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tre connaissance, subsiste aujourd'hui autrement qu'en copie. Nous ne connaissons pas de charte de commune qui ait eu en Champagne une fortune plus brillante, puisque du mois de septembre 1230 au mois de janvier 1232 elle fut donnée certainement à neuf villes ou villages de notre province (a), probablement à sept autres au moins (b), et qu'à La Fertésur-Aube, par exemple, elle était encore en vigueur au siècle dernier.

Les trois principes fondamentaux que nous avons signalés dans la charte de Troyes : nomination du maire et des échevins par le comte ou par ses délégués, concession à l'échevinage de la juridiction et des produits de la justice sauf quelques cas réservés au comte, transformation de la taille en un impôt de quotité suivant un tarif fixe, ces trois principes ont été connus et appliqués par la cour de Champagne avant l'année 1230.

Ainsi, bien antérieurement à l'année 1230, nous trouvons en Champagne des corps municipaux dont les membres sont désignés par les seigneurs. Chaudefontaine, en 1206 (655), reçut de Blanche de Na

(a) Provins (2061), Saint-Florentin (2125), Coulommiers (2130), Bar-sur-Seine (2131), Villemaur (2132), Châtillon-sur-Marne et Dormans (2145), La Ferté-sur-Aube (2169).

(b) Barbonne et Chantemerle (Lefèvre, Les finances de la Champagne, p. 51), Bar-sur-Aube (2372, voir aussi notre Histoire de Bar-sur-Aube, p. 22), Epernay (2375), Sézanne (2459), Vassy (2577, 2608), Vertus (3768), Vitry (2219; Du Cange, édit. Henschel, II, 485, date cette commune d'avril 1230), Isle-Aumont (voir aux Archives de l'Aube, Inventaire de Montier-la-Celle, fo 58, vo, une charte de juin 1255, émanée de Bouchard, maire de la commune d'Isle).

varre et de l'abbaye de Saint-Vannes de Verdun un maire et des échevins investis de l'autorité judiciaire, mais qui étaient choisis par le prévôt des moines à Chaudefontaine, et par le prévôt de Sainte-Menehould, délégué de la comtesse. Blanche et l'abbaye de Saint-Remy de Reims organisèrent de la même manière, la même année, la ville neuve qu'à cette époque ils fondèrent à Villiers-en-Argonne (663, 664). Mais, quant au produit des amendes et à l'assiette de la taille, les habitants de Chaudefontaine et de Villiers-en-Argonne restèrent dans le droit com

mun.

En mai 1226, Thibaut IV fixa le montant de la taille pour les habitants de Bray-sur-Seine à 4 deniers pour livre, c'est-à-dire à un soixantième, pour le capital mobilier, et à 2 deniers pour livre, c'est-à-dire à un cent-vingtième, pour le capital immobilier (1709). Nous trouvons donc dans cette charte, antérieure de quatre ans à celle de Troyes, la taille devenue déjà un impôt de quotité et soumise à un tarif. Thibaut IV accorda en 1228 le même privilége aux habitants de Vinneuf, Courlon et Balloy, et à tous ceux de ses hommes qui demeuraient entre Braysur-Seine et Sens dans la prévôté de Bray (1846); mais cette dernière charte ne parle ni d'institutions communales, ni d'abandon de la juridiction, ni de cession des produits de la justice.

La charte de mai 1226 traitait beaucoup plus libéralement les habitants de Bray-sur-Seine; elle leur donnait un maire et des échevins, conférait droit de justice à ce corps municipal; elle faisait à la commune ainsi créée abandon du produit des amendes, sauf les cas de vol, d'homicide, de rapt; sauf

aussi les amendes dues en cas de non paiement des droits de péage, de minage et de tonlieu appartenant au comte. Il y a donc entre cette charte donnée aux habitants de Bray et celle que les habitants de Troyes obtinrent quatre ans plus tard une grande ressemblance; mais l'organisation municipale accordée à Bray-sur-Seine en 1226 et celle que Troyes reçut en 1230 sont toutes différentes : les officiers municipaux de Troyes sont, nous l'avons dit, au choix du comte; ceux de Bray-sur-Seine doivent leur nomination au suffrage de leurs concitoyens.

Cette dissemblance fondamentale n'est pas la seule. Au lieu de douze jurés ou échevins comme à Troyes, les habitants de Bray-sur-Seine en ont six. La charte de Bray contient un tarif d'amendes parfaitement inutile et qui fut supprimé lors de la rédaction de la charte de Troyes. Le tarif de la taille est, pour le mobilier, moins élevé à Bray-sur-Seine qu'à Troyes. On y paie, avons-nous dit, 4 deniers pour livre ou un soixantième, et non 6 deniers, soit un quarantième comme à Troyes. Enfin, la charte de Bray est rédigée en latin, tandis que celle de Troyes est écrite en français. Toutefois on ne peut contester qu'on ne trouve exprimés dans la charte de Bray deux des trois principes dans lesquels nous avons résumé celle de Troyes transformation de la taille en un impôt de quotité avec tarif, abandon à la commune des produits de la justice dans la plupart des cas.

Albéric nous apprend pourquoi Thibaut IV donna une charte aux habitants de Troyes en 1230, et pourquoi, vers la même époque, il étendit le même avantage à un si grand nombre de centres de popu

lations : « Le comte de Champagne, » nous dit-il sous la date de 1231, « établit des communes de >> bourgeois et de paysans auxquelles il se fiait plus >> qu'à ses chevaliers (a). » On se rappelle la campagne terrible faite dans notre province en 1230 par les barons coalisés. Nous avons déjà dit qu'ils étaient probablement sous les murs de Troyes vers la fin d'août. Ce fut là que la guerre se termina, et si elle n'eut pas une issue aussi malheureuse qu'on l'aurait pu craindre, Thibaut le dut pour une bonne part à la fidélité des habitants de Troyes (b). Les préliminaires de la paix sont datés du 25 septembre 1230 (c). L'acte par lequel Thibaut institua la commune de Troyes est aussi daté de septembre 1230. Il est donc vraisemblable qu'il fut la récompense de la fidélité des habitants de cette ville. Celle des habitants de Provins qui, après la défaite de l'armée champenoise sous leurs murs (d), était restée inébranlable, reçut à la même date la même rémunération. La concession de cette charte aux habitants d'Epernay, de Sézanne.et de Vertus put être considérée comme une indemnité de la destruction de leurs villes pendant la guerre (e). A Saint-Florentin et à Bar-sur-Seine, elle fut sans doute, quoiqu'un peu tardivement, la récompense du courage montré par les habitants ou la réparation des pertes qu'ils avaient souffertes pendant la campagne de l'année

(a) Albéric, ap. D. Bouquet, XXI, 606 C.
(b) Voir plus haut, p. 248-249.

(c) Voir plus haut, p. 252.
(d) Voir plus haut, p. 245.
(e) Voir plus haut, p. 244-245.

précédente (a). Si elle fut étendue à bien des populations qui n'avaient pas subi d'aussi redoutables épreuves, ce fut probablement parce qu'il était à craindre que les faveurs accordées aux uns n'inspirassent de la jalousie à d'autres qui ne les auraient point partagées.

Nous n'entreprendrons pas l'histoire de la charte de Troyes dans toutes les communes qui l'obtinrent. Mais nous donnerons quelques détails sur ce qui se passa dans les deux villes de Troyes et de Provins.

A Troyes, les institutions municipales n'étaient pas, en 1230, une nouveauté, et sans remonter au XII° siècle, dont les nuages ne sont pas encore dissipés, nous trouvons dans cette ville, en 1215, des échevins servant d'assesseurs au prévôt (b), comme à Villeneuve-au-Châtelot, comme sur la montagne au-delà de l'Aisne, en face de Sainte-Menehould, et à Villiers en Argonne (c). Mais en 1222 Troyes n'avait plus d'échevinage (d). Ainsi, les institutions municipales n'avaient pas dans cette ville des racines bien puissantes.

A peine érigée, la nouvelle commune se trouva surchargée de dettes. Dès le mois de décembre 1232 elle devait 1,000 livres de rentes (e), dont la valeur

(a) Voir plus haut, p. 228.

(b) Voir notre t. III, p. 224, note 4.

(c) Voir plus haut, pages 714-715.

(d) Voir notre t. III, p. 224, et p. 261, pièce III.

(e) Voir une charte de Pierre Legendre, maire, des échevins et de la commune de Troyes, publiée par Vallet de Viriville, Archi

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