Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

pour qu'il devint une langue nouvelle. Je partage l'opinion de ces philologues italiens.

Il y avait eu assez de force dans le règne de Théodoric, au milieu d'un mélange de bien et de mal, pour que ses successeurs, soutenus par une aussi haute réputation, conservassent quelque temps l'autorité. Après lui, elle dura encore 37 ans. Justinien chassa ces successeurs en envoyant contre eux ses généraux Bélisaire et l'eunuque Narsès. Celui de ces Ostrogoths que l'empereur eut le plus de peine à combattre, fut Baduéla Totila, l'avant-dernier prince, qui reprit, perdit, et recouvra plusieurs fois sa ville de Rome qu'il ne pouvait ni abandonner ni garder. Théodoric, quoique roi d'Italie, n'avait pas dédaigné de reconnaître sur ses monnaies la suprématie des empereurs Anastase et Justin I". On voyait la tête de ces empereurs et l'exergue ordinaire, et au revers on lisait le monogramme THDORS, quelquefois THEDORS. Il en fut de inême pour Baduéla et Anastase. Mais vers les derniers temps, les magistrats monétaires voyant que le pays appartenait tantôt aux rois ostrogoths, tantôt à Justinien, firent battre ces pièces d'or si caractéristiques qui portaient à l'exergue, autour d'un visage informe, D.N.S. VICTORIA, Notre Seigneur la Victoire. Que les peuples étaient à plaindre à des époques si malheureuses! Cet aveu de leur impuissance ou de leur lâcheté les sauvait-il des récriminations de chaque parti? Rien n'est plus propre que la vue de ces monnaies à prouver que parmi tous ces anciens Romains si divisés, il ne régnait plus de sentiments de patriotisme, et que le vainqueur, Goth, Vandale, Suève, Alain, Thuringien ou Romain, était le maître tant qu'il était le vainqueur.

Bélisaire enfin s'empara de Rome, que l'empereur réunit de nouveau à l'empire d'Orient. Sous Justinien, les consuls qui existaient encore furent abolis. Il fit rédiger par Trébonien, son chancelier, les lois romaines en un corps de droit,dans lequel,sous le titre de Pan

dectes ou Digeste, de Code et d'Institutes, les modernes ont trouvé des conseils utiles. Ces conseils, joints à une fouled'autres méditations récentes, ont à la fin permis de composer l'excellent code qui régit aujourd'hui non seulement les Français, mais encore une partie des peuples qu'ils avaient vaincus et réunis à la patrie commune, et qui depuis sont passés sous des dominations étrangères.

Justinien respecta toujours l'église romaine: il maintint à la vérité l'évêque de la ville impériale dans le rang que celui-ci prétendait depuis longtemps tenir au-dessus des patriarches d'Alexandrie et d'Antioche, ce que les papes n'approuvaient pas, et ce qui n'a plus d'objet depuis la prise de Constantinople, mais il reconnut expressément, dans une de ses Novelles, l'évêque de Rome pour le premier de tous les évêques, et celui de Constantinople n'est placé qu'au second rang. Il ôta aux hérétiques les églises qu'ils avaient usurpées, et les rendit aux catholiques.

Justinien dut une partie de ses succès à Bélisaire, à la fois grand général et grand politique, dont la vie fut cependant une alternative de faveurs et de disgraces. Personne aujourd'hui ne croit plus à la fable de sa cécité et de sa pauvreté, qui le forcèrent à demander l'aumône; il dut souffrir assez de misères sans celles-là. On ne peut compter les triomphes qu'il obtint à la guerre; mais rien n'égale la magnanimité de sa réponse à Vitigès, l'un des rois goths qu'il avait vaincus. Celuici avait envoyé des ambassadeurs qui parlaient ainsi : « Romains, « étions vos amis et vos alliés, quand « vous êtes venus nous faire la guerre, « nous ignorons encore les causes qui « vous ont mis les armes à la main. Ce << ne sont pas les Goths qui ont enlevé « aux Romains le domaine de l'Italie; «< ce fut Odoacre qui détruisit la puis<< sance romaine en Occident, et qui s'établit sur ses ruines. Zénon, trop << faible pour se venger du tyran, eut « recours à notre roi Théodoric, et pour récompenser son zèle, il lui céda,

