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Les oisillons de mon païs
Ai oïs en Bretaigne;

A lor chant m'est il bien avis
Qu'en la douce Champaigne
Les oi jadis,

Se n'i ai mespris.

Il m'ont en si doux penser mis
Qu'a chançon fere me suis pris,
Tant que je parataigne

Ce qu'amours m'a lonc tans promis.

Mais nous ne trouvons pas dans les vers de Gasse Brûlé d'autre allusion à la Champagne. Il paraît avoir passé une grande partie de sa vie en Bretagne, sous la protection du comte Geofroi II, frère utérin de notre comtesse Marie de France, et qui mourut en 1486. Il parle de lui plusieurs fois dans ses vers ; il nomme fréquemment aussi le comte de Blois, mort au siège d'Acre en 1191. Quelque part il interpelle le seigneur de Vallery (a). Il vante l'ancienne beauté de la comtesse de Meulan :

Por belle fu ja tenue

La contesse de Meullent

Qui ore est vielle et chanue.

Il ne parle nulle part des comtes, des comtesses ni des barons de Champagne (b).

Après les deux nobles poètes dont nous venons

(a) M. Tarbé, les Chansonniers de Champagne aux XII® et XIIIe siècles, XXXVII, met à tort Vallery dans la mouvance de Champagne. Vallery relevait du roi à cause de la grosse tour de Sens Quantin, Dictionnaire topographique du département de l'Yonne, p. 133.

(b) Cependant, M. Tarbé, les Chansonniers de Champagne aux

de parler, il nous reste, pour compléter la liste des chansonniers champenois du XII° siècle, quatre auteurs à mentionner l'un était moine, c'est Guyot de Provins; quant aux trois autres, dont l'état social nous est mal connu, ils étaient probablement laïcs et roturiers; ce sont : Aubin ou Auboin de Sézanne, dont nous avons déjà mentionné la chanson composée par ordre de la comtesse Marie (a); Chrétien de Troyes, beaucoup plus connu par ses romans, et Cardon des Croisilles.

Guyot de Provins avait, dit-on, commencé par être ménestrel. On appelait ménestrels les artistes qui, en s'accompagnant d'un instrument, chantaient par métier les vers composés par autrui. Ils égayaient de leurs chants la plupart des réunions de barons. On suppose que c'est à titre de ménestrel qu'en 1181 Guyot de Provins assista au couronnement d'Henri, fils de Frédéric Barberousse, et qu'il reçut, comme il le raconte lui-même, de magnifiques présents des princes réunis à cette cérémonie. Ce couronnement eut lieu à Mayence. Guyot paraît avoir poussé ses voyages jusqu'à Jérusalem; puis il se convertit et entra à l'abbaye de Clairvaux. Mais il en trouva le régime trop sévère, et au bout de quatre

XIIe et XIIIe siècles, p. xiv, 45, lui attribue une chanson faite par ordre de la comtesse de Brie. Nous avons plus haut, p. 643, donné cette chanson à Auboin de Sézanne. Sur Gasse Brulé, voir une notice de M. Paulin Paris dans l'Histoire littéraire, XXIII, 564-569, et M. Tarbé, les Chansonniers de Champagne, p. XXXIIIXXXVIII, 43-51.

(a) Voir plus haut, p. 643; sur Auboin, voir l'Histoire littéraire, XXIII, 528-529. Il paraît être auteur de trois chansons.

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mois il quitta l'ordre de Cîteaux pour un monastère de l'ordre de Saint-Benoît (a). Il nous reste de lui quatre ou cinq chansons d'amour, composées sans doute avant son entrée dans l'état monastique. L'une d'elles est adressée au comte de Mâcon, probablement Guillaume V, qui régna de 1184 à 1224, et qui avait épousé Scholastique, fille d'Henri Ier, comte de Champagne (b).

Chançons va t'en tot droit à Masconois,

A mon seignor lo conte; je li mant,
Si com il est frans et prous et cortois,
Qu'il gart son pris et si le traie avant.
Mais nule rien lo conte ne demant;

Fors por s'amor et por ma dame chant (c).

Nous parlerons plus loin de son principal ouvrage, qui est connu sous le nom de Bible Guyot.

Cinq chansons sont attribuées à Chrétien de Troyes; mais deux seulement semblent être certainement de lui, encore une des deux lui est-elle disputée par Guyot de Dijon et par Gasse Brûlé. C'est de leur ancienneté que ces chansons tirent leur principal mérite, et ce n'est point là qu'il faut chercher les titres de Chrétien à la renommée (d).

On nous trouvera peut-être bien hardi d'avoir placé Cardon des Croisilles dans la liste des chan

(a) Histoire littéraire, XVIII, pages 806 et suivantes.

(b) Art de vérifier les dates, II, 490; voir notre tome III, p. 112. (c) M. Paulin Paris, dans l'Histoire littéraire de la France, XXIII, 610-612. Tarbé, Poètes de Champagne antérieurs au siècle de François Ier, XVIII-XX.

(d) M. Paulin Paris, dans l'Histoire littéraire, XXIII, 554-555.

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sonniers de Champagne. En effet, parmi les nombreux villages de ce nom qui existent en France, aucun n'est situé dans notre province. Mais Cardon des Croisilles paraît être le même que Cardon de Reims; dans tous les cas, si Cardon des Croisilles n'était pas à proprement parler Champenois, deux de ses quatre chansons ayant été composées pour des seigneurs de Champagne ne peuvent être passées sous silence dans un travail consacré à l'histoire littéraire de cette province. L'une est adressée à Erard de Brienne :

Chançon va t'en à monseigneur Erart,
Celui de Brane, et li di que bien gart
Loial amor, ne en desesperance

Ne doit estre qui loiaument avance.

M. Paulin Paris suppose que cet Erard de Brienne serait le comte Erard II (a), une des victimes de la troisième croisade (b). Suivant M. Tarbé, il s'agirait ici d'Erard de Brienne, seigneur de Ramerupt, concurrent de Thibaut IV au comté de Champagne (c). Une autre chanson de Cardon est dédiée à Renaud de Choiseul :

A Choisil va, chanson, grant aléure;

Et di Renalt que tous jours sans mesure,

Aim loiaulment et de fin cuer entier,

Car los et pris l'en rendront grant louier (d).

(a) Histoire littéraire, XXIII, 536.

(b) Voir plus haut, p. 54.

(c) Les Chansonniers de Champagne aux XII et XIIIe siècles, p. xxv.

(d) Les Chansonniers de Champagne aux XII et XIII® siècles, p. 31.

D'après M. Tarbé on devrait, dans ce Renaud de Choiseul, reconnaître Rainard III (a), qui fut sire de Choiseul de 1228 à 1239; mais on peut croire tout aussi bien que c'est Rainard II, qui régna de 1185 environ à 1228 (b), et qui fut, par conséquent, contemporain d'Erard II, comte de Brienne. Cette hypothèse rentre dans le système de M. Paulin Paris sur la désignation du personnage auquel aurait été adressée la première des deux chansons dont nous venons de parler. Elle nous permet de maintenir, avec M. Paulin Paris et contre M. Tarbé, Cardon des Croisilles parmi les chansonniers du XII° siècle.

Une autre circonstance rend grandement probable l'exactitude de l'opinion de M. Paulin Paris. Gautier d'Epinal, dans ses chansons, parle du comte de Brienne. Il ne dit pas le nom de ce comte, mais comme il a fait des vers pour Philippe d'Alsace, comte de Flandre, qui régna de 1168 à 1191, on est en droit de supposer que le comte de Brienne dont il s'est occupé était un contemporain de Philippe, par conséquent Erard II (c). Gautier d'Epinal envoyant une chanson à ce prince, comptait qu'il la chanterait :

Chansons, alés isnelement,

Al conte de Brene direz

Soie merci que il vos chant (d).

(a) Les Chansonniers de Champagne aux XIIe et XIIIe siècles, p. xxv, XXVI.

(b) Jolibois, la Haute-Marne, p. 144.

(c) M. Paulin Paris, dans l'Histoire littéraire, XXIII, 574-575. (d) Tarbé, les Chansonniers de Champagne aux XII® et XIII• siècles, p. XXXII.

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