Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

qui les nouvelles fortifications de cette ville avaient porté préjudice, reçut une rente de froment à titre de dommages-intérêts (1818). Thibaut IV donna plus tard des dédommagements analogues au chapitre de Saint-Quiriace de Provins (2281) et au chapitre de la cathédrale de Meaux (2344), à qui avaient fait tort les travaux exécutés par son ordre pour améliorer le système de défense des places de Provins et de Meaux.

CHAPITRE VI.

Servage. Bourgeoisie. Institutions communales.

SECTION 1re.

SERVAGE.

Dans notre précédent volume, nous avons dit que presque tous les habitants de la Champagne paraissent avoir été serfs au XIIe siècle (a). Des savants, dont la bienveillance envers nous égale l'érudition, ont révoqué en doute l'exactitude de cette assertion.

Il peut y avoir eu dans les termes dont nous nous sommes servis quelque chose de trop absolu, et dans notre pensée un peu d'exagération. Cependant une des principales objections qui nous ont été faites tombe si l'on se reporte au titre de notre livre, et si l'on songe que dans cet ouvrage, surtout lorsqu'il s'agit des institutions de nos comtes, le mot de Champagne doit s'entendre des pays soumis à l'autorité de ces princes célèbres et non des trois comtés de Reims, de Châlons-sur-Marne et de Langres. Reims, Châlons-sur-Marne et Langres étaient complètement indépendants des comtes de Champagne et relevaient immédiatement du roi. Ces trois villes

(a) Tome III, p. 215.

et les pays qui en dépendaient politiquement ont été et resteront toujours en dehors de notre sujet. Dans ce chapitre et dans le chapitre correspondant de notre tome III nous ne parlons même que de ce qui se passait dans les domaines des comtes de Champagne, en laissant de côté les actes de leurs

vassaux.

Si le servage était au x11° siècle moins commun en Champagne que nous ne l'avons dit, il est certain qu'il y existait. Le serf, suivant Beaumanoir, se reconnaît à trois caractères principaux : il ne peut devenir clerc ou religieux sans le consentement du seigneur (a); il est sujet au droit de main-morte et à celui de formariage (b). Nous avons établi qu'au XIIe siècle, en Champagne, une partie de la population était soumise à cette triple servitude (c).

Au XIIe siècle, il est évident qu'un certain nombre d'habitants restait sujet au droit de main-morte, ce signe fondamental du servage. Ainsi, en 1229, Thibaut IV accordant la liberté au domestique et aux héritiers du domestique de son médecin, déclare qu'ils pourront disposer de leurs biens. Donc, avant d'obtenir cette faveur, ce domestique était incapable de faire ni donation ni testament, il était mainmortable (1976). En 1239, Thibaut IV accorda formellement l'exemption du droit de main-morte à un lombard d'Asti, qui était venu s'établir à Provins (2528).

(a) Chapitre XLV, § 28, édit. Beugnot, II, 231. (b) Chapitre XLV, 31, édit. Beugnot, II, 233. (c) Voir notre tome III, p. 217, 218.

Ce sont là, dira-t on, des faits isolés; mais nous avons des documents qui présentent un caractère plus général : en 1222, Thibaut IV autorisa tous les hommes de Château-Thierry à léguer aux deux hôpitaux et à la léproserie du lieu leurs robes, leurs lits et le tiers de leurs meubles (1514). Or, nous dit Beaumanoir, tout gentilhomme et tout roturier qui n'était pas serf avait, par acte testamentaire, la libre disposition de l'intégralité de ses meubles (a). Donc les habitants de Château-Thierry étaient serfs; cependant Château-Thierry était un chef-lieu de châtellenie.

Ce n'est pas tout, les habitants de Soulaines n'obtinrent qu'en 1230 la remise de la main-morte (2070). Ce fut seulement en 1259 que ceux de Nogent-le-Roi reçurent la même faveur (3179).

Soulaines et Nogent-le-Roi étaient, comme Château-Thierry, des chefs-lieux de châtellenie.

A côté des documents qui nous montrent nos comtes adoucissant la rigueur de l'ancien état des personnes, d'autres constatent le maintien du statu quo. En 1220, la mère de Thibaut IV convint de partager, avec l'abbaye de Montiéramey, le produit du droit de main-morte dans la prévôté de Méry-surSeine (1250). En 1213, il avait été décidé que les recettes provenant de l'exercice des droits de mainmorte et de formariage à la Villeneuve-au-Frêne appartiendraient moitié à cette princesse, moitié à l'abbaye de S'-Remy de Reims (b). En 1210, Blan

(a) Chapitre XII, § 3, édit. Beugnot, 1, 180.

(b) Ajoutons que les vassaux de l'abbaye de Montiérender étaient

che avait acquis la main-morte et le formariage des hommes et des femmes de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, qui, dans les châtellenies de Provins et de Bray, pourraient à l'avenir épouser des hommes et des femmes des comtes de Champagne (1035). En 1205, réglant les droits du maire de Poivre sur les main-mortes et les formariages, elle avait fixé à 20 sous la part de ce fonctionnaire, et s'était réservé le reste du produit (634).

Après avoir mentionné des actes aussi décisifs, il sera peut-être superflu de signaler trois affranchissements accordés par Thibaut IV, l'un à une famille entière (1493), un autre au fils d'une femme de corps (1963), et le dernier à une femme (2908), les deux premiers à titre héréditaire, le troisième à titre purement viager. Les termes employés ne peuvent pas donner lieu à discussion: Manumisit et ab omni servitutis nota esse voluit liberos et immunes (1493); quandiu ipsa vixerit, ab omni jugo servitutis manumisil penitus et absolvit (2908).

Du reste, l'existence du servage en Champagne à l'époque dont nous sommes occupés est mise hors de toute contestation par le coutumier connu sous le nom de Li drois et li coustumes de Champaigne et de Brie. Ce document, qui date du commencement du XIVe siècle, traite du droit de main-morte dans cinq chapitres (a), et il en consacre un autre

mainmortables en 1230 (2042), comme les hommes de Saint-Bénigne de Dijon à Heiltz-le-Maurupt et dans les environs, en 1261 (3229).

(a) Chapitres VI, XIII, XXIX, XXX, LX.

« VorigeDoorgaan »