[ocr errors]

«

nous

[ocr errors]

« à lui et à ses successeurs, tous les « droits que les empereurs avaient sur l'Italie. Nous n'en avons pas abusé; « loin de traiter les naturels du pays « comme des vaincus, nous leur avons « laissé leurs lois, leur religion, leurs magistratures. Quoique nous ayons, « sur la divinité, des opinions diffé«rentes, jamais ni Theodoric ni ses << successeurs n'ont porté atteinte à la << liberté des consciences. Si c'est l'in« térêt des Italiens qui vous amène, << ils sont plus heureux sous notre gou« vernement qu'ils ne l'ont été sous leurs empereurs; si c'est le vôtre, « nous ne vous devons rien : mais pour « éviter toute contestation, nous vou«<lons bien vous céder la Sicile, sans laquelle vous ne pouvez conserver « l'Afrique.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Bélisaire répondit en peu de mots: << Zénon a ordonné à Théodoric d'aller << en Itake, pour qu'il y servît l'empire, « et non pour qu'il s'en appropriât la conquête. Qu'aurait gagné Zénon à « retirer l'Italie des mains d'un tyran « pour l'abandonner à un autre? Théodoric, après avoir tué Odoacre, « s'est rendu aussi coupable que le Barbare, puisque c'est une usurpa«tion également criminelle de ne pas << restituer un bien au maître légitime « et de l'envahir. Vous nous offrez la « Sicile qui nous appartient de tout temps. Pour ne pas vous céder en générosité, nous vous faisons pré«sent des îles britanniques, qui sont beaucoup plus étendues que la Sicile. » Ce discours et cette réponse expliquent mieux qu'on ne saurait le faire avec plus de paroles les événements du temps pendant près d'un siècle.

"

Il serait trop long de rapporter tous les faits mémorables, les actes de courage et de témérité, les ruses, les preuves de générosité réciproque, que Procope raconte dans son ouvrage sur cette guerre. L'exemple d'Alaric fut imité les églises de St.-Pierre et de St.-Paul jouissaient d'une sorte de neutralité, et les prêtres y continuaient les cérémonies du culte, sans être inquiétés ni par les Romains, ni par les Goths. Nous finirons par un trait qui

prouve le système de douceur que Bélisaire suivait, quand les circonstances le permettaient. Un de ses généraux ayant traversé le Picenum, les habitants prirent l'épouvante, et une femme, nouvellement accouchée laissa son enfant étendu par terre, s'enfuit, et ne put plus revenir, soit que la fuite l'eût entraînée trop loin, soit que quelque soldat l'eût enlevée. Aux vagissements de l'enfant, une chèvre survint et quand elle le vit, elle approcha, lui présenta la mamelle, fit autour de lui une garde attentive, pour empêcher un chien ou toute autre bête de lui faire du mal.

Il s'écoulait du temps, et l'enfant reçut toujours le lait de la chèvre. Trois mois après, les habitants apprenant que Bélisaire avançait et respectait les villes, retournèrent à leurs foyers. Les femmes trouvant cet enfant qui avait survécu, en furent émerveillées, et s'empressèrent à l'envi de lui offrir le sein; mais il le repoussait, et la chèvre, par son bêlement, montrait son inquiétude et sa colère. Alors les femmes laissèrent la chèvre continuer la nourriture, et l'on donna à l'enfant le nom d'Égyste, qui veut dire fils de chèvre. Bélisaire ayant désiré voir cet enfant, et les témoins ayant voulu le faire vagir, il pleura: la chèvre accourut encore, et malgré la présence du général et de ses soldats, se plaça près de son nourrisson, pour que personne ne le tourmentat plus. Nous verrons que, dans la catastrophe du tremblement de terre de la Calabre, une chèvre donna une marque bien extraordinaire de courage, d'intelligence et de fidélité.

Justin, fils de Vigilante, sœur de Justinien; lui succéda. Ayant eu l'imprévoyance de rappeler Narses, qui après Bélisaire avait été le plus grand général de Justinien, et de permettre devant lui des railleries sur la mutilation que le général avait subie dans son enfance, celui-ci se révolta, et il appela en Italie, à défaut des Ostrogoths, les Lombards, autres peuples septentrionaux commandés par Alboin, quipromirent de seconder sa vengeance.

Longin, successeur de Narsès, avait eu l'ordre d'habiter Ravenne, et d'établir à Rome un duc qu'on y envoyait tous les ans de Ravenne; le chef supérieur qui résidait dans cette dernière ville avait le titre d'exarque. Alboin, après plusieurs tentatives pour détourner l'attention, fond sur l'Italie à la tête de ses Lombards, occupe en un instant Pavie, Milan, Vérone, Vicence, toute la Toscane, la plus grande partie des pays qui s'étendent le long de la voie Flaminienne, et la province qui s'appelle aujourd'hui la Romagne. Dans ces temps, les pontifes, malgré la présence du duc agissant au nom de l'exarque, commençaient à obtenir toutes les prérogatives de souverain; fruit d'une rare habileté, et d'une admirable constance de vues, de sentiments et de conduite. Déja sous Théodoric, qui avait résidé souvent à Ravenne et laissé Rome sans

prince, les Romains avaient pris l'habitude de demander les conseils et la protection des papes. Les pontifes, depuis saint Pierre, méritaient l'estime universelle, par la sainteté de leur vie et l'éclat de leurs bons exemples. Sous ce prince, l'église de Rome avait la prééminence sur celle de Ravenne, même avant qu'on eût établi qu'elle l'aurait sur celle de Constantinople, et Longin ne détruisit pas ce droit. Depuis l'arrivée des Lombards, le pape eut occasion, dit un célèbre historien d'Italie, de se montrer plus vivant: les empereurs d'Occident et les Lombards lui portaient respect, et il n'était réputé le sujet ni des Lombards, ni de l'autorité de Longin.

Il ne sera pas inutile d'expliquer avec quelque précision quelle était l'origine des Lombards. Comme ils vont jouer un grand rôle en Italie, jusqu'à f'arrivée de Charlemagne, il est à propos de faire connaître quels furent les adversaires que vainquit un si grand homme, à fui seul l'honneur et la gloire des siècles du moyen âge, ce génie immense qui ramena quelque chose de la civilisation des temps anciens, et prépara les progrès de celle dont nous jouissons aujourd'hui.

S'il faut en croire Paul Diacre, dit Lebeau, qui a jeté de vastes lumières sur l'obscurité de ces époques jusqu'à lui peu connues, s'il faut croire Paul Diacre sur l'histoire de ses compatriotes, les Lombards, autres peuples goths, étaient sortis de la Scandinavie. Avant Paul Diacre, Procope et Jornandès ont été du même sentiment; mais il a été combattu par des auteurs récents.

M. de St.-Martin donne sur cette question des informations moins absolues, mais qui paraissent mériter d'être retracées ici, parce qu'elles apprennent nettement tout ce qu'il faut entendre par ces nations de Goths appelés de nom différent, et qui du Nord s'étendirent dans toute l'Europe occidentale et même dans une partie de l'Orient. Selon M. de St.-Martin, deux systèmes principaux partagent les savants: les uns adoptent le système de Jornandès, historien goth et évêque de Ravenne au 6e siècle, et regardent les Goths comme un peuple sorti de la Scandinavie; les autres traitent Jornandès de romancier et d'imposteur; ils vont rechercher en Asie l'origine des Goths, et l'y placent à une époque plus ou moins ancienne. La vérité n'est ni dans l'une ni dans l'autre de ces opinions, ou peut-être est-elle dans toutes les deux. Il suffit, pour les concilier, de leur ôter ce qu'elles ont d'absolu; elles se prêtent alors un mutuel appui; une multitude de renseignements précieux, et regardés comme fort douteux, acquièrent alors un haut degré d'importance et de certitude. Il est constant que les Goths, fixés au quatrième siècle sur la rive du Danube et du Borysthène, sont les Gètes que les anciens plaçaient dans les mêmes régions. Les auteurs contemporains des premières irruptions des Goths ne laissent aucun doute sur ce point; ils emploient indifféremment les deux noms, et de plus ils remarquent que les peuples nommés Gètes par les Grecs et les Romains, s'appelaient eux-mêmes Goths: cela étant, il est impossible de méconnaftre l'identité de ces deux noms avec

le nom de Scythes. Il n'en diffère que par une prosthèse (addition) familiere aux Grecs. Ces trois noms indiquent trois périodes de l'existence des Goths, qui nous reportent jusqu'à la plus haute antiquité, et font voir cette nation, maîtresse dès lors de l'Europe orientale et d'une grande partie de l'Asie, lançant au loin de nombreuses colonies. Ces colonies, renouvelées en divers temps, couvrirent à une époque fort reculée toutes les parties de l'Europe, et comme les autres, la Scandinavie (la Suède, la Norwège et le Danemark ). Voilà ce qu'il y a de certain pour le système qui trouve dans l'Europe orientale l'origine des Goths, comme nation. Quoique ce fait paraisse incontestable, il ne semble pas ensuite suffisant pour rejeter les renseignements conservés par Jornandès et par Procope.

Pour peu qu'on lise avec attention l'histoire des Barbares qui renverserent l'empire romain, il est facile de reconnaître un grand mouvement qui, depuis le premier jusqu'au quatrième siècle, portait de nombreuses émigrations de peuplades ou de guerriers, de la Baltique aux rives du Danube, à travers les plaines de la Pologne. C'est ainsi que les Bourguignons, les Lombards, les Hérules et beaucoup d'autres s'avancèrent vers le midi. C'est de la même manière que les deux races royales des Amales et des Balthes, qui commandaient les Ostrogoths et les Visigoths, étaient venues avec un certain nombre de guerriers se joindre aux Goths ou Gètes du Danube, laissés sans souverain par la retraite des armées d'Aurélien au midi de ce fleuve, quand cet empereur s'était décidé à abandonner les conquêtes de Trajan.

A ce sujet, nous remarquerons que cette ambition insatiable des Romains, ce courage, cette valeur, cette ardeur guerrière, ces cris en avant qui ne s'étaient jamais reposés, avaient remué, aux extrémités de l'Europe, divers peuples qui se faisaient tout au plus des guerres de quelque temps entre eux, et que l'audace des conquérants, la rigueur d'un joug avilissant

avaient enfin réunis contre le seul ennemi véritable qui voulait tout asservir, et qui se montrait à tout prix avide de triomphes nouveaux.

L'idée d'occuper la capitale d'ur. peuple qui fatigue la renommée ae l'éclat de ses victoires, s'est toujours présentée, et ne cessera, de se présenter à ceux que ce peuple a soumis successivement, et traités, suivant l'usage, comme on traite les nations

vaincues.

Les Lombards, ou plutôt les Langobards, avaient souvent changé de demeure. Tantôt sujets des Vandales, des Gépides, et des Hérules, et entraînés à leur suite, tantôt ennemis et vainqueurs de ces nations, et les entraînant à leur tour, on les voit entre le Rhin et l'Ems, entre le Véser et l'Elbe, entre l'Elbe et l'Oder, dans ce que nous appelions, il y a trente ans, le Palatinat, dans le Mecklenbourg, et sur les confins de la Livonie, de la Prusse et de la Moravie. C'était ce dernier pays qu'ils habitaient, lorsque Justinien, pour arrêter leurs ravages, et pour les opposer aux autres Barbares, et surtout aux Gépides, leur abandonna la Norique et la Pannonie, c'est-à-dire quelques portions de la Hongrie au midi du Danube, avec partie de l'Autriche et de la Bavière. Après avoir obéi à des chefs souvent remplacés et qui marchaient à leur tête dans leurs migrations, ils adoptèrent le gouvernement monarchique. Agilmond fut leur premier roi.

Les Lombards ou Langobards étaient ainsi nommés à cause de leur longue barbe (dans leur langue Lang Baert). A leur arrivée en Italie, ils étaient mêlés de chrétiens et de païens. Mais ceux qui professaient le christianisme étaient ariens; c'était la secte dominante parmi les peuples de la Germanie. Ne pourrait-on pas dire aussi, pour expliquer ce nom nouveau qu'ils se donnèrent, ou que la crainte leur donna peut-être, que les anciens noms de Goths, de Visigoths et d'Ostrogoths. avaient perdu leur prestige depuis la défaite des peuples ainsi nommés, et qu'il paraissait utile d'apporter un

nouveau nom pour inspirer une nouvelle terreur ?

Quoi qu'il en soit en 551, Alboin était roi des Lombards. Il avait aidé Narsès à vaincre Totila, et bientôt il conçut le projet de s'emparer de l'Italie et de s'y fixer. Odoacre et Théodoric, dans des conjonctures moins favorables, n'avaient eu que la peine de se montrer pour s'y établir. Ces considé rations encourageaient Alboïn. Avant de manifester ses desseins, il s'assura de l'amitié des rois francs, alors les plus puissants de ses voisins. Il y avait des alliances anciennes entre les Lombards et les Francs, déja appelés Français, et à qui nous ne donnerons plus désormais un autre nom. Les leçons de la politique et de l'histoire n'étaient pas perdues pour ces peuples du Nord, qu'on a si ingénieusement nommés la grande fabrique des nations, et que nous n'avons plus pour cette époque autant de droit d'appeler Barbares. Théodoric avait eu à s'applaudir de son mariage avec la sœur de Clovis. Alboin demanda et obtint en mariage Clotsvinde, fille de Clotaire. Alboïn, persuadé qu'il ne serait pas contrarié par les Français, résolut, avant de descendre en Italie, de donner des inquiétudes même aux empereurs de Constantinople, et de se délivrer des Gépides, qui occupaient la seconde Pannonie entre la Save et la Drave, et qui pouvaient, pendant son absence, ravager son pays, dont il voulait, à l'exemple d'Attila, conserver la souveraineté. Il représenta aux Avares, commandés par le khakan Baïan, ses voisins et ceux de la nation gépide, qu'il leur serait avantageux de partager avec lui les terres de cette nation, parce qu'une fois maîtres de ce pays, ils seraient à portée de mettre à contribution toute l'Illyrie, de s'emparer de la Thrace, et d'aller jusqu'à Constantinople attaquer l'indépendance de Justin. Ces détails doivent être recueillis pour prouver que nous ne sommes plus au temps où des Barbares, cherchant du pain, fondaient sur l'Italie, et ayant abandonné pour toujours leurs biens et leurs terres,

n'avaient plus qu'à réussir ou à périr de misère. Théodoric ne s'était pas ménagé d'asile, avant d'entreprendre son expédition. Alboïn essayait de se montrer plus prudent. Le khakan (c'est le vrai titre des chefs avares; celui de Khan qu'a employé M. de Guignes rappelle un titre seulement en usage chez les peuples modernes de l'Asie persane et turque) le khakan consentit à la ligue proposée, à condition que les Lombards lui enverraient à l'instant la dixième partie de leurs troupeaux, et qu'après la destruction des Gépides, les Avares auraient la moitié des dépouilles, et demeureraient en définitive seuls maîtres du pays. Alboïn, qui avait voulu agir comme Attila, fut obligé d'agir comme Théodoric. Il se rappela que le premier avait dû, il était vrai, la possibilité du retour au crime commis sur la personne d'un frère, et qu'il lui était devenu facile de rentrer dans un pays où il avait conservé l'autorité remise à des lieutenants fidèles, mais il pensa en même temps que Théodoric plus hardi, plus déterminé, avait emporté avec lui toutes ses destinées et toutes les ressources de sa puissance, et qu'il était résulté de l'impossibilité du retour, un élan plus impétueux, une persistance plus ardente, et un succès si prompt que les Romains n'avaient pas pu secouer le joug pendant près de 70 années. Alboïn se décida à accepter les conditions des Avares, donna un boeuf et un mouton sur dix, déclara la guerre à Cunimond, roi des Gépides, qui offrit en vain à Justin de payer le secours de l'empereur par la cession de Sirmium et de tout le pays enfermé par la Drave. Les Avares entraient sur les terres de Cunimond, à l'orient, tandis que les Lombards le menaçaient à l'occident. Cunimond préféra marcher sur les Lombards, ses ennemis les plus dangereux, mais il succomba. Alboïn le tua de sa propre main, et fit faire une coupe de son crâne, pour y boire dans des festins solennels, selon la coutume barbare de ces peuples septentrionaux. Les habitants du pays, sans distinction d'âge

« VorigeDoorgaan »