Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[ocr errors]

lls trouvaient accueil et encouragement aux cours d'Henri II, roi d'Angleterre (a), des comtes de Provence, de Forcalquier (b), de Toulouse, de Barcelone (c). Dans leurs rangs on remarque, à côté de roturiers comme Bernard de Ventadour, fils d'un fournier (d), comme Pierre Vidal, qui avait pour père un pelletier (e), comme Arnaud de Marveil, qui était pauvre et qui avait d'abord voulu être notaire (f), un grand nombre de gentilshommes, les uns grands seigneurs, tels que : Guillaume IX, comte de Poitiers (g), Raimbaud III, comte d'Orange (h), la comtesse de Die (i), les autres occupant dans la société féodale une position moins élevée. Les chansonniers du nord de la France donnent lieu à une remarque analogue. Il est difficile de concilier cette observation avec les préjugés vulgaires contre l'instruction de la noblesse française au moyen âge.

La France du Nord, la langue d'oil, comme on adisait par opposition à la langue d'oc, eut dès le XIIe siècle ses chansonniers comme le Midi, et s'ils sont en moindre nombre, deux d'entre eux au moins rachètent cette infériorité par la célébrité qui s'est

A

(a) Histoire littéraire, XV, 474.

(b) Notice d'Elie Barjols, dans l'Histoire littéraire, XIV, 38-40. (c) Histoire littéraire, XV, 474.

(d) Voir sa notice dans l'Histoire littéraire, XV, 466-469.

(e) Voir sa notice dans l'Histoire littéraire, XV, 470-476.
(f) Histoire littéraire, XV, 441-442.

(g) Art de vérifier les dates, II, 357-359.

(h) Art de vérifier les dates, II, 148-149; Histoire littéraire, XIII, 471-472.

(i) Histoire littéraire, XV, 446-447.

justement attachée à leur nom. Ce sont d'abord le roi Richard Coeur-de-Lion (a), dont le père Henri II était déjà plus lettré que le reste des rois (b). Chose remarquable, c'est à notre comtesse Marie que Richard paraît avoir adressé la chanson célèbre par laquelle, du fond de sa prison en Autriche, il reprocha aux barons de France l'abandon où ils le laissaient :

[ocr errors]

Comtesse-suer, vostre pris souverain

Vous saut et gart cil à qui je m'enclain

Et por qui je suis pris;

Je ne dis pas de cele de Chartrain,
La mère Loéis (c).

<< Ma sœur la comtesse, puisse le Dieu devant qui

je m'incline, et pour lequel je suis prisonnier, »>> vous conserver vos honneurs et votre terre! Je »> ne forme pas ces vœux pour ma sœur Alix, mère >> de Louis, comte de Chartres et de Blois. >>

Après Richard, nous citerons le fameux châtelain de Coucy, amant, dit-on, de cette dame de Fayel, sur laquelle un récit romanesque a fait tant verser de larmes.

Il nous reste de lui vingt-huit chansons. C'est lui qui a écrit ces vers gracieux :

Quant li rossignols jolis
Chante seur la flor d'esté,
Que naist la rose et le lis

(a) Histoire littéraire de la France, XXIII, 735.

(b) Histoire littéraire, XIV, 542.

:

(c) Paulin Paris De la Conqueste de Constantinoble, par Joffroi de Villehardouin, p. 245-245.

Et la rousée et vert pré,
Plains dé bonne volenté

Chanterai com fins amis.

Ce châtelain de Coucy n'était, comme on l'a cru, ni Raoul, seigneur de Coucy, mort au siège d'Acre en 1191, ni Raoul, son neveu. On a, sur la foi d'un roman, admis à tort qu'il s'appelait Renaut (a). Son nom était Gui. Neveu de Mathieu Ier de Montmorency, seigneur de Marly, lequel était fils de Mathieu Ier, seigneur de Montmorency, connétable de France, il accompagna son oncle à la quatrième croisade, et il y mourut (b).

Coucy, bien que voisin de la Champagne, n'appartient pas à cette province; mais parmi les contemporains du fameux châtelain, nous trouvons déjà des chansonniers champenois.

Nous placerons à leur tête Hue d'Oisy. Oisy, dont il tire son nom, est un village de l'ancienne province d'Artois (c). Mais la maison d'Oisy, à laquelle il appartenait sans doute, était champenoise aussi bien qu'artésienne, et c'est à Reuil, en Champagne, que fut enterré, en 1189, Hugues III d'Oisy, vicomte de Meaux, alors chef de cette maison (d).

On ne peut confondre Hugues III d'Oisy avec le

(a) Histoire littéraire, XIV, 579-587; XVII, 644-648.

(b) Nous devons cette observation à M. Paulin Paris. Voir son édition De la Conqueste de Constantinoble, SV, LVIII, et LX, p. 3, 35, 38, et D. Bouquet, XVIII, 433 C, 446 B, 447, B.

(c) Oisy, Pas-de-Calais, arrondissement d'Arras, canton de Marquion.

(d) Reuil, Seine-et-Marne, arrondissement de Meaux, canton de la Ferté-sous-Jouarre. Le fait et la date de l'inhumation de Hu

chansonnier Hue, car ce dernier survécut à Hugues III. La plus célèbre des poésies de Hue est postérieure à la mort d'Hugues III. C'est une invective contre Quènes de Béthune et contre le roi PhilippeAuguste, qui avaient soulevé contre eux l'indignation publique par leur retour précipité en France après la prise d'Acre (a). Elle date au plus tôt de la fin de l'année 1191, car le roi Philippe-Auguste ne partit de Terre-Sainte que le 3 août de cette année (b). On attribue deux autres chansons à Hue d'Oisy; mais l'auteur de l'une d'elle est contesté : c'est un jeu-parti où se trouve agitée la question de savoir s'il est permis de battre une femme dont on ne peut autrement se faire aimer. L'autre, plus curieuse, a pour objet le récit d'un tournois qui aurait eu lieu près de Lagny, sous les murs du château de Torcy. Ce que ce tournois avait de remarquable, c'est que les hommes y étaient remplacés par des femmes. En effet, dit l'auteur, cette année les chevaliers les plus braves ne s'occupent plus d'armes, il faut bien que les dames combattent pour eux. Hue donne la présidence de cette

gues III d'Oisy à Reuil résulte d'un procès-verbal d'exhumation rédigé le 30 juin 1230 et publié par Du Plessis, Histoire de l'Eglise de Meaux, II, 126; cf. même ouvrage, I, 151, 725, et Annales Aquicinctensis monasterii, ap. D. Bouquet, XVIII, 541 B.

(a) Elle commence par les mots : Maugré tous sains. Elle se trouve sous le nom de Hue d'Oisy dans les mss. français de la Bibl. imp., 12615, fo 53 ro et 844, fo 50 ro; cf. Romancero françois, p. 103; Histoire littéraire, XXIII, 625; Les Manuscrits françois de la Bibliothèque du Roi, VI, 83.

(b) Roger de Hoveden, ap. D. Bouquet, XVII, 36 n. et 526 n.

joûte imaginaire à la comtesse de Crespy et à la dame de Coucy. Cette idée parut sans doute piquante, car un poète du xi siècle chanta encore un prétendu tournois de dames qui aurait eu lieu à Meaux, sous la présidence de la duchesse de Brabant (a).

Un des principaux titres de gloire de Hue d'Oisy est d'avoir enseigné à Quènes de Béthune l'art de faire les vers. On le conclut des derniers mots d'une chanson où Quènes, pensant qu'il mécontentera plusieurs barons par ses traits satiriques, leur dit d'aller s'en plaindre à son maître :

Si s'en preignent à mon maistre d'Oisi
Qui m'a appris à chanter dès enfance (b).

Hue d'Oisy est le seul chansonnier champenois du XII° siècle qui paraisse avoir tenu un rang élevé dans la société féodale. Gasse Brûlé, que nous plaçons après lui, était chevalier; mais nous ne voyons nulle part quel fief il aurait possédé. Il était probablement sans fortune, peut-être même vivait-il de ses vers. Il paraît avoir été un des plus féconds chansonniers de son temps. Nous avons soixante-dix morceaux de sa composition, et au XIV siècle ses chansons passaient pour être, avec celles de notre comte Thibaut, les plus jolies qu'on eût encore écrites. Il nous apprend lui-même de quelle province il était originaire :

encore

(a) M. Victor Leclerc, dans l'Histoire littéraire, XXIII, 477478.

(b) M. Paulin Paris, dans l'Histoire littéraire, XXIII, 623-627; cf. Romancero françois, p. 98.

« VorigeDoorgaan »