendre les portes et les fenêtres contre les Liégeois : ils resistèrent avec tant de vigueur, qu'ils percèrent dans la rue avec le duc. Les Liégeois avaient également attaqué la maison où était le roi; mais les Ecossais la défendirent avec tant d'opiniâtreté, qu'ils forcèrent les Liégeois à se retirer. Le combat s'engagea dans la rue avec acharnement, entre les Bourguignons et les Liégeois, qui y furent presque tous tués. Le roi et le duc, échappés à ce danger, délibérèrent sur le parti qu'ils devaient prendre; mais ils se défiaient tellement l'un de l'autre, qu'ils ne savaient, ou plutôt qu'ils n'osaient se communiquer leurs vues et leurs plans.. Telle est, comme l'observe à ce sujet Philippes de Commines, la misérable condition des princes, qui par nulle voie ne se savent assurer l'un de l'autre. Cependant, Charles et Louis venaient de conclure une paix, qu'ils avaient juré si solennellement d'entretenir si religieusement!

Dès le lendemain à huit heures du matin (c'était un dimanche, 30 d'octobre), le duc fit tirer la bombarde et les deux serpentines, pour avertir l'avant-garde, Le duc, à la tête de ses troupes, s'approcha des murailles, où il ne trouva point de résistance, parce que les Liégeois, croyant que le duc, par respect pour le dimanche, ne donnerait point l'assaut, étaient allés fort tranquillement dîner. Toute l'armée, qui montait à-peu-près à quarante mille hommes, entra dans la ville par les deux extrémités, sans résistance et sans obstacle. Le roi de France, qui portait à son chapeau la croix de S. André, entra lui-même dans la ville, en criant vive Bourgogne! Les soldats, répandus dans les rues,

Id., ch. 41.

liv. de la

Marche, ib.

trouvèrent dans toutes les maisons où ils entrèrent, le dîner prêt et la nappe mise. Le duc, étant allé à la rencontre du roi, le conduisit au palais, d'où il se rendit à la grande église de S. - Lambert, où ses gens voulaient entrer par force, pour en enlever les richesses: ils étaient tellement acharnés, que la garde qu'y mit le duc pour la défendre, ne pouvait contenir la soldatesque, qui assaillit l'église par les deux portes : il tua de sa propre main un, et selon la Marche, deux ou trois hommes de sa maison. Philippe de Commines cite ce fait comme témoin oculaire. L'église échappa au pillage; mais ceux qui s'y étaient réfugiés, furent pris. La plupart des autres églises furent dépouillées sous prétexte de faire des prisonniers. La ville, livrée au pillage, éprouva toutes les horreurs de la vengeance la plus cruelle. Les malheureux Liégeois fuyaient avec leurs femmes et leurs enfans; les uns, vers les Ardennes; les autres, vers la ville de Mezières. Deux ou trois des chefs de ces infortunés fugitifs, ayant été pris, furent amenés au Philip de duc, qui eut la cruauté de les faire mourir. Les malheureux prisonniers qui avaient été cachés dans les maisons, au moment de la prise de la ville, furent impitoyablement précipités dans la Meuse. L'embrâsement de cette grande ville, termina cette sanglante tragédie. Le duc ordonna seulement d'épargner les églises et les maisons des chanoines.

Commin. eh. 42.

Le roi Louis, après avoir vu ce peuple qu'il avait armé, cruellement immolé sous ses yeux, obtint le consentement du duc pour retourner dans ses états; et le duc, après avoir partagé son armée en deux corps, partit pour le pays de Franchimont, qu'il livra au pillage, au massacre et aux flammes.

Le duc Charles, dont ces derniers succès avaient augmenté la puissance et l'influence, avait l'art de faire servir cette prépondérance à réaliser les projets de son ambition, en affermissant son autorité et en étendant ses domaines. C'est par cette ruse, qu'ayant été choisi pour arbitre du différend qui divisait Arnould, duc de Gueldre, et son fils Adolphe, il trouva le moyen de tourner ce différend à son profit. Déjà, depuis cinq ans, Adolphe retenait son père dans les fers. Le duc de Bourgogne avait souvent employé sa médiation pour tâcher de les réconcilier. Le pape et l'empereur, qui s'intéressaient au sort de cet infortuné vieillard, avaient ordonné au duc Charles de le tirer de sa prison. Le duc fit venir le père et le fils à Dourlens, en Picardie. Je les vis souvent tous les deux, dit Philippe de Commines, dans la chambre du duc de Bourgogne, plaidant leurs causes dans une assemblée nombreuse: je vis le bon homme vieil, présenter le gage, c'est-à-dire, proposer le duel, fils. Le duc de Bourgogne, qui favorisait le jeune duc, leur fit des propositions d'accommodement: il offrit à Adolphe le titre de gouverneur de Bourgogne; le pays de Gueldre lui demeurerait avec tout le revenu; le père conserverait seulement le titre de duc et la petite ville de Grave avec une somme annuelle de trois mille florins; la moitié à titre de revenu; l'autre, à titre de pension. Je fus commis, dit Philippe de Commines, à porter cette parole à ce jeune duc, lequel fit réponse, qu'il aimerait mieux avoir jeté son père, la tête devant, en un puits, et s'étre jeté après, que d'avoir fait cet appointement, c'est-à-dire, cet arrangement; qu'il y

à son

Phi ip. de Co.,

ch. 63.

avait quarante-quatre ans que son père était duc, et qu'il était bien temps qu'il le fût; qu'il lui laisserait très-volontiers trois mille florins par an, à condition qu'il n'entrerait jamais dans la Gueldre. Un événement inattendu força le duc de rompre brusquement ces conférences. Le roi Louis XI prenait, dans ce moment, Amiens sur le duc de Bourgogne, qui se retira à Hesdin. Le duc Adolphe, déguisé sousun habillement français, partit pour se rendre dans son pays: il passa la Meuse dans les environs de Namur : il avait payé un florin pour son passage. Cette circonstance lui fut fatale. Un prêtre qui le vit, le regarda fixément, le reconnut et le dénonça. Le duc fut pris, amené à Namur, et conduit à Courtrai. Le père engagea au duc Charles le duché de Gueldre et le comté de Zutphen. Le duc Arnoul servécut peu à cet arrangement. Le duc Charles marche dans la Gueldre à la tête d'une puissante armée : il soumet, par la force des armes, les villes qui refusaient de reconnaître sa puissance, et se fait solennellement proclamer duc de Gueldre et comte de Zutphen: l'em-1 pereur Fréderic III le confirma dans la possession de ces provinces, qui furent, par ce moyen, réunies aux états de la maison de Bourgogne.

Cependant, Charles s'était brouillé derechef avec le roi de France. Les perfidies continuelles de l'un irritaient la fougue naturelle de l'autre. Les embarras de cette guerre interminable n'empêchèrent point le duc de Bourgogne de chercher à réaliser les projets que lui suggérait son ambition. La grande puissance dont il était revêtu, ne pouvait assouvir cette ambition insatiable: il voulait le titre de roi: il con

cut

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çut donc le projet de réunir tous ses états sous le titre de royaume de Bourgogne, et il demanda à ce sujet une entrevue avec l'empereur Fréderic, qui indiqua la ville de Trèves pour l'endroit des conférences. L'affaire allait être conclue au gré du duc les deux princes étaient convenus de réunir leurs deux maisons par le mariage de Marie, fille du duc, avec Maximilien, fils de l'empereur; mais ce dernier fut si vivement choqué de la proposition * que fit le duc, de remettre le mariage à un autre temps, que, croyant, avec fondement peut-être, entrevoir dans cette proposition évasive un refus déguisé, il partit de Trèves, pendant la nuit, à l'insu du duc.

Charles, ayant vu échouer ce projet, en conçut un autre il se proposa d'assujettir les Suisses, de conquérir la Lorraine et d'étendre ses états de la source du Rhin aux rives de la Méditerranée. C'était dans la vue de réaliser ce projet, qu'il avait vivement pris parti dans la guerre qui s'était élevée entre Robert de Bavière et Herman de Hesse, qui aspiraient tous deux à l'archevêché de Cologne., Charles, qui avait favorisé le premier, assiégea la ville de Nuys, la plus forte du pays. Le siége durait depuis un an: l'empereur, ayant armé presque toute l'Allemagne, accourut au secours de cette place, qu'il délivra. Le duc, forcé à renoncer à son projet de ce côté-là, entre dans la Suisse. Les principales villes de cette contrée lui envoient une députation pour lui représenter que le pays, qu'il voulait conquérir, ne valait pas les mors de ses chevaux, et les éperons de ses chevaliers; mais les raisons n'étaient pas plus capables de le détour

Tome IV.

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