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CHAPITRE III.

Affaires ecclésiastiques.

SECTION 1re. RELATIONS AVEC LES PAPES.

Les papes eurent presque toujours avec nos comtes des rapports empreints d'une extrême bienveillance. On n'a pas oublié l'appui qu'ils donnèrent à Blanche de Navarre et à Thibaut IV contre Erard de Brienne, Alix, reine de Chypre, les barons champenois révoltés et l'évêque de Pampelune. Ils accordèrent à Blanche, à son fils et à leurs successeurs, de nombreux et importants priviléges. Une bulle d'Innocent III fit défense à tout juge ecclésiastique de prononcer contre Blanche de Navarre aucune sentence d'excommunication, ni de frapper ses Etats d'interdit sans monition préalable, et ajouta que, lorsque Blanche aurait interjeté appel au SaintSiége, les sentences d'excommunication ou d'interdit ultérieurement prononcées resteraient sans effet (556). Honorius III (1025, 1026) et Grégoire IX (1776, 1785) renouvelèrent cette faveur en l'étendant à Thibaut IV. Innocent IV alla plus loin, et, en 1246, accorda à Thibaut IV le privilége pour sa personne de ne pouvoir être excommunié, pour son comté de ne pouvoir être frappé d'interdit sans mandat spécial du siége apostolique; mais cette

bulle ne devait produire d'effet que pendant trois ans (2745). En 1250, Thibaut obtint du même pape une bulle semblable, avec la même clause restrictive (2977). Un privilége analogue, conféré par Innocent IV aux enfants de notre comte, avait encore une durée limitée (2851, 2852). Ces restrictions furent supprimées par Alexandre IV, qui, par une bulle du 13 octobre 1257, réserva au Saint-Siége seul le droit d'excommunier ou de frapper d'interdit le comte de Champagne, sa femme ou sa terre (3118); cette décision fut confirmée par Urbain IV (3271) et par Grégoire X (3778) (a). Nous avons encore une pièce relative à l'exécution de la bulle d'Innocent IV. C'est une lettre par laquelle ce pape déclare nulle une excommunication prononcée contre Thibaut IV, contrairement aux prescriptions de cette bulle (2850).

Un autre privilége, qui est comme le corollaire du précédent, était l'exemption personnelle de l'interdit dans les pays régulièrement frappés de cette censure. Alexandre IV autorisa Thibaut V à se faire dire la messe dans les lieux interdits, pourvu qu'elle fût

(a) Sur les faveurs semblables obtenues des souverains pontifes par les rois de France dans le même siècle, voir Adolphe et Jules Tardif, Priviléges accordés à la couronne de France par le SaintSiége, 2, 111; 3, IV; 4, v; 5, VII, VIII; 12, xv; 13, xvII, XVIII; 15, XXI; 35, XLIII; 36, XLIV; 46, LIV; 49, LVII; 51, LX; 52, LXII; 67, LXXIX; 69, LXXXI; 77, xc; 93, CVII. Parmi ces documents, on remarquera une bulle d'Alexandre IV qui défend d'interdire les terres du roi de France sans l'autorisation spéciale du Saint-Siége, 1256; saint Louis ne paraît pas s'être fait accorder le privilége "personnel qu'obtinrent nos comtés, mais Philippe le Hardi se le fit donner par Clément IV en 1266, l'obtint pour sa femme en 1281, et Philippe le Bel se le fit conférer comme son père en 1288.

célébrée à voix basse et sans sonner de cloches, que les portes restassent fermées et qu'on n'admît pas dans la chapelle les habitants du pays ni les excommuniés (3117, 3153); cette exemption fut confirmée par Urbain IV (3288), et accordée à Henri III par Grégoire X (3717) (a).

D'autres bulles concernent les confesseurs de nos comtes. On sait qu'en 1215 un canon du quatrième concile général de Latran avait décidé que l'absolution, pour être valable, devait être donnée par le curé, à moins que ce dernier n'eût autorisé son paroissien à s'adresser à un autre prêtre (b). Nos comtes se firent dispenser de l'observation de ce canon. L'abbé de Jouy, choisi pour confesseur par Thibaut IV, reçut directement d'Innocent IV le pouvoir d'absoudre ce prince, 1244 (2692). Béatrix, fille de Thibaut IV, et depuis duchesse de Bourgogne, obtint du même pape l'autorisation de se choisir tel confesseur qu'elle voudrait, 1254 (3062). Thibaut V (3270) et Henri III (3744) se firent donner, par Urbain IV et Grégoire X, le même privilége (c).

(a) Sur les faveurs semblables obtenues des souverains pontifes par les rois de France au XIIe siècle, voir Adolphe et Jules Tardif, Priviléges accordés à la couronne de France par le Saint-Siége, 1, 1; 15, xx; 22, XXIX; 41, XLIX; 52, LXI; 73, LXXXVI; 86, XCIX. Le premier privilége de ce genre, obtenu par les rois de France, remonte à Louis VIII et à l'année 1224; il est par conséquent antérieur de trente-trois ans au premier qu'aient obtenu nos comtes.

(b) Décrétales de Grégoire IX, livre V, titre xxxvIII, chap. 12. (c) Ce fut seulement en 1256 que saint Louis obtint du pape l'autorisation de choisir son confesseur (Adolphe et Jules Tardif,

Alexandre IV et Urbain IV décidèrent que lorsque Thibaut V ou Isabelle, sa femme, assisteraient à un sermon, le prédicateur pourrait donner aux assistants 100 jours d'indulgence (3156, 3289). Urbain IV consentit même à ce que cette indulgence fût acquise de plein droit et sans que le prédicateur eût à déclarer qu'il l'accordait (3254) (a).

Urbain IV accorda encore une indulgence de 100 jours à Thibaut V pour toutes les fois que ce prince assisterait à la dédicace d'une église comme dans le cas précédent, cette indulgence devait être gagnée par tous les assistants (3252). Quelques jours après, sa durée fut étendue à un an et un jour (3253) (b).

Une bulle du même pape donne une indulgence de 10 jours à tous ceux qui prieront pour Thibaut V et Isabelle, sa femme (3248) (c).

Près de dix ans avant la mort de Thibaut V et

Priviléges accordés à la couronne de France par le Saint-Siége, 14, XIX) ce privilége fut confirmé à Philippe le Hardi (ibid., 39, XLVII; 60, LXXI; 64, LXXV), et à Philippe le Bel (ibid., 78, xcr).

(a) Saint Louis, Philippe le Hardi et Philippe le Bel, obtinrent le même privilége (Adolphe et Jules Tardif, Priviléges accordés à la couronne de France par le Saint-Siége, 8, x1; 24, xxxi; 71, LXXXIV; 87, c).

(b) Sur le privilége analogue obtenu par saint Louis et par Philippe le Hardi, voir Adolphe et Jules Tardif, Priviléges accordés à la couronne de France par le Saint-Siége, 25, xxxII; 65, LXXVI.

(e) Saint Louis et Philippe le Bel obtinrent d'Alexandre IV et de Nicolas IV la même faveur (Adolphe et Jules Tardif, Priviléges accordés à la couronne de France par le Saint-Siége, 12, XVI; 91, cv).

d'Isabelle, sa femme, Urbain IV invita les archevêques de France et d'Espagne, tous les abbés des ordres de Cluny, de Prémontré et de Cîteaux, en France, à faire célébrer un service solennel pour le repos de l'âme de ce prince et de cette princesse dès qu'ils recevraient la nouvelle de leur décès (32433247).

Nous avons déjà parlé des priviléges accordés aux religieux et aux clercs qui faisaient partie de la maison de nos comtes (a). Nous avons déjà dit que ces derniers furent autorisés par les souverains pontifes à toucher, sans résider, les revenus de leurs prébendes.

En effet, nos comtes ne reçurent pas seulement de la cour de Rome des faveurs spirituelles. Ce fut à elle qu'ils s'adressèrent quand ils voulurent, en dépit des résistances locales, contraindre les clercs mariés qui faisaient le commerce à payer les diverses redevances auxquelles était assujettie la population roturière, et dont le clergé comme la noblesse étaient exempts. La lutte fut longue; Thibaut IV, Thibaut V et Henri III successivement la soutinrent avec l'appui d'Innocent IV (2746, 2974), d'Alexandre IV (3126), d'Urbain IV (3282), de Grégroire X (3712, 3713), qui enjoignirent aux prélats champenois d'avoir à respecter les droits de nos comtes.

Dans les conflits qui surgissaient alors si fréquemment entre la juridiction ecclésiastique et la juridiction civile, on vit souvent intervenir les papes pour empêcher en Champagne les usurpations tentées

(a) Voir plus haut, pages 530, 532.

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