Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

à exposer les effets du mariage d'une serve avec un homme libre (a).

Les textes que nous venons de citer ne déterminent pas, il est vrai, quel était au XIIIe siècle le nombre des serfs en Champagne. On peut en dire autant de ceux que nous avons allégués comme preuves dans notre tome précédent. C'est en ce sens qu'il serait peut-être vrai de dire que nous aurions donné une forme trop absolue à la proposition par laquelle débute le chapitre vu de notre livre VIII, et qu'on pourrait nous blâmer d'avoir présenté comme chose à peu près certaine une hypothèse non encore suffisamment démontrée, à savoir, qu'en Champagne, au x siècle, les serfs auraient été la majorité et leur misérable condition le droit commun. Cependant il nous semble résulter du chapitre xxxix de Li drois et li coustumes de Champaigne et de Brie, que dans les premières années du XIVe siècle si cette condition n'était pas le droit commun des villes, elle était celui des campagnes :

<< Coustume est en Champaigne que homs de » pôté ne puet avoir franchise, ne ne doit, ne ne » se puet appeler frans, se il n'a de son seigneur >> lettres ou privilége. »

Or, homme de pôté est, dans le chapitre vi, donné pour synonyme de vilain, terme dont le sens est clair et qui signifie habitant d'une ville, c'est-àdire d'un village, car alors les centres de population plus importants portaient le nom de bourgs, de châteaux et de cités. Donc, au commencement du

(a) Chapitre LIII.

XIV siècle, aucun habitant des campagnes ne pouvait prendre le titre de franc ou d'homme libre autrement que par privilége et par exception au droit

[merged small][merged small][ocr errors]

Entre les serfs et la noblesse se plaçait une classe de plus en plus nombreuse et influente; nous voulons parler des roturiers libres, des bourgeois. Rien n'était variable comme leur condition, toutefois elle était soumise à certains principes généraux. Deux chartes de Thibaut IV accordant diverses franchises au fripier Jaquet, au charpentier Thomas de Vitry, aux enfants et petits-enfants de ce dernier et à quatre hommes de Voulton, décident que les descendants de ces privilégiés ne jouiront pas des mêmes avantages: « Mais, » dit le comte, « ils seront >> aux usages et coutumes des autres bourgeois de » ma terre (1596, 1606, 1927). » Cependant nous ne saurions déterminer d'une manière précise et complète quels étaient les droits et les charges des bourgeois de Champagne au XIIe siècle. Tout ce que nous savons, c'est que ces bourgeois étaient coryéables, taillables, astreints à payer sous les noms de tolte, de demande, d'exaction et de tonlieu une foule d'autres impôts directs ou indirects, qu'ils étaient obligés d'accompagner le comte dans ses expéditions, et que lorsqu'il les laissait chez eux il pouvait les contraindre à tenir garnison dans ses forteresses et même à monter la garde dans ses prisons; enfin ils étaient justiciables en première ins

3

tance des prévôts, et en appel des baillis de Champagne.

On attachait grand prix à l'exemption de toutes ces charges. Thibaut IV l'accorda héréditairement en 1230 à un Espagnol qui était venu s'établir en Champagne (2142); mais en général l'exemption de la justice des baillis et des prévôts ne s'obtenait pas, et les étrangers seuls étaient dispensés de prendre part aux expéditions commandées par le comte en personne ou par son maréchal.

Nous avons recueilli plusieurs exemples où la dé charge complète du service militaire est accordée à des étrangers. Les mêmes actes les dispensent de payer aucun impôt, sauf ceux à la perception desquels leur commerce pourra donner lieu. La condition ordinaire de cette double exemption est de fournir chaque année au comte une coupe d'argent du poids d'un marc (a). Il est quelquefois stipulé que cette coupe sera dorée en dedans (1911, 2002, 2008, 2027). Dans un cas la redevance est d'un marc d'argent (2111), dans un autre de deux (2528), dans un troisième elle s'élève à la somme énorme de 10 livres, soit 202 fr. 64 c. au pouvoir de 1,013 fr. (2058).

Les exemptions accordées à des Champenois étaient quelquefois restreintes aux impôts et à la corvée (1596, 2897), quelquefois elles comprenaient le service des places fortes et des prisons, en laissant l'impétrant

(a) Catalogue, nos 1499, 1500, 1911, 2002, 2008, 2027. Les chartes nos 1521 et 1522 étant accordées à des femmes, il n'y est pas question de service militaire.

obligé de prendre part aux expéditions du comte (a). La plupart du temps le bourgeois privilégié ne pouvait refuser de se rendre aux expéditions où il était convoqué lorsque ces expéditions étaient conduites par le comte de Champagne (b) ou même par le maréchal à défaut du comte (c). Nous n'avons rencontré que trois exemples d'exemption absolue du service militaire accordées par nos comtes à des Champenois. Cette exemption fut obtenue par le domestique d'un médecin de Thibaut IV (1976), par les fourniers de l'Hôtel-Dieu de Troyes (1733) et par Gilles, drapier de Méry, d'abord homme de corps de Simon de Méry, et qui ayant acquis sa liberté par achat, prit Thibaut IV pour seigneur et s'engagea à lui payer une rente annuelle de 10 sous (2507) (d).

Ces priviléges étaient quelquefois gratuits (e); le plus souvent ils n'étaient accordés qu'à charge de payer une redevance annuelle dont le montant variait. Nous avons rencontré les chiffres d'un marc d'argent (2897) de 40 sous (1520), de 25 sous (1600), 2010), de 20 sous (1596, 1964, 1965), de 10 sous (2507, 2872), de 3 sous (2064), par ménage.

Un père et un fils s'engagent à payer à eux deux,

(a) Voir notre Catalogue, nos 1481, 1489, 1927, 2010, 2064, 2113.

(b) Voir notre Catalogue, nos 1494, 1511, 1964, 1965, 2078, 2089, 2872.

(c) Voir notre Catalogue, 1413, 1519, 1520, 1599, 1600. (d) La charte no 2078 donne aussi un exemple d'hommes qui s'étant rachetés devinrent bourgeois de Thibaut.

(e) Voir notre Catalogue, nos 1413, 1494, 1511, 1976, 2113.

chaque année, un marc d'argent dont le survivant restera débiteur (2089); quatre frères chacun un demi-marc (1927); deux autres frères chacun 5 sous (2078).

Les redevances d'un marc d'argent, de 100 sous, de 40 sous et de 20 sous que plusieurs vassaux roturiers de Thibaut IV s'obligèrent à payer à ce prince sous la foi du serment étaient sans doute le prix de faveurs analogues (a).

Rarement ces priviléges individuels étaient concédés héréditairement (b). Ils étaient presque toujours viagers.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Les priviléges accordés à des communautés d'habitants étaient conférés à perpétuité. Du reste, rien de variable comme les clauses contenues dans les chartes de cette dernière espèce. Cependant, en partant de certains principes fondamentaux, on peut les distinguer en plusieurs catégories bien tranchées.

On sait qu'en droit commun les populations roturières étaient administrées et jugées par des fonctionnaires désignés par nos comtes, et qui portaient le nom de prévôts dans les localités les plus importantes, de maires dans les autres. En France comme en Champagne la charge de prévôt était quelquefois

(a) Catalogue, nos 2770, 2854, 2897, 3020, 3025, 3031. (b) Voir cependant les nos 1976, 2112.

« VorigeDoorgaan »