Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

espèce d'accommodement. Le duc résolut donc de retourner à Grammont.

Cependant, la défaite que les Gantois avaient essuyée devant Audenarde, n'avait point dompté leur féroce opiniâtreté. La guerre fut donc poussée avec tant de fureur de part et d'autre, que tous ceux qui tombaient dans les mains du parti contraire, étaient impitoyablement massacrés, sans rançon et sans Id., ch. 26. merci, dit la Marche. Les Gantois qui échappaient à la fureur du soldat, étaient livrés à la main du bourreau. Tout le territoire de Gand, pendant ces deux funestes années, fut le théâtre d'une si horrible dévastation, qu'on compte dans ce seul canton trois cents villages et huit cents fermes livrés aux flammes. Tous les châteaux et toutes les maisons, appartenans aux nobles et aux riches, subirent le même sort. Une cruelle épidémie désola également ce malheureux pays, qui en fut presque dépeuplé. Le nombre d'hommes, de femmes et d'enfans qui en moururent, est si prodigieux, dit la Marche, qu'il n'ose le dire dans la crainte d'être repris.

[blocks in formation]

Les Gantois, accablés par tant de maux, avaient requis et supplié le roi de France, Charles VII, d'interposer ses bons offices auprès du duc de Bourgogne pour ménager un accommodement. Le roi, cédant à leurs sollicitations, envoya une députation au duc, qui était dans ce moment au pays de Waes. Ce prince, après avoir fait une réception très - honorable aux trois députés, leur témoigna qu'il serait très-charmé qu'ils se rendissent à Gand, pour y entendre eux-mêmes les raisons des ennemis. Deux de ces députés y allèrent : les Gantois, à la première

entrevue, leur firent un accueil très-honnête, parce qu'ils croyaient que le roi les envoyait dans leur ville pour embrasser leur parti contre le duc : ils rappelèrent à ces deux envoyés les griefs qu'ils reprochaient au duc de Bourgogne, leur comte; lesinjustes traitemens qu'ils en avaient reçus; les infractions qu'il avait portées à leurs priviléges; les impôts intolérables qu'il avait exigés ; les exécutions sanglantes qu'il avait ordonnées. Le ton d'humeur et d'aigreur avec lequel les. Gantois firent ces remontrances, fit assez connaître aux députés l'esprit de rebellion qui animait les Gantois, dont cependant ils entendirent froidement et patiemment les do léances pendant plusieurs jours.

Ces deux députés vinrent trouver le duc à Waesmunster, gros village situé sur le chemin de Gand à Rupelmonde, où il s'était retiré, pour lui faire rapport de leur mission, et le duc fut satisfait qu'ils eussent connu la grande déraison des Gantois.

Le duc, dont cette obstination avait redoublé le courroux, se mit à parcourir, à la tête d'une forte armée, toute la province de Flandre, marquant tous ses pas par l'incendie et la dévastation. Les Gantois voyant d'un côté leur ville menacée, de l'autre leur province ravagée, demandèrent la faculté d'avoir une nouvelle conférence avec les députés du roi Charles, pour concerter les moyens de conciliation. Ces députés revinrent donc à Gand, et le duc consentit à une trève de six semaines, dont les conditions furent que, si la paix n'était pas conclue dans cet intervalle, les Gantois seraient tenus de rembourser au duc tous les frais et tous les intérêts qu'il avait supportés à l'occasion de cette guerre; que, pendant

la durée de la trève, ils ne pourraient introduire aucune espèce de vivres ni de ravitaillement ; qu'ils ne pourraient entrer dans aucune des villes de Flandre en particulier, ni des états du duc en général, sans un sauf-conduit.

Le duc, en exécution de ce dernier article, accorda un sauf-conduit à cinquante notables de Gand, pour se rendre à Lille, à l'effet d'y conférer avec sés envoyés, sous la médiation des ambassadeurs de France, pour y traiter de la paix. Les conférences y furent ouvertes au mois d'août; mais elles ne produisirent que de vaines discussions, que de pourparlers inutiles, sans résultat et sans conclusion. Les députés de Gand se retirèrent sous prétexte d'aller consulter le peuple de cette ville sur certains points sur lesquels ils n'étaient, disaientils, ni suffisamment instruits ni dûment autorisés ; mais ils ne parurent point au jour fixé pour leur

retour.

Les ambassadeurs, convaincus de leur obstination, porterent une sentence dont les points étaient : que les Gantois seraient tenus de fermer, un jour de la semaine, la porte de leur ville par laquelle ils étaient sortis pour venir mettre le siége devant Audenarde; qu'ils seraient également obligés de tenir perpétuellement fermée celle par laquelle ils étaient sortis pour venir attaquer le duc, leur seigneur, à Rupelmonde; qu'ils jeteraient les blancs chaperons sans pouvoir les relever; que les métiers ne feraient plus la loi ni les réglemens; mais que le duc nommerait à cet effet quatre hommes, et la commune quatre, et que les bannières sous lesquelles ils faisaient leurs assemblées, seraient déposées dans un

coffre fermé à cinq clefs, dont le bailli garderait l'une; le premier échevin, l'autre; le grand doyen, la troisième, et les deux autres seraient confiées à deux prud'hommes, élus par la commune; que les bourgeois de Gand ne se donneraient plus le titre de seigneurs de Gand; que les chefs, bourgmestres, échevins et notables de la ville, au nombre de deux mille, viendraient, en chemise, à une lieue de la ville, crier merci à leur seigneur; que les officiers du duc ne seraient point soumis à la juridiction des Gantois, mais seraient renvoyés au duc; que les Gan tois payeraient une grosse somme pour le dédommagement des frais que leur rebellion avait occa+: sionnés au duc. Le duc approuva cette sentence; mais les Gantois restèrent dix jours sans déclarer s'ils s'y soumettaient ou s'ils s'y refusaient.

Les ambassadeurs, prévoyant qu'ils n'obtindraient point de réponse, envoyèrent un héraut à Gand; mais les esprits y étaient si échauffés, que cet envoyé, décoré cependant de la cotte d'armes des fleurs de lys, vit le moment où il allait être l'objet des insultes, et peut-être la victime de la fureur du peuple. Il ne put même présenter ses lettres, et il ne chercha que le moment de s'arracher des mains de ces forcénés. Les ambassadeurs, indignés de cette audace, prirent congé du duc de Bourgogne, et reprirent le chemin de la France.

Les Gantois, persistant dans leur obstination se choisirent un nouveau chef, qui, ayant rassemblé tous les mauvais garçons de Gand (c'est l'expression de la Marche), vint prendre Hulst et Axelle, et assiéger Alost, dont il fut vivement repoussé avec perte. Cette défaite ne les déconcerta pas: ils ren

1453.

trèrent dans Gand, pour y chercher du renfort, et ils en sortirent immédiatement après, pour venir brûler Arlebèque et les villages voisins. Les Bourguignons, d'un côté, tentèrent quelques entreprises contre les Gantois; les Gantois, de l'autre, firent quelques escarmouches; et toutes ces hostilités n'aboutissaient qu'à aggraver et à étendre les maux dont cette malheureuse province était accablée.

Les Gantois firent cependant une nouvelle démarche pour obtenir la paix: ils envoyèrent au comte d'Etampes, pour lui demander qu'il leur obtînt un sauf-conduit du duc, pour pouvoir entamer une négociation. Le sauf-conduit leur fut accordé, et le jour fixé où les conférences se tiendraient à Bruges. Le comte d'Etampes s'y rendit de la part du duc, et le chevalier Jean Devos, avec le prieur des chartreux, de la part des Gantois; mais ces conférences n'eurent encore aucun succès; et quand le prieur et le chevalier virent l'obstination avec laquelle les Gantois persistaient dans leurs prétentions exorbitantes, ils ne voulurent plus retourner à Gand, et demeurèrent à Bruges.

Les hostilités recommencèrent donc, et, comme si c'eût été un jeu, les Gantois proposèrent une nouvelle entrevue, qui eut lieu à Séclin, près de Lille, où le comte d'Etampes se rendit, comme à Bruges, de la part du duc, et vingt députés de la part des Gantois. Cette conférence ne produisit pas plus d'ef fet que celle de Bruges.

[ocr errors]

La Flandre est donc derechef livrée au carnage, Id, ch. 7. à la dévastation et à l'incendie, à toutes les horreurs de la guerre, et à tous les excès de la révolte.

Le duc, fermément convaincu que la force était

« VorigeDoorgaan »