Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

municipales, à cette négation absolue qui est une des bases de la coutume de Lorris.

8 4. Imitations de la charte de Soissons.

Un des caractères distinctifs de la charte de Soissons, et par conséquent de celle de Meaux, qui en est la copie, est l'excès de l'indépendance communale (a). La commune de Meaux avait droit de guerre : << Si, » dit la charte, « la commune >> sort un jour pour combattre ses ennemis, per» sonne de la commune ne parlera avec eux » sans la permission des magistrats qui garde>> ront la commune. » Ces magistrats étaient un maire et des jurés dont le nombre n'est pas fixé, et qui, bien que la charte n'en dise rien, étaient évidemment électifs; ils avaient droit de justice, sauf les cas de vol, meurtre, rapt et incendie réservés au prévôt du comte. Les amendes appartenaient au seigneur et se payaient d'après un tarif complètement différent de ceux de Lorris et de Beaumont. Dans ce tarif, l'amende maximum est de 60 sous, et l'amende minimum de 5. Une clause insérée déjà dans la charte de Lorris donne au comte droit à quinze jours de crédit pour les denrées achetées le jour ou le lendemain de son arrivée à Meaux ; d'autre part, à Meaux comme à Lorris, la taille est supprimée; mais ce sont à peu près les seules ressemblances qu'on puisse signaler entre ces deux coutumes.

Malgré les dangers que devait présenter le droit

(a) Voir l'analyse de cette charte dans notre tome III, p. 222

de guerre accordé à la commune de Meaux, la charte de cette ville, donnée par Henri Ier en 1179 (304), fut confirmée par Thibaut III en 1198, par Blanche de Navarre en 1203, par Thibaut IV en 1222 (1421), par Thibaut V en 1258 et en 1268, par Henri III en 1274, et par Philippe le Bel en 1284 (a). Il est vrai que cette charte n'était pas pécuniairement trèsdésavantageuse au comte; elle lui conservait un tarif d'amendes plus élevé que celui de Lorris; si, à Meaux comme à Lorris, il n'avait pas de taille à percevoir, il touchait à Meaux une indemnité que la coutume de Lorris ne lui accordait pas la commune lui payait une redevance annuelle de 140 livres pour prix de sa liberté.

Un motif semblable détermina Thibaut IV à donner la même charte, sauf quelques variantes, aux habitants de Fismes en 1227 (1736), et à ceux d'Ecueil en 1229 (1930). La redevance annuelle fut fixée, pour Fismes, à 180 livres, et pour Ecueil, à 80.

8 5. Charte de Troyes.

La charte de Meaux n'est point une œuvre originale. Nos comtes n'ont rien créé non plus quand ils ont donné à tant de localités de leurs Etats des franchises imitées de celles de Lorris et de Beaumont. Cependant il y eut dans les domaines de nos comtes, à côté de ces chartes d'importation étrangère, un type local et qui ne nous paraît pas devoir

(a) Du Plessis, Histoire de l'église de Meaux, II, 658; Teulet, Layettes du Trésor des Chartes, 1, 126.

comme elles son existence à un emprunt, c'est la charte bien connue qui fut donnée à la ville de Troyes par Thibaut IV au mois de septembre 1230 (2062). Nous avons déjà fait remarquer ce qu'elle a surtout de caractéristique au point de vue des libertés municipales : le maire et ses assesseurs, échevins ou jurés, sont désignés par le seigneur, tandis qu'à Beaumont et à Meaux ils étaient électifs; mais il y a aussi deux dispositions curieuses à remarquer.

Le droit de justice était accordé à l'échevinage de Beaumont et de Meaux en ce sens que le maire et les échevins jugeaient. Mais dans ces deux villes et dans celles qui obtinrent les mêmes franchises, les amendes appartenaient au seigneur. A Beaumont, il est vrai, un privilége spécial obligeait le seigneur à consacrer la moitié des amendes aux fortifications de la ville; mais ce privilége ne se trouve pas dans les chartes que nos comtes imitèrent de celle de Beaumont. A Troyes, la concession du droit de justice se fit d'une manière plus étendue, et Thibaut IV abandonna à la commune le produit des amendes, sauf les réserves suivantes : quand un étranger subit une condamnation à Troyes, la commune ne peut exiger que 20 sous, le reste appartient au comte; les condamnations pour fausse mesure donnent lieu à une amende de 60 sous, dont encore 20 pour les bourgeois et le reste pour le comte; en cas de meurtre, de rapt, de vol, et lorsqu'un duel se termine par la défaite de l'une des deux parties, l'amende ou le produit de la confiscation appartient également au comte. Ainsi Thibaut IV se conserva une portion importante des produits de la justice;

mais dans un grand nombre de cas ces produits entraient en totalité dans la caisse communale, privilége que n'avaient obtenu ni Meaux ni Beaumont. Du reste, le comte n'y perdait rien, car en compensation les bourgeois de Troyes s'engagèrent à lui payer une rente de 300 livres (a). Une des conséquences de cette combinaison est qu'on ne trouve pas dans la charte de Troyes ce long tarif d'amendes qui tient tant de place dans la plupart des chartes accordées par les seigneurs à leurs communautés d'habitants : à Troyes, le taux des amendes n'est fixé que dans deux cas, celui de fausse mesure et celui de duel outré (b). En effet, ce taux ne pouvait, dans la plupart des cas, donner lieu à aucune contestation entre le comte et ses sujets de Troyes, puisque presque toutes les amendes prononcées contre les bourgeois de Troyes l'étaient par l'échevinage et appartenaient à la commune, et que, sauf les cas de

(a) De toutes les communes auxquelles la charte de Troyes fut accordée, Troyes paraît être celle qui s'engagea à payer la redevance la plus élevée; les habitants de Châtillon-sur-Marne et Dormans ne durent au comte que 286 livres par an (2143), ceux de Provins, 250 (2061), ceux de Barbonne, 184, ceux de Villemaur, 170 (2132), ceux de Coulommiers, 169 (2130), ceux de Bar-surSeine, 117 (2131), ceux de la Ferté-sur-Aube, 80 (2169), ceux de Saint-Florentin, 72 (2125). Ces chiffres sont assez curieux en ce qu'ils peuvent nous donner une idée de l'importance comparative de ces localités. La valeur intrinsèque des 300 livres dues par la ville de Troyes serait de 6,079 fr. 15 c., au pouvoir de 30,396 f. (Voir le Mémoire de M. de Wailly sur les variations de la livre tournois, page 222.)

(b) Le duel était outré quand il se terminait par la défaite de l'une des deux parties.

fausse mesure et de duel outré, les cas réservés au 'comte donnaient lieu de droit commun à amende arbitraire ou même à confiscation: en un mot, mettaient les biens comme la personne à la discrétion du seigneur.

Enfin, la charte de Troyes contient un tarif pour la levée de la taille. En accordant la coutume de Lorris aux habitants de Chaumont, nos comtes les avaient déchargés de cet impôt; ils avaient conféré aux habitants de Chaource le même avantage. A Troyes la taille fut maintenue, mais dans des conditions toutes spéciales. Dans certains pays la taille était arbitraire, dans d'autres elle était ce que devint plus tard l'impôt de ce nom dans la monarchie française, un impôt de répartition. Ainsi, en 1190, Henri II, abonnant à 600 livres la taille de la châtellenie de Provins, en fit un impôt de répartition (398). Même observation sur la taille de Poivre, qu'en 1205 Blanche de Navarre fixa par abonnement à 50 livres et à 1,200 setiers d'avoine (634). Le droit de gîte de Luyères, réglé par Henri II à 6 livres de rente en 1187 (362), était aussi un impôt de répartition. A Troyes la taille devint, sous le nom de jurée, un impôt de quotité. La jurée était proportionnelle au capital; elle consistait en 6 deniers pour livre, c'est-àdire en un quarantième du capital mobilier, et en 2 deniers pour livre ou un cent vingtième du capital immobilier. Dans le capital mobilier on ne comprenait ni les armes, ni les vêtements, ni les meublesmeublants à l'usage du contribuable.

La charte de Troyes est rédigée en français. L'original en existe encore; c'est le plus ancien document émané de nos comtes et écrit en français qui, à no

« VorigeDoorgaan